lundi 5 avril 2010

Paradoxes !

Paradoxes !
Daly Valet
Le Matin- Vendredi 2 - Jeudi 8 avril 2010 No 34212

Il y a d’un côté le représentant en exercice du Secrétaire Général de l’Onu
en Haïti, le Guatémaltèque Edmond Mullet, qui ne rate, depuis un
certain temps, aucune occasion pour pointer du doigt la communauté
internationale dans l’effondrement de l’État haïtien. Ou du moins dans
la faillite d’Haïti tout court. Il y a de l’autre un Bill Clinton, le « Monsieur
Haïti » attitré de cette communauté dite internationale dans le cadre
de la reconstruction, lequel ne cesse de larmoyer sur le sort d’Haïti. Il
a récemment présenté des excuses pour le rôle pernicieux qu’ont joué,
dans l’agonie de la production agricole haïtienne, les politiques de libéralisation

du marché haïtien promues et imposées par les administrations
successives américaines, dont la sienne, depuis la chute du régime des
Duvalier en 1986. Il y a, par ailleurs, ce document interne de la Maison
Blanche d’Obama, qui fait état de « l’échec de l’aide directe américaine
à Haïti depuis 1990 », soit près de 4 milliards de dollars. Les auteurs de
ce document d’évaluation confidentiel affirment que cette aide n’a pas
produit des résultats probants et qu’ils ont peiné à repérer ses « impacts
durables » sur le terrain. Tache et plaie sur la conscience, comme le
New York Times a récemment décrit Haïti dans un éditorial, notre pays
donne aussi lieu à des examens de conscience du côté de ses tuteurs internationaux officiels et autoproclamés. C’est comme si tout d’un coup ces acteurs étaient devenus des êtres inspirés. Enfin, des nouveaux Paul sur la route de Damas ! Tardive conversion.

Ces remises en question de pratiques de coopération mal pensées et déstabilisantes, tendent toutes, s’entend-on dire, vers une redéfinition des
modes opératoires traditionnels et vers un recadrage des paradigmes
actuels dans l’accompagnement ou dans ce qu’il faut désormais considérer
comme la prise en charge directe d’Haïti par l’international. Sincères
ou pas, ces aveux valent leur pesant d’or. Ils permettent de finalement
lever le voile sur la spectaculaire débâcle en Haïti à la fois des Nations
Unies et des Etats-Unis durant les vingt dernières années au plan politique.
Leur obsession monomaniaque pour des « élections à n’importe
quel prix » avec n’importe quel président pseudo-démocrate a fini par
décrédibiliser le principe même d’élections et rendu à la fois encore plus
chaotique et erratique la transition démocratique haïtienne.

Leur assistance a été, cependant, fort utile dans les secteurs de la santé
et de l’éducation. Là encore, il y aurait beaucoup à redire au regard de
ces organisations non gouvernementales qui disposaient de budgets plus
substantiels que les institutions de l’État relevant de leurs secteurs d’intervention.Il s’agissait de contourner l’État. Ces ONG recevaient leur appui financier de l’international et constituaient des « petits États forts »
à côté d’un État central affaibli. Conséquemment, le peuple haïtien se
retrouve aujourd’hui sans un appareil gouvernemental digne de ce nom
à même de l’accompagner efficacement dans sa quête de mieux-être et
d’une Nouvelle Haïti. Evidemment, les Haïtiens ont été eux-mêmes les
artisans de leurs propres turpitudes. Leurs dirigeants ont de gré abdiqué
leurs droits de gouverner dignement avec une certaine autonomie. Et
aujourd’hui, ils consentent à se laisser dépouiller de leurs prérogatives
régaliennes dans la reconstruction du pays. En prélude et en marge de
la Conférence de New York du 31 mars, il a été quand même curieux
d’entendre ceux-là qui ont présidé depuis des décennies à l’affaiblissement
d’Haïti, au démantèlement de ses structures étatiques, de ses capacités
de produire, et à la mise à genoux de son peuple, la qualifier
paradoxalement de « République des ONG ». Autrement dit, le pays au
monde avec le plus d’engeances du genre par tête d’habitant, soit près de
dix mille y opérant actuellement librement dans des domaines divers.
Comment devrait-il en être autrement quand, sous couvert d’humanitarisme,
les lois de la République ont été de fait mises en veilleuse pour
permettre aux agents de pointe de l’assistanat et à la tutelle étrangère de
s’installer dans la durée sur les ruines programmées de ce qu’il nous restait
d’État souverain ?

Des pratiques renouvelées devront s’instituer pour favoriser l’émergence
d’un État national fort, humaniste et responsable, et où, face à l’international, nos politiques ne seront plus réduits à inaugurer les chrysanthèmes dans la conduite des affaires domestiques d’Haïti.

Daly Valet

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