mercredi 10 mars 2021

Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles?

 Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles?

Hugues Joseph

J'ai repris ce texte Publié le 2018-03-12  par  Le Nouvelliste. Je l'ai trouve superbe

De l’Arbre de la Liberté, une feuille vient de tomber. Une grande feuille. Une très belle feuille. Encore toute verte. De celles qui étaient encore les plus nourricières. De celles qui ont encore le plus résisté au flétrissement s’attaquant insidieusement aux branches depuis quelques années. Cette feuille portait un nom : le tribun, l’ingénieur-agronome Gérald. Gérald Michel Mathurin, pour ne pas le détourner de la route qu’il vient juste de prendre.

Gérald était un digne produit des années 1980, de l’après 1986. De l’après Duvalier. Il appartenait à la galerie des grands hommes, plutôt rares, de ceux que cherchait désespérément Diogène dans la Grèce Antique, de ceux qui se sont littéralement sacrifiés pour ce pays.

Gérald était un homme habité par le pouvoir. Le pouvoir au sens du pouvoir d’influence sur les hommes et les femmes. Ce Jacmélien avait le pouvoir comme inscrit dans les gènes. Il ne le recherchait pas, le pouvoir venait le solliciter, comme ça. Il pouvait s’amuser à vouloir rester modestement à la marge. Le pouvoir venait toujours le dépister et le remettait sur la table, sous une forme ou sous une autre. A un niveau ou à un autre. Comme une lampe allumée qui ne peut rester longtemps sous le boisseau.

Je ne l’ai pas assez connu dans sa jeunesse pour pouvoir lui dresser un portrait complet. Je laisse honnêtement ce soin à sa famille, à ses amis d’enfance, ses camarades de promotion. Je laisse aussi à ses proches collaborateurs de le camper sous son profil des derniers temps à Jacmel. Je me limiterai à une tranche bien spécifique de la vie de l’homme que j’ai connu, quitte à solliciter d’office un peu d’indulgence, si par ignorance ou par perte de mémoire, je biaise ou déforme certains aspects.

Je retiendrai toujours de lui le sens pratique, l’acuité de la réflexion critique, la puissance de la vision, la pureté de la conviction et la profondeur de l’engagement et du renoncement. Il était l’archétype parfait des champions de la dignité et de la souveraineté nationales.

Lorsque j’ai été admis comme bleu à la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire en octobre 1980, le nom de ce jeune agronome planait déjà sur le campus comme un voile mythique, de ce que ce tout agronome devrait chercher à devenir. Il était, déjà en ce temps, Agronome de District, rang prestigieux qui venait clôturer à l’époque une carrière bien remplie. Il avait atteint très jeune cette position, adulé et envié à la fois par ses pairs, suivi de près par le pouvoir en place et installé déjà comme modèle pour les promotions montantes.

Pas l’ombre d’un doute qu’il était promis à une brillante carrière, comme tous se plaisaient à le prédire. Dans ce milieu « agronomique » hautement scientifique, le déterminisme fonctionne à plein régime. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les gênes ne se trompent pas. Gérald a donc eu sa belle carrière, jusqu’au sommet, au poste de Ministre de l’Agriculture. Mais ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Loin de là. 1986 a amené plein de vagues, de remous, de crues et même de débordements de lit, dans ce parcours qui paraissait déjà tout tracé, selon un rythme prédéfini, vers les plus hautes cimes.

L’année 1986 aura été, en langage d’agronome, un catalyseur, une infection opportuniste. Elle accélère les mouvements, provoque des réactions nullement prévues ou pas attendues de sitôt. Elle propulse au-devant de la scène, parfois trop tôt, et, avant même qu’on ne le voie venir, elle entraine la chute, vous met sur la touche, le temps que vivent les roses, c’est-à-dire, l’espace d’un matin comme disait le poète.

En créant ce grand brassage populaire qui amène l’explosion des barrières de classes et de couleurs et même de corporations, 1986 a généré une boulimie de pensées nouvelles, une demande effrénée de leadership dont le trait le plus commun était la faible espérance de vie. Dans cette jungle babélique qui suit la dictature, la proximité avec les masses crée d’office des attributs qui prendraient autrement beaucoup plus de temps à s’affirmer. Il en fut ainsi de ceux qui étaient en contact direct avec les paysans, les travailleurs, les fidèles des églises. A la même enseigne, on a donc retrouvé des leaders syndicaux, des leaders paysans, des prêtres, des agronomes. Il ne suffisait en plus que d’un zeste de capacité charismatique pour qu’éclatent au grand jour, avec la floraison concomitante de la radio et des « libres tribunes », des leaders dont certains étaient jusque-là insoupçonnés.

Dans ce contexte, 1986 a amené une remobilisation sans précédent de l’Association Nationale des Agronomes Haïtiens, autour notamment de Paul Duret, dont le bureau Agricorp à la rue du Peuple abritait les réunions, Ericq Pierre déjà à la BID à l’époque, Rosny Smarth fraichement revenu du Chili, avec le retour des exilés politiques, Fred Joseph et beaucoup d’autres (la liste serait longue), et bien sûr Gérald qui faisait le trajet aller-retour de Jérémie où il était déjà Directeur d’un des plus gros projets de l’époque après l’ODN, l’ODVA et le DRIPP, le projet de développement intégré de Jérémie, DRIJER, financé par l’UE (la Communauté Économique Européenne-CEE, à l’époque).

Dans ces joutes axées au début sur la recherche de la nouvelle place des agronomes sur l’échiquier politique dans le contexte de l’époque et les possibilités de collaboration avec les alliés naturels que sont les mouvements paysans et les syndicats, Gérald amenait l’expérience du terrain, une vision d’avant-garde et une précocité politique qui étonnaient plus d’un, malgré sa réputation déjà bien établie.

Je l’ai découvert et pratiqué dans cet univers de débats souvent orageux, parfois interminables lorsque, fraichement revenu de Paris en septembre 1986, j’ai été mobilisé pour appuyer l’ANDAH dans la planification de son premier grand événement public : un atelier international sur les réformes agraires avec le support de la Coopération française et de l’Institut National Agronomique Paris-Grignon.

Ainsi est né pour moi , dans l’admiration et l’émulation, le début d’une très grande amitié, j’oserais dire même d’une filiation avec cet homme que la vie a par la suite balloté par monts et par vaux, avec des percées fulgurantes, ponctuées parfois de descentes aux enfers paradoxales, dont il est presque toujours ressorti aguerri, blindé pour les prochaines escales ou les prochaines destinations.

Ainsi, il fut rapidement promu en 1991 Directeur Général de l’ODVA où sa carrière avait commencé comme jeune agronome en 1978 avec la mise en application de la loi du 28 juillet 1975 soumettant la Vallée de l’Artibonite à un statut d’exception. Expérience charnière, mais trop brève, avec l’assassinat prématuré en 1991 de « la chance qui passait » avec le coup d’état militaire. Mais cette expérience a été suffisante pour faire éclore le leader et le stratège en gestation. La gestion de l’ODVA a en effet ouvert les yeux de Gérald sur les chaines qui retenaient encore l’agriculture et les paysans au niveau archaïque tant décrié depuis des années par la gauche progressiste en exil. Il a vu à l’œuvre les mécanismes sophistiqués de la mainmise des classes dominantes sur la terre, notre principale ressource. Il a vécu en première loge « l’irrigation » des petits fonctionnaires par l’autorisation à peine voilée de la petite corruption, destinée à maintenir la reproduction à l’identique des rapports sociaux de domination sur les populations rurales et les masses laborieuses des villes. Il a vu les bienfaits, mais aussi et surtout les limites, de l’aide ou de la coopération.

