mardi 6 mai 2014

Sécurité nutritionnelle


Sécurité nutritionnelle 
Bernard Etheart
Si j’étais friand de ces grandes formules qui se veulent pleines de sagesse, je m’en irais répétant tout venant que « les voies du Seigneur sont impénétrables », ou plus cléricalement que « le hasard fait bien les choses » ; tout cela pour parler d’un petit tour que m’a joué le Seigneur ?, le hasard ?, je ne sais pas, en tout cas c’était amusant.
Le tout commence avec mon retour à la Faculté des Sciences Humaines après 18 ans de « mise en disponibilité pour cause d’INARA ; et j’avais à peine repris ma « chaire » que me voilà chargé de donner un encadrement technique à un étudiant finissant pour son mémoire de sortie ayant pour sujet « Sociologie des habitudes alimentaires à Petite Rivière de l’Artibonite », rien que cela !
Et puis voilà que, durant la fin de semaine, feuilletant le dernier numéro de. SPORE (Le magazine du développement agricole et rural des pays ACP – No 169, Avril-Mai 2014), je tombe sur un article intitulé « Sécurité nutritionnelle – La “faim cachée” n’est pas une fatalité ». Diantre ! Je connaissais la sécurité alimentaire, mais que diable peut bien être la sécurité nutritionnelle ? et puis, qu’est-ce que la « faim cachée » ?
Commençons par la distinction sécurité alimentaire – sécurité nutritionnelle. L’article nous fait bien comprendre qu’il s’agit de deux choses différentes : « Si la sécurité alimentaire est une priorité et figure en bonne place sur l’agenda international, la sécurité nutritionnelle n’attire pas une attention suffisante au vu des chiffres qui révèlent l’urgence de la situation ».
Le même article débute avec une citation d’Olivier de Schutter, qui est, je crois, Rapporteur des Nations Unies pour l’alimentation, une citation qui nous donnerait des pistes de réflexion, comme on dit en français moderne : « Le droit à l’alimentation ne saurait être réduit au droit de ne pas mourir de faim ».
Vous connaissez le proverbe haïtien : « Gro dèyè pa vle di lasante » ; c’est dans ce sens, je crois, qu’il faut comprendre la phrase de de Schutter. Quand on voit nos compatriotes engloutir des tonnes de pois et riz, ils n’ont peut-être plus faim, après l’opération, mais est-ce qu’ils sont bien nourris ? ou plutôt, bien « nutris », pour parler moderne et « pointu » ? Probablement pas.
Mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe de rester au niveau du folklore, je suis donc allé chercher un peu plus loin la différence entre aliments et nutriments (encore un néologisme !). Si j’ai bien compris les aliments c’est ce que nous ingérons ; les nutriments par contre sont des substances contenues dans les aliments et qui ont une fonction spécifique. On distingue les macronutriments et les micronutriments.
Les macronutriments, on connait ; on a appris cela en philo dans le cours de biologie. Ce sont les trois groupes : protides (protéines), lipides (corps gras), glucides (sucres). Les micronutriments, on en a aussi entendu parler ; ce sont les sels minéraux, les vitamines, les antioxydants, ceux-là, on en parle beaucoup, mais je n’ai pas encore très bien compris à quoi ils servent, et, pour finir, les composés phytochimiques, des composés chimiques organiques qu'on peut trouver dans des aliments d'origine végétale, ceux-là, je ne les connais pas du tout.
Il n’est cependant pas nécessaire de connaitre dans le détail les rôles et fonctions de tous ces nutriments. Ce qui importe, c’est que la composition d’une alimentation bien balancée suppose un équilibre entre tous, car la malnutrition se réfère à une consommation insuffisante ou excessive des nutriments par un organisme. On peut prendre des exemples connus comme les maladies provoquées par une carence en vitamine, le scorbut, carence en vitamine C, certaines maladies des yeux, carence en vitamine A, l’anémie, carence en fer, etc.
La grande question maintenant est de savoir comment combattre la malnutrition. La réponse est dans cet article de SPORE que j’ai déjà mentionné. « Tout un chacun s’accorde à dire que le seul accroissement de la production alimentaire et de la productivité agricole ne suffira pas à vaincre la malnutrition. Soutenir les petites exploitations agricoles permet de générer des revenus et les revenus permettent l’accès à la nourriture. Le secteur agricole peut aussi mieux accompagner la nutrition en valorisant les productions locales traditionnelles et en promouvant des filières à forte valeur nutritive comme les fruits, les légumes, la viande, le poisson. Ceci permet de diversifier les régimes alimentaires, d’améliorer leur qualité et de rendre plus accessibles les aliments nutritionnellement riches. En outre, le développement de chaînes de valeur rend possible la conservation, le stockage et la transformation des produits. Sensibiliser le monde agricole, en particulier les femmes, à la qualité nutritionnelle des aliments semble aussi indispensable. »
Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai parlé au début du tour que m’a joué … je ne sais trop qui. Au début de l’année, profitant du fait que la FAO avait déclaré l’année 2014 « année de l’agriculture familiale », je me suis lancé dans une campagne en faveur de cette agriculture familiale que j’associais aux techniques agro-écologiques ; cela a donné, entre autre, à une série de six articles (voir HEM Vol. 27 # 52 et Vol. 28 # 01 – 05). Ma motivation était d’ordre environnemental mais aussi socio-économique, l’agriculture familiale étant le plus grand créateur d’emplois, si on lui donne sa chance. Et voilà que maintenant, partant d’un tout autre point de vue, celui de la sécurité nutritionnelle, on arrive à la même conclusion. Ce n’est pas tout.
Dans le courant de l’année dernière la PAPDA a organisé des rencontres avec des organisations paysannes de quatre départements (Nord-Ouest, Nord, Nord-Est Artibonite) ; de ces rencontres sont sortis des cahiers de revendication avec chaque fois un imposant catalogue de revendications touchant à tous les domaines (environnement, agriculture, éducation, santé, etc). Je me suis amusé à faire une compilation comparée des revendications touchant à l’agriculture. Je veux signaler deux choses :
1.       En ce qui concerne le type d’agriculture, il y a une option en faveur d’une agriculture « paysanne », et dans un cas on parle d’agriculture « familiale » ;
2.       En ce qui concerne le type de cultures priorisé, bien sûr tout le monde parle de relancer les cultures