Ainsi, la longue traversée du désert qu’a été l’embargo de 1992 à 1994, lui a offert le temps d’enkystement nécessaire pour mettre de l’ordre dans la réflexion depuis longtemps initiée, affiner la vision, tester la fragilité des alliances contre nature, expérimenter dans sa chair les privations qui pétrissent le cœur et forgent une fois pour toutes le caractère de l’homme destiné aux grandes missions.

Dès lors, exclu de la fonction publique et se mettant exclusivement au service de l’organisation de l’avenir, il a contribué à la reconsolidation de l’ANDAH et à la coordination de l’Inter-OPD. Tous ceux qui étaient un peu branchés pendant la période du coup d’état étaient informés de cette brillante initiative de regrouper l’ensemble des organisations et institutions dédiées à l’accompagnement des masses en un vaste mouvement coordonné. Il est vrai que le ver était déjà dans le fruit. Ce cocktail détonnant regroupant autant de petites structures indigènes que de grosses organisations internationales ne pouvait naturellement pas parler de manière univoque. Mais là étaient les gros moyens en ce temps de disette et mieux valait objectivement s’en rapprocher pour en dévier une partie au bénéfice des masses que de laisser le tout passer aux alliés de la machine répressive et, chemin faisant, poser les bases de l’organisation du futur pour « casser définitivement les chaines».

Le travail de maintien en équilibre de cette machine stratégiquement imposée par les nécessités de la conjoncture de régime militaire a mobilisé toutes ses énergies dans les deux années 1993 et 1994 précédant le retour à l’ordre constitutionnel. Il lui a également permis de toucher du doigt la précarité des vies engagées dans ce combat pour la démocratie et la dignité nationale. Gérald a été le témoin en direct de la perte irréparable de certains combattants comme Jean-Marie Vincent et Guy Malary. Il en avait pris conscience de sa propre fragilité et compris que le temps était désormais compté. Il a, de ce moment, intériorisé la conscience que le service de la cause nationale ne pouvait s’accommoder ni de loisirs, ni de congé. Le chantier était là, attendant, impatient, exigeant, irrépressible. Finies les notions de jour et de nuit. Chaque seconde valait son pesant d’or car il savait ne pas pouvoir compter à coup sûr sur la seconde d’après. Le temps lui-même était déconstruit pour les besoins de la lutte.

Dans le silence des longues nuits sans électricité et la psychose de la proximité permanente avec la mort, la pensée s’est construite autour de la mission et de ses impératifs, les outils du leadership affutés, les alliés séparés des adversaires. Au prochain réveil, le rite initiatique était consommé et l’homme prêt à marcher vers son destin.

Aussi est-ce naturellement et légitimement que l’Agronome Gérald Mathurin s’est retrouvé Ministre de l’Agriculture en mars1996, dans le premier mandat de René Préval avec Rosny Smarth comme Premier Ministre. Je n’oublierai jamais sa répartie quand il m’a appelé un matin pour me demander de faire partie de son cabinet. Ma première réponse a été de me défiler en évoquant mon souhait de rester en-dehors de l’État comme j’en avais décidé pour ma carrière professionnelle. Et lui de me répondre avec le grand éclat de rire qu’on lui connait : Aa djab, tan teyori a fini! Kounya ou nan pouvwa tou. Pa gen mwayen rete kache dèyè. Vin montre sa ou konn fè tout bon, oubyen pe bouch ou nèt.

Ainsi je fus membre de son cabinet puis chargé de mission à l’INARA. Je ne pense pas avoir été plus fier dans ma vie qu’en ce temps-là. Dans l’entourage d’un ministre dit tout-puissant, mais qui en imposait à tous d’abord par sa simplicité, son engagement patriotique et par-dessus tout, son honnêteté proverbiale, la fierté était patente. Jamais il n’a été cité comme impliqué de près ou de loin dans une quelconque combine. En sa présence, les brasseurs de tout acabit avaient la trouille, certains tremblaient même visiblement, chaque fois qu’ils étaient, pour une raison quelconque, invités ou convoqués au carré du Ministre. Même les bailleurs ont fait l’expérience d’un leader qui avait sa vision de son secteur et pour lequel tous les « lions » ou « liards » pouvaient aller voir ailleurs si les projets-prétextes ne cadraient pas avec ses orientations du moment. De fait, c’est l’époque où certains bailleurs ont commencé à fuir Damien et le MANRDR pour chercher refuge aux Ministères du Plan ou de l’Environnement, plus conciliants et plus malléables, plus pragmatiques peut-être face à l’argent.

En ce temps faste, Gérald, le Ministre Gérald Mathurin, était l’étoile encore montante qui brillait de tous ses feux. La rumeur publique laissait croire qu’il était le grand vizir, la pensée créatrice qui irriguait tout le Gouvernement de Rosny Smarth. Il aurait été sur tous les bons coups, il aurait inspiré certaines des plus grandes décisions au niveau politique, économique ou social. C’était peut-être tout simplement une perception, quand on se rappelle toutes les grosses pointures qui faisaient partie de ce Gouvernement et la finesse du Président Préval. Gérald, lui, ne se prononçait personnellement jamais sur cette évaluation de son rôle, mais on sentait son influence sur le pouvoir politique, même s’il n’en tirait aucun bénéfice pour lui-même, ni pour ses plus proches parents ou amis. J’ai une fois vu son propre frère ainé, l’Agronome puis Sénateur de la République, Féquière Mathurin, subir une de ses nombreuses mesures de redressement.

Mais l’histoire politique retiendra surtout qu’il a été l’artisan principal du plus grand chantier communicationnel du Président Préval, sur un dossier qui aura, à bien des égards, marqué les annales nationales. Ce dossier, rêve de plusieurs générations de militants et intellectuels de gauche qui ont vécu en exil, faisait partie, avec la lutte armée, des deux mythes révolutionnaires d’Haïti, comme de l’ensemble du Tiers- Monde. C’était la réforme agraire. Cette revendication a marqué à l’encre rouge la mémoire des organisations populaires et paysannes à partir de 1986. Les massacres de Jean-Rabel et Piatre, les conflits sanglants récurrents de la Vallée de l’Artibonite étaient les signes les plus visibles du malaise agraire qui embrase ce pays depuis l’assassinat de Dessalines en 1806, mais qui s’est exacerbée avec la crise du monde rural des années 1960-1980, consécutive à la croissance démographique et aux immixtions catastrophiques et déstructurantes autant de l’Occupation américaine que du régime Duvalier.

Pour avoir commencé sa carrière dans l’Artibonite et précisément à l’ODVA, le Ministre Gérald Mathurin était convaincu qu’aucun gouvernement ne pouvait alors être assuré d’un minimum de stabilité sans une pacification définitive de la Vallée de l’Artibonite. La réforme agraire était tout indiquée, d’autant que le Président Préval était acheteur consentant de l’idée pour se constituer des forces alliées en-dehors des quartiers populaires de la capitale totalement inféodées à son marassa. Le projet était tout aussi sympathique pour le Premier Ministre Rosny Smarth qui avait fait ses premières armes au Chili dans les années 70 dans la brève expérience de l’intermède Allende.

Tout le hic venait du manque d’expérience. En ce domaine, il y avait beaucoup de théories et de rêves inspirés des lectures livresques, mais personne en Haïti, hélas, ne savait réellement quoi faire ni comment, à part peut-être Gérard Pierre-Charles, leader de l’OPL qui préconisait, dès 1967, dans son livre « l’Économie haitienne et sa voie de développement », la réforme agraire comme l’une des clés pour sauter les verrous qui depuis deux siècles, bloquaient le décollage économique national. Devant ce vide pratique, le Ministre, conscient de ses responsabilités devant l’histoire, a dû être ingénieux, inventer pas à pas, jour après jour, loin des sentiers battus, loin des accusations fantaisistes des réactionnaires de l’extrême droite, loin des recettes dogmatiques inspirées des modèles des économies planifiées d’Europe de l’Est ou d’Asie, loin de l’intransigeance infantile des groupements nihilistes d’extrême gauche.

Il mettait donc presque tout son temps sur la réforme agraire, ne passant à Port-au-Prince et à Damien que le temps nécessaire pour liquider les dossiers administratifs et contribuer à la cohésion gouvernementale. Dans l’Artibonite, il était dans son élément, courant vers chaque foyer de conflit artificiellement déclenché pour lancer une alerte à la réforme agraire, renforçant la conviction idéologique, le bagage technique et le moral des équipes engagées sur le terrain. Ainsi se sont encore développés davantage ses capacités d’anticipation et ses talents d’organisation. Il a alors institué « l’Unité de Commandement » regroupant tous les directeurs (INARA, ODVA, ONACA, BCA, Police), les membres de cabinet impliqués dans le dossier de la réforme et les leaders paysans du comité de suivi (également mis en place sur ses instructions, comme une sorte d’inspection générale de la réforme agraire).

Dans une course perpétuelle contre le temps, cette unité de commandement ne commençait jamais ses réunions avant 11 heures du soir, avec les ornements rituels que sont le café, le coca-cola, les poches de cigarette « Comme il faut Tête jaune ». On voyait la fierté des participants autorisés qui arrivaient à partir de 10 heures du soir, non sans avoir fait réserve de quelques heures de sommeil préalable. Ils étaient pleinement conscients de leurs privilèges d’appartenir au cœur du pouvoir et de contribuer à une œuvre qui allait marquer l’histoire. Tout était débattu dans ces réunions interminables: les fermes en litige à intégrer au domaine de la réforme agraire, les problèmes généraux d’intendance, la sécurité des cadres et des membres du Comité de suivi, le prix des engrais, les taux d’intérêt du crédit, la disponibilité des semences et de l’eau, les problèmes de drainage, le nettoyage des listes d’attribution des parcelles, l’attitude des juges de Saint-Marc... Les décisions étaient arrêtées par consensus et immédiatement appliquées sur le terrain ou proposées pour validation au président Préval.

Sans jamais un bout de note inscrite sur une feuille de carnet ou de papier, le Ministre Gérald Mathurin «surf-ait » entre ces différents sujets, stockés dans un ordre précis dans sa mémoire éléphantesque. Il arrivait avec une connaissance déjà approfondie de chacun des dossiers et des problèmes. Son jugement était souvent déjà fait sur presque tout, ses scénarios de résolutions déjà connus et classés dans sa tête. Mais il se mettait patiemment à l’écoute, donnant à chacun la certitude que sa place dans les discussions était essentielle, indispensable, que son mot comptait. Et chacun était convaincu à la fin que la proposition finalement adoptée était bien la sienne.

Il y allait ainsi 3-4 jours d’affilée, avec des réunions intenses, parfois houleuses qui s’étiraient jusqu’aux dernières heures de l’aube. Il affichait pourtant la plus grande sérénité, sans le moindre signe d’énervement ou de fatigue, avec la plus grande indulgence envers tous les participants, sans aucun souci de hiérarchie. Il répétait à l’envi qu’à partir de minuit « tout moun se chèf, tout chèf se lougawou, tout kabrit Tomazo menm plim menm pwa menm ran ».

Il quittait parfois l’Artibonite épuisé, mais très bien armé pour les rencontres au Palais. Il était tout aussi conscient que ces rencontres hebdomadaires avec le Président étaient cruciales pour la poursuite de l’aventure de la réforme agraire. D’autant plus que le Président n’était jamais seul. Il était toujours accompagné du conseiller spécial sur les questions agraires et politiques, le célèbre journaliste Jean L. Dominique. Jean était le principal supporteur idéologique de la réforme agraire mais, en même temps, son critique le plus avisé et le plus intransigeant. Pour Jean Dominique, la réforme agraire était trop importante pour laisser quoi que ce soit au hasard. Il avait des questions apparemment anodines, mais en fait très pointues, toujours sensées, qui méritaient des réponses précises et qu’il reprenait plus tard dans son émission quotidienne de l’après-midi pour sensibiliser la population et susciter son adhésion au mouvement en marche.

A ces rencontres au Palais, assistaient aussi toujours Charles Suffrard, le Coordonnateur du Comité de suivi, le Ministre de l’Économie et des Finances, Fred Joseph, le Secrétaire d’État à la Sécurité Publique, Robert Manuel, et le directeur général de l’INARA, Bernard Éthéart, et parfois Ericq Pierre de passage de son poste à Washington. Le ministre Gérald Mathurin y subissait quasiment à chaque fois un véritable examen oral dont il ressortait toujours avec brio, avec le respect grandissant du Président, l’admiration mêlée d’une certaine jalousie de ses collègues. A la fin, il repartait avec la validation de ses propositions de lignes d’action et la confirmation des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

Ainsi se déroulait la plus grande opération agraire d’Haiti depuis deux siècles et Gérald en était à la fois le compositeur et le Chef d’orchestre. Que de mal n’a-t-on pas dit de cette expérience? Pierre Léger a trouvé une formule lapidaire et généreusement minimisante pour la dévaloriser et l’exposer à la désapprobation générale : « Refòm agrè ti jaden » !!! Personne n’a au fait pris le temps de comprendre le point de départ, les impératifs et les contraintes de la conjoncture, l’état des rapports de force et l’objectif ultime, pour relativiser ces jugements nihilistes. Gérald n’avait qu’à ne pas toucher au statu quo. Rien que l’action a dérangé. Le confort historiquement installé a été ébranlé. L’instigateur devait payer cash, au bout d’un gibet.

J’espère avoir un jour le temps de revenir en détail sur les motivations profondes des contempteurs de la réforme agraire, et le faible poids de leurs griefs. Pas pour justifier quoi que ce soit. Gérald n’a pas besoin de défenseur. L’histoire l’a déjà jugé et tranché. Verdict : ACQUITTÉ. Pour l’occasion, je me limite à partager mon intime conviction de la nécessité de cette action et de l’adéquation de la méthode et du contenu proposés avec l’état de l’environnement social, économique et politique de l’époque.

Gérald a été enfin solidaire, en équipier exemplaire. Il fut l’un des premiers, si ce n’a été le premier, à suivre Rosny Smarth dans sa démission à la tête du Gouvernement. Il est sorti la tête haute, applaudi et encore désiré, montrant clairement à la nation, comme dans le bref intermède Manigat, ce qu’il est possible de faire de ce pays lorsque l’engagement, la volonté politique et un brin d’intelligence et d’honnêteté intellectuelle, d’honnêteté tout court, sont combinés.

Avec son départ, l’expérience de la réforme agraire a perdu son cœur et son inspirateur, pour être livrée totalement aux fossoyeurs séculaires de la nation et de la cause paysanne. Haïti mettra probablement beaucoup de temps à se remettre de ce projet avorté, étouffé dans l’œuf. Je crois que ce fut la grande déception de cet homme dont la vie a été marquée par des accomplissements retentissants, mais sans tambour ni trompette, et qui voulait aller toujours jusqu’au bout dans toutes ses entreprises.

Sa dernière déception aura été de se voir fermer, une dernière fois, la porte du service public, après avoir construit patiemment et vaillamment ce qui restera certainement le plus vaste mouvement de masse du département du Sud-Est, le « KROS ». A l’entrée des joutes électorales pour le poste de Sénateur du Sud-est, la veuve aux yeux bandés, mise sous le boisseau, avait été remplacée par des juges vénaux. A travers Gérald, la Nation a été, encore une fois, victime de la décision du vice à qui est trop souvent conférée ici, contre toute logique, la prérogative de juger la vertu. Le certificat de décharge de ce ministre intègre, aux pattes blanches jusque dans sa mort, était encore retenu dans les mailles du filet diaboliquement tissé depuis des lustres pour garder les plus méritants en-dehors du service, dans ce vaste et éternel « complot contre l’intelligence » tant dénoncé de son vivant par le Professeur-Président Manigat.

Maintenant, c’est bien fini. Il ne sera jamais sénateur, ni… Il n’est donc plus un risque pour personne. Seulement une perte sèche pour sa famille et son pays. L’acharnement contre sa personne peut bien cesser. Et la conscience saine de ce pays doit, en mémoire de ce qu’il a été et restera pour Haiti, laver cette tâche collée à son prestige, lui restituer une totale réhabilitation. Il faudra militer, comme il l’a fait toute de sa vie, pour que ce bout de papier, dont la valeur est d’ailleurs de plus en plus en questionnable avec son instrumentalisation politique, sorte enfin du tunnel de la bêtise et des intérêts mesquins.

Gérald était à lui tout seul un incubateur de leaders. A son contact, on ne pouvait que progresser, se bonifier, s’engager. La liste est longue des jeunes de tous les milieux et de tous les départements, et particulièrement, le Sud-Est, qui ont été à son école. Dans sa très grande générosité, il a passé sa vie à former, transmettre, dans une vision d’un pays digne offrant à tous ses fils les mêmes opportunités, dans une pédagogie de l’action et d’un engagement quasi ascétique. C’est pourquoi, il est déjà entré debout au panthéon des grands hommes, qui ont façonné l’histoire de ce pays et qui ont compris, comme nos valeureux ancêtres, que la liberté et le droit de cité exigent renoncement, sacrifice et combat permanent jusqu’au moment de remettre le tablier, pur et sans tâche.

Voici donc le portrait sommaire, peut-être biaisé, de la feuille qui vient de tomber. Une feuille encore verte, dont l’arbre national rabougri n’aura exploité qu’une bien infime portion du potentiel. Tant que la feuille est encore bien accrochée à la branche, sa sève monte pour nourrir le fruit dont la reine se régalera. Une fois tombée, elle est livrée en pâture à la terre. Mais ce n’est là qu’une apparence. Nous, les agronomes, savons que le pourrissement est salutaire. Dans le grand cycle biologique, la feuille morte se décompose et ses éléments, en se recomposant, retournent à la terre où plongent les racines, ils remontent de là pour alimenter des feuilles nouvelles plus fortes, pour nourrir l’arbre et le garder encore plus luxuriant. Tel est le destin sublime de Gérald Michel Mathurin. Un don total à sa terre, à Haïti. Jusque dans sa mort.

dimanche 6 septembre 2020

La Communauté Internationale

 

La Communauté Internationale

S’il y a un concept qui revient régulièrement dans la presse, c’est bien celui de « Communauté Internationale ». Mais de quoi s’agit-il ? Je ne crois pas qu’il y ait quelque part un texte qui le définisse ; tout se passe comme si il était évident pour tout le monde. Pourtant je pense que nous devrions essayer de voir d’y voir un peu plus clair, surtout nous Haïtiens, compte tenu du rôle que joue cette « chose » chez nous particulièrement depuis le départ de Jean Claude Duvalier.

On pourrait, naïvement, penser qu’il existe une institution qui représente la communauté internationale. Il s’agit de cette organisation créée par les pays de l’alliance qui a combattu et vaincu les « puissances de l’Axe » (Allemagne, Italie, Japon), autrement l’Organisation des Nations Unies (dont Haïti est membre fondateur). D’autant plus que, avec les années, cette ONU s’est élargie, comptant avec ses 197 membres, presque tous les pays de la planète.

Mais cette organisation souffre de deux problèmes. Pour commencer elle a, dès le départ, créé une discrimination entre les membres ordinaires et les membres du Conseil de Sécurité, au nombre de 5 : États-Unis, Union Soviétique (aujourd’hui Russie), Chine, Grande Bretagne, France. Le deuxième problème fut la compétition (idéologique) entre les deux grandes puissances qu’étaient les Etats Unis et l’Union Soviétique, que l’on a appelée la « guerre froide ».

En principe, depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et le démantèlement de l’Union Soviétique, il n’y a plus de guerre froide, mais on voit encore s’affronter les « deux grands », les États-Unis et la Russie, et le jeu devient encore plus compliqué avec la montée en puissance d’un troisième « grand », la Chine, qui n’a pas renoncé à son étiquette de « communiste ». On peut donc difficilement voir dans l’ONU une instance représentative de la « communauté internationale ».

En dépit de tout l'ONU s'efforce, suivant l'article 1 de sa Charte, d'être un lieu où se construit un avenir meilleur pour tous les êtres humains, et ce à travers quatre objectifs :

1.     Maintenir la paix et la sécurité dans le monde ;

2.     Développer les relations amicales entre les nations ;

3.     Réaliser la coopération internationale sur tous les sujets où elle peut être utile et en encourageant le respect des droits de l'homme ;

4.     Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations dans des objectifs communs.

En ce qui nous concerne ici, c’est la poursuite du premier objectif, le maintien de la paix et la sécurité dans le monde, qui nous intéresse. En effet, ONU peut, avec le Conseil de sécurité, prendre des décisions concrètes qui peuvent déboucher, par exemple, sur l'autorisation d'employer une force armée – les « Casques bleus » – pour maintenir ou rétablir la paix.

C’est en vertu de ce pouvoir que, en Haïti nous avons connu, de 1993 à 1996, la MINUHA (Mission des Nations Unies en Haïti), une force de maintien de la paix : de 2004 à 2017, la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti), une autre mission de maintien de la paix, remplacée immédiatement par la Minujusth (Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti) ; et que nous avons actuellement le BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti).

Personnellement, quand je vois dans quelle situation les Haïtiens sont obligés de vivre, j’ai envie de dire que ces missions n’ont pas été très efficaces dans l’accomplissement de leurs tâches ; mais, n’étant pas dans le secret des dieux, je n’ai aucune idée des difficultés qu’elles ont rencontrées, et surtout, n’étant pas devin, je suis totalement incapable de dire quelle serait la situation aujourd’hui, si elles n’avaient été présentes.

Il existe cependant des personnes qui semblent avoir une meilleure compréhension de cette problématique et formulent des analyses très critiques de l’action de l’ONU et c’est ce que je me propose de présenter à la prochaine occasion.

Bernard Ethéart

Samedi 5 septembre 2020

mercredi 9 octobre 2019

A QUOI DEVRA RESSEMBLER L’ÈRE POST-JOVENEL, MAINTENANT, DEMAIN OU À LA FIN DE SON MANDAT ?



A QUOI DEVRA RESSEMBLER L’ÈRE POST-JOVENEL, MAINTENANT, DEMAIN OU À LA FIN DE SON MANDAT ?

ABNER SEPTEMBRE

8 OCTOBRE 2019

Il est évident que la population demande ou souhaite aujourd’hui le départ du président Moïse, après que ses opposants politiques et autres aient tout fait sans succès pour le chasser du pouvoir. Toutefois, ils n’ont pas bossé en vain. Leur plus grand mérite est que leur ténacité a enfin entrainé une bonne partie de la population des villes contre le pouvoir du président Moïse. Si seulement ils avaient compris plus tôt qu’un plat de maïs chaud ne se mange que sur les côtés, ils auraient été déjà parvenus à ce résultat et auraient évité au pays tant de souffrances. Il reste par contre que l’après-Jovenel n’est clair pour personne. C’est peut-être là l’une des faiblesses qui expliquent aujourd’hui encore la présence du président Moïse au pouvoir. Si tel est le cas, il est urgent de clarifier cette question : de quoi l’après Jovenel devra-t-il être fait ? Il est surtout urgent de trouver des réponses satisfaisantes, entre autres en termes de pertinence, de profondeur et de durabilité.

Tout d’abord, trois recours semblent s’offrir au pays. Option 1 : appliquer la constitution, en remettant le pouvoir au juge le plus ancien de la Cour de Cassation. La question est : dans le contexte actuel, cette option ne risque-t-elle pas de nous conduire au maintien du statu quo ? Option 2 : aller aux élections. La question serait plutôt : le pays est-t-il capable de réaliser maintenant des élections libres, honnêtes et démocratiques, voire a-t-il les moyens de prendre en charge dignement les coûts et avoir le contrôle tant du processus que des résultats ? Option 3 : un gouvernement transitoire de consensus d’au moins 3 ans pour pacifier et stabiliser rapidement le pays, puis pour réaliser de bonnes élections, où c’est la voix du peuple qui prime, comme en décembre 1990. La question ici serait : qui devront faire partie de ce gouvernement, combien devront-ils être, comment devront-ils être choisis, quel devrait être son mandat ?

Que voulons-nous vraiment que soit ce pays pour nous, pour nos enfants et leurs progénitures ? Un ami m’a envoyé par WhatsApp un texte qui date de 56 ans, écrit par Guslé Villedrouin et Gérald Brière de Jeune Haïti mais qui résonne à nos oreilles comme l'écho d'un cri du moment. J’en retiens ceci : « Il y a toute une vieille Haïti qui doit mourir pour que naisse un pays jeune, neuf, actif, épanoui dans toutes des virtualités, un pays où le travail pour tous apporte le pain à tous, où les responsables sont les premiers serviteurs et les derniers servis, où règne non point un fallacieux et étouffant nivellement, mais une recherche généralisée du dépassement de soi et dans le don aux autres, un pays où la participation commune au redressement national cimente l’union des cœurs. Voilà la jeune Haïti qui doit maintenant entrer dans l’Histoire ». Ce qui se résume par la justice sociale distributive, à laquelle j’ajoute un pays souverain maître de son destin et qui fraie éloquemment sa voie dans le concert des nations.

Si c’est ce que nous voulons ou un autre choix à définir, expression d’un changement de système, alors la question suivante est incontournable : comment y parvenir ? En cas d’une éjection ou démission du président Moïse, quelle que soit l’option faite parmi celles susmentionnées, ce sera en effet loin d’être suffisant. On a aussi besoin de travailler tant la réalité des deux autres pouvoirs législatif et judiciaire, que celle des classes politiques, économiques, financières et intellectuelles, c’est-à-dire les dirigeants et les élites haïtiennes nantis du pouvoir d’État. Un troisième acteur devenu « surinfluent » sur l’échiquier depuis ces 30 dernières années est la communauté internationale, au triple plan politique, diplomatique et de coopération au développement. Ces trois acteurs forment ce que le Professeur Marcel Gilbert avait baptisé de « Classe du pouvoir d’État » qui, à chaque crise politique, « arrive adroitement à imposer à la Nation une solution bancale ». Enfin, deux autres acteurs importants, leaders d’opinion, sont à signaliser : l’église et la presse, bien qu’étant en général un instrument de l’une ou de l’autre des catégories précitées (sauf certaines exceptions). Ce sont ces forces très puissantes qui interviennent à l’intérieur du système, qui le formatent à dessein, et donc sont responsables de tous les malheurs du pays que le peuple dénonce aujourd’hui. Si elles sont neutralisées et réorientées en capsule de progrès, le reste ne sera que programmatique pour construire enfin l’autoroute d’une nouvelle Haïti vertueuse et durable pour tous ses enfants.

Abner Septembre, Sociologue Centre Banyen @ Vallue, 8 octobre 2019

mercredi 2 octobre 2019


Messieurs, halte là!
Adelet Jean-Gilles
30 Septembre 2019

Depuis tantôt un mois le pays ne fonctionne pas. L'administration publique est paralysée, les institutions privées marchent au ralenti, la rentrée scolaire est ratée. A date, quinze jours de classe de perdus. On va entamer la quatrième semaine avec les mêmes risques; des parents ont payé alors que les enfants sont restés chez eux. La population est aux abois. Dans un premier temps c'était la rareté du carburant, viennent ensuite les troubles politiques émaillés de violences que les responsables politiques choisissent de coïncider avec la rentrée des classes. A qui profite le bénéfice d'une telle stratégie ? Au pays ou à ces derniers?

Depuis lors, la majorité silencieuse de la population est aux abois. Marchands, élèves, professionnels, employés des secteurs  public et privé ne connaissent que de mauvais jours et constatent avec amertume leur misère augmentée. Pas d'argent, pas de nourriture, pas de moyen de transport, violences partout dans le pays, aucun moyen de subsistance ...  Ca ne dit rien ni aux dirigeants qui abandonnent leur mission sacrée de protéger la population et de travailler à son bien-être; ni aux leaders de l'opposition qui ne tiennent qu'à leurs intérêts. La population est livrée à elle-même. Où sont passés ceux-là qui sont placés pour faire fonctionner les institutions régaliennes ? Les leaders de l'opposition ont-ils une conscience d'hommes et de femmes d'État ?

Aucune raison ne peut expliquer que les enfants soient contraints de rester à la maison sans pouvoir se rendre à l'école, que les gens ne peuvent s'approvisionner en besoins primaires, rentrer chez eux ou se rendre à l'hôpital ...

Rien n'explique que des gens se réclamant de manifestants dans des mouvements démocratiques soient munis de toutes sortes d'armes qu'ils utilisent pour contraindre d'autres gens à adhérer à leurs mouvements, pour piller et incendier des entreprises aux yeux des leaders de l'opposition qui se démarquent de toute responsabilité. Oui, beaucoup d'entre eux ont faim et vivent quotidiennement dans la précarité, mais ce n'est pas une raison de voler et de détruire les biens d'autrui.

Rien ne justifie que des ¨honorables sénateurs¨ fassent souiller et violer l'enceinte sacrée du Grand Corps par des ¨militants¨ pour l'arroser de produits fécaux et s'en prendre vertement, menacer violemment d'autres sénateurs, honorables comme eux.

Qu'est-ce qui justifie qu'un Président qui devrait être à l'écoute des gens, de ses mandants soit aussi entêté à rester dans la direction contestée par ceux-là pour lesquels il travaille à leur bien-être?
Tout cela, au profit d'une politique rétrograde pratiquée de part et d'autre et qui ne mènera le pays nulle part. De 1986 à nos jours qu'est-ce que les haïtiens peuvent mettre à l'actif de ces hommes politiques qui vont et reviennent dans le pouvoir? Permettez que je réponde: la liberté de la parole pour détruire nos frères moralement et physiquement.

Haïti est notre pays. Il n'appartient à aucun groupe en particulier, tous les haïtiens sont des héritiers privilégiés au même titre de Dessalines, de Christophe et de Pétion.
Nou fout plus nwi moun que nou ede moun. Halte là messieurs!

                                                                                                           Me Adelet  Jean-Gilles
                                                                                                                        Avocat
                                                                                                           30 septembre 2019

mardi 3 septembre 2019

LA REUNION DU G7




LA REUNION DU G7
BERNARD ETHEART
1er SEPTEMBRE 2019

On n’attendait pas grand’chose de cette rencontre des chefs d’État ou de gouvernements du Canada, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et du Japon, plusieurs des participants arrivant en position de faiblesse :
-          Justin Trudeau a une échéance électorale qui s’annonce compliquée et est en délicatesse avec la justice ;
-          comme d’habitude, Donald Trump fait le fanfaron mais est engagé dans plusieurs dossiers délicats ;
-          Boris Johnson est empêtré dans son affaire de Brexit ;
-          Angela Merkel est affaiblie politiquement et fait face à des problèmes de santé ;
-          le premier ministre Italien est à la tête d’un gouvernement démissionnaire ;

-          finalement seul le japonais Shinzo Abe semble n’avoir aucun souci particulier.

Au milieu de tout ce beau monde, l’hôte de la conférence, Emmanuel Macron, se souvenant sans doute que le G7 avait été lancé, en 1975, par le président français Valéry Giscard d’Estaing pour faire face au premier choc pétrolier et à la crise du dollar, affirmait : « Il faut retrouver la sève des G7, celle des échanges et du dialogue ».

Ce qui m’amène à parler de l’analyse d’un invité (dont je n’ai pas retenu le nom) de Stephan Lambrecht au cours de l’émission « 64 minutes » de TV5 du lundi 25 août. Pour lui, il y a 2 G7 : celui de Macron et celui de Trump. Et il développe : Macron est un multilatéraliste ; la priorité pour lui, c’est donc le G7 lui-même, et il ne veut surtout pas que la conférence qu’il préside finisse comme celle de l’année dernière, quand Trump avait refusé de signer la déclaration finale. En face de lui il y a Trump, un bilatéraliste, pour qui le G7 est surtout une opportunité de rencontrer, un à un, ceux avec lesquels il veut établir un dialogue.

Pourtant, quelque soient les problèmes des participants ou leurs divergences d’opinion, la conférence a à traiter d’un certain nombre de dossiers de la plus haute importance. On peut citer le climat, l’Iran, les relations commerciales entre les « grandes puissances » etc.

Quelques jours avant le début de la conférence, Emmanuel Macron, Président de la République Française, qui préside cette année le G7, avait mis en avant la lutte contre les inégalités comme priorité du sommet de Biarritz. Mais attention, selon la présidence française, « La réduction des inégalités environnementales passera par les financements en faveur du climat et une transition écologique juste centrée sur la préservation de la biodiversité et des océans. »

« Le G7 doit être l'occasion pour ses pays membres, y compris la France, de s'accorder sur le renforcement des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, d'adopter un objectif de neutralité carbone avant 2050 et de doubler les promesses financières au Fonds Vert pour le climat. »

Ceci est bel et beau, mais les différentes COP nous ont appris comment il est difficile d’obtenir des résultats concrets sur ces différents points. Aujourd’hui, comme l’écrit Laurent Radisson (Action climatique : le G7 est mal parti, 22 août 2019), « Le G7 est un terrain miné pour aborder la question climatique : la présence des Etats-Unis rend le consensus impossible depuis 2016 et l'annonce de Donald Trump du retrait de l'Accord de Paris ».

Et puis voilà que, de manière inattendue, jeudi 22 août au soir, donc à la veille de l’ouverture de la conférence, le président français, dans un « twittt » à la mode de Donald Trump, met l'Amazonie à l'ordre du jour du G7, avec des accents rappelant une célèbre phrase de Jacques Chirac : « Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20 % de notre oxygène, est en feu. C'est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence » (voir Les incendies en Amazonie HEM Vol. 33 # 33 du 28/08-03/09/2019).

Cela lui a valu une réaction cinglante de Jair Bolsonaro, qu’il avait traité de menteur à propos de ses déclarations lors de la rencontre du G20 à Osaka (voir Réunion du G20 à Osaka (1, 2 ,3) HEM Vol.33 # 25, 26, 27). Résultat, dans un premier temps, le Brésil refuse un soutien financier de 20 millions de dollars aux pays amazoniens qui le demandent – annonce faite par Emmanuel Macron avec le président chilien, hôte de la prochaine COP climat en décembre – puis revient sur sa position, mais pose comme condition qu’Emmanuel Macron lui présente des excuses.

Nous aurons à revenir sur ce sujet, car le problème des incendies en Amazonie ne concerne pas seulement le Brésil et doit être traité dans un cadre plus large, sud-américain, voire mondial. En attendant, si on veut faire un « rapide bilan environnement » du G7, on peut retenir quelques points.

Tous les pays présents au sommet, c'est-à-dire les membres du G7 (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon), mais aussi les Etats invités comme le Chili, l'Afrique du Sud, l'Inde et l'Australie, ont signé la charte pour la biodiversité. Cette charte avait été finalisée lors du sommet des ministres chargés de l'environnement en mai dernier à Metz au moment même de la publication du dernier rapport de l'IPBES (voir Branlebas de combat pour la biodiversité (1 et 2) HEM Vol. 33 # 18 du 15-21/05/2019 et # 19 du 22-28/05/2019). Cette charte est certes non contraignante, comme le signale Laurent Radisson (voir plus haut) mais, pour Emmanuel Macron, il s'agit de « lancer une dynamique comparable à celle sur le réchauffement climatique ». Il a donné rendez-vous au congrès de l'UICN à Marseille et à la prochaine COP biodiversité qui se tiendra en Chine l'année prochaine.

Emmanuel Macron a également annoncé des engagements des Etats en faveur du Fonds vert pour le climat, dont la reconstitution des ressources figure au menu du sommet du secrétaire général des Nations unies qui doit se tenir le 23 septembre prochain. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé le doublement de la contribution du Royaume-Uni, soit 1,44 Md£. La France s'est engagée dans le même sens. Ces initiatives font suite à celles de l'Allemagne et de la Norvège.

L'engagement des pays du G7 permet de dégager près de 5 Md$ supplémentaires a assuré le président français. Les ONG environnementales saluent l'annonce par la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne du doublement de leur contribution au Fonds vert. "La seule annonce concrète sur le climat", selon Greenpeace France.
Bernard Ethéart
Dimanche 1er septembre 2019

mardi 6 août 2019

LA DÉCENTRALISATION : LA SEULE ALTERNATIVE AU DÉVELOPPEMENT D’HAÏTI



LA DÉCENTRALISATION : LA SEULE ALTERNATIVE AU DÉVELOPPEMENT D’HAÏTI
GESLER JEAN-GILLES ET FÉLIX MARRÉ
JUILLET 2019
Publié dans Haïti En Marche (7-13 Aout 2019)

Les dernières scènes de déchoucage qui ne devraient pourtant paralyser que Port-au-Prince, avaient plongé le reste du pays dans un chaos révélateur d’un fait capital. Haïti n’existe que par sa capitale en dehors de laquelle toute vie est impossible. Un système anaérobique qui étouffe toute aspiration du reste du pays à une vie un peu plus décente. L’hyper-centralisme port-au-princien , un héritage de l’occupation étasunienne, concentre en son sein toutes les institutions nationales et privées, l’essentiel des activités commerciales et bancaires, les écoles supérieures, la quasi-totalité des emplois du secteur public que du privé; le seul aéroport international, etc. Port-au-Prince avale Haïti, consomme et consume tout ce que le pays produit; jusqu’à sa population qui s’octroie un droit d’ainesse et se désigne le peuple d’Haïti, décide à sa place et soumet la république à ses sautes d’humeurs. Il est plus que malsain qu’une ville se soit arrogé tous les privilèges d’un pays; des privilèges indus et grotesques dignes des duchés du haut Moyen-Âge, alors que l’État n’était pas né et les citoyens, de simples êtres vivants soumis à la tyrannie du prince qui en disposait comme bon lui semblait.

La dégradation générale du pays est la conséquence logique de cet hyper-centralisme et du mimétisme d’une pseudo élite politico-administrative qui ne sait faire que du copier-coller d’idées à la mode chez son tuteur, en l’occurrence les pays-amis. Le schème mental est usiné au fil des séminaires payés par les maîtres et animés par des coopérants qui se désignent des spécialistes en développement du tiers-monde. Ces personnages romantiques, à coups de séances d’idées toutes faites qui sont conçues aussi bien pour Haïti que pour l’Afrique, maintiennent les indigènes dans une position permanente du faire-semblant quand ils ne leur nient pas toute habileté et aptitude cognitives. Ces indigènes évolués du seul fait de leur contact avec les prétendus développeurs du Tiers-monde, s’agitent, se contorsionnent avec un zèle indu pour donner au tuteur la gage que son enseignement a été bien digéré. On les appelait dans les années 1980 et sans doute aujourd’hui encore les « Chicago boys », ces prosélytes de la secte du libre-échange et de la mondialisation débridée, qui n’avantage que les plus forts, les grandes multinationales et les individus les mieux armés financièrement pour tenir tête à la concurrence. Ainsi, ils ont poussé leur logique perverse jusque dans la destruction des derniers moyens de production nationale et par aveuglement collectif ou faiblesse politique émasculent la république en abandonnant une partie de la souveraineté nationale à une banque centrale dite indépendante passée au service des détenteurs de capitaux et la protection de leurs rentes.

Il est clair que le modèle actuel, cet anti-modèle, ne fonctionne pas. Ceux qui sont chargés de le maintenir en vie n’ont à leur actif aucun plan stratégique, aucun projet national, aucun grand chantier prouvant leur capacité à comprendre la problématique haïtienne et tenter d’y apporter quelque solution. Leur seul fait d’arme est la belle vie qu’ils mènent, les belles demeures qu’ils possèdent à l’étranger ou dans les replis du Morne de l’Hôpital. Dépourvus d’ancrage social et sans bagages intellectuels pour approfondir les réalités haïtiennes, ils partent avec l’échec inscrit sur leur front. Le centralisme à la romaine que cette élite impose au pays est dévastateur. Les Romains au moins s’étaient donné les moyens du Tout-vers Rome, en mettant en place des infrastructures, des grands travaux d’ingénierie, des réseaux routiers, des aqueducs, dans l’objectif d’apporter le développement à l’intérieur de ses murs ou pour civiliser les barbares, c’est-à-dire les populations de ses provinces en Afrique, en Asie ou en Europe.

En Haïti tout milite en faveur d’une nouvelle architecture politique consistant à remettre les régions au cœur des préoccupations de l’État; favoriser une fonction publique locale et régionale en vue de renforcer notre sous administration chronique qui traduit clairement l’inexistence d’une mission de service à la population. L’unité du pays ne serait pas plus entamée en considérant l’émergence d’entités périphériques fortes et autonomes afin de mutualiser les différentes ressources locales pour une autre forme d’engagement remettant l’action publique aux services des citoyens où qu’ils demeurent sur le territoire national. Cela s’appelle la décentralisation qui est inscrite dans la constitution de 1987 et qui octroie aux collectivités une relative autonomie administrative et financière, mais que les politiciens de Port-au-Prince traînent à matérialiser dans une Loi; une propédeutique pour féconder un autre avenir en commun en lieu et place de cette vie honteuse et dépendante de la charité universelle. Cette loi sur la décentralisation diviserait de notre point de vue les 10 départements géographiques en quatre (4) Régions administratives dotées chacune de pouvoirs et assorties d’un régime fiscal qui permettra à ces nouvelles entités de répondre aux besoins les plus pressants des citoyens. La région Nord, la région Centre, la région Ouest et la région Sud. Nous parlons de région administrative, fonctionnant avec un personnel politique élu que seconde une fonction publique régionale recrutée sur concours et un budget régional pour s’attaquer aux problèmes de ladite région, n’en déplaise au courant à la mode qui fait croire que tout commence et finit à la section communale, vision on ne peut plus étriquée et caricaturale d’une fiction administrative, d’autant que les attributions du CASEC n’ont jamais été définies.

Il faut admettre que la contribution fiscale très faible des provinces à l’effort national est un obstacle à une certaine autonomie financière qu’exige un vrai projet de décentralisation, (décentralisation dit automatiquement autonomie administrative et financière) mais c’est à l’État qu’il incombe d’user du monopole de la contrainte fiscale, dont il dispose pour faire payer les citoyens pour les services attendus. La nouvelle architecture administrative permettra de construire localement de nouvelles représentations de progrès et de solidarité par la conciliation des intérêts variés, ce par une plus grande responsabilisation des acteurs locaux. Ceci n’exclut pas un cadre global qui fixe les grandes orientations et objectifs de l’État à l’intérieur duquel se grefferont les initiatives locales. Tout en étant unitaire, la république d’Haïti n’est pas monobloc, les cœurs des différentes régions ne battent pas au même rythme ni au même tempo et leurs besoins ne sont pas identiques quoique de même nature. Elles se doivent de doter leurs métropoles régionales en biens et équipements de taille et constituer autour d’elles les multiples réseaux nécessaires pour se hisser à ce statut.

Par exemple, la région Nord d’Haïti qui devrait regrouper les départements du Nord-ouest, le Haut-Artibonite, le Nord, le Nord-est et le Haut Plateau central, aura besoin pour son emboitement des routes reliant Hinche à Port-de-Paix ; Fort-Liberté-Gonaïves, en un peu plus de deux heures d’automobile et une desserte aérienne internationale qui serait située à mi-chemin des quatre grandes villes de la région et qui serait adaptée à sa taille et à sa population. La région aura un grand besoin de compétences pour une reprise en main de ses ville centre pour en faire des pôles de développement économique, culturel et touristique. Elle se devra de recruter son personnel de la fonction publique régionale apte à exécuter des mandats qu’elle aura définis et encadrer en tant que donneurs d’ouvrages des firmes qualifiées pour sous-traiter des problèmes techniques. Les régions disposeront de compétences suffisantes qui les mettra en position de voler au secours des petites villes, les bourgs et les sections communales qui sont en proie à une absence chronique de personnel qualifié. Le Parc de Caracol est la preuve éclatante du dénuement des communes en matière de ressources humaines et de l’incapacité des départements à contrôler, encadrer un pôle d’activités aussi importantes pour le développement du département du Nord-Est.

Avec l’imputabilité retrouvée (le personnel politique se renouvelle par des élections) et une taxation acquiescée par une représentation, les régions administratives pourraient bénéficier de la possibilité d’emprunter sur des prévisions de rentrées. C’est ici que l’argent des assurés de l’ONA pourrait faire œuvre utile s’il était investi dans des projets porteurs et garantis par le service public au lieu d’être gaspillé en des prêts toxiques aux élus ou aux petits amis des différents pouvoirs en place. Ce serait le premier pas vers d’autres formes de financement sur un marché intérieur de capitaux ciblant d’abord les entités publiques. Sans être la recette miracle, c’est celle qui est retenue partout pour créer des emplois dans les régions; car les gens ne retourneront pas dans un endroit où l’avenir est bouché et pas d’opportunités pour faire vivre dignement leurs familles.

Regardons au plus près les grands moyens déployés pour éviter une véritable décentralisation du pays. À titre d’exemple, de gros appétits se jettent actuellement sur des pans du littoral national qu’ils ont convertis en ports privés au mépris de la constitution qui stipule que le littoral appartient à l’État. Alors que la République serait mieux servie avec deux ports en eaux profondes aux presqu’îles Nord et Sud qui pourraient servir de plateforme desservant au Sud, Haïti et le continent latino-américain et au Nord, les îles caribéennes, dont l’exiguïté de leurs territoires ne permet pas l’implantation de terminales susceptibles d’accueillir de gros porte-conteneurs. Le pays avec une telle stratégie pourrait développer une expertise maritime qui aurait muté en une maitrise de la mer afin de mettre à contribution ce moyen de transport pour le déplacement économiques n’en finissent pas de mettre en évidence. Une compréhension de cette problématique du déplacement dans la géographie du pays permettrait d’harmoniser le temps de parcours et la distance au rythme imposé par la mer et les massifs montagneux et en l’occurrence la chaîne des Cahos.

L’aberration névrotique veut qu’on continue à traverser les différents massifs montagneux par camions pour ravitailler nos grandes villes qui sont toutes côtières. On l’a vu durant les crises fabriquées par l’establishment politico-commercial de Port-au-Prince, les autres départements manquaient des produits pétroliers du seul fait de la peur de faire circuler les camions sur les grands chemins livrés aux bandits. La région administrative du Nord pourrait, avec la ville du Cap-Haïtien comme locomotive et d’autres satellites comme les Gonaïves et Fort-Liberté, être un puissant incubateur de changements, d’innovation et de productivité. On l’a aussi vu que pendant que Port-au-Prince brulait, le principal aéroport international du pays était fermé, alors que les gens du Nord continuaient de voyager vers la république dominicaine ou en Floride en utilisant le petit aéroport du Cap qui est en soi, il faut le dire, une plaisanterie. Ce petit aéroport, implanté sur une terre instable propice au mouvement de terrain et aux inondations est trop proche de la ville du Cap et les colonnes de bidonvilles qu’il faut traverser pour se rendre au centre historique, le Haut Artibonite et le Nord-ouest. Il est dépourvu des installations dignes d’un vrai aéroport et du personnel qualifié pour desservir une région si importante au point de vue de sa taille et de sa population. Coincé entre la mer et le Morne-Rouge, il est trop excentré par rapport à la région et éventuellement le nord-ouest dominicain, dont il est appelé aussi à desservir. Il est inadapté de par sa base opérationnelle et de son incapacité à offrir une plus large panoplie de services aux derniers nés des aéronefs de plus en plus diversifiés. Sa localisation est d’autant plus discutable qu’elle devrait impérieusement satisfaire à certaines exigences : possibilités d’une réserve d’emprises foncières en prévision d’éventuels agrandissements et au lieu géographique d’un nouveau maillage routier qui le mettrait à deux heures au moins des grandes villes de la région et des villes frontalières dominicaines et non des moindres.

On entend déjà monter l’halali des cyniques plaidant l’impossibilité d’une telle réforme. Car, une organisation nationale différente, adaptée aux réalités des régions et de la république, n’est pas dans l’intérêt de Port-au-Prince qui a la haute main sur le pays et qui, pour toute petite affaire de proximité que les autorités locales pourraient régler, dépêche un fonctionnaire, lequel en plus d’empocher per diem et prime d’éloignement, utilise comme bureau son véhicule, dont le moteur tourne en permanence pour lui assurer l’air conditionné que les modestes bureaux publics ne peuvent procurer. Gaz l’État, machine l’État…dirait feu Jean Dominique. Nous repasserons pour le réchauffement du climat. Pourquoi nous est-il si difficile de concevoir une organisation de la société fondée sur la noblesse des grands idéaux fédérateurs d’un vivre ensemble, sur un humanisme qui nous rapproche et non sur nos différences? Pourquoi ne pouvons-nous pas libérer notre générosité, à l’instar de nos pères fondateurs meurtris par les fers de l’esclavage qui avaient osé rêver un monde autre que celui de la plantation, fait de liberté, d’égalité et de fraternité? Ces propositions seront naturellement descendues en flammes par la cité-État qui jouit amplement de ce système de l’exclusif, du tout par et pour la capitale, donc rien pour le reste du pays. Un tel dépassement n’est possible que si l’on évacue la paresse et la peur qui nous paralysent pour nous prendre en main. Nous réussirons que si nous parviendrons à comprendre que l’unique loi qui vaille en économie est celle de la raison et la seule source de richesse durable est la productivité, l’inventivité et le travail des hommes dans un environnement sain et sécuritaire.

Gesler Jean-Gilles et Félix Marré (Juillet 2019)

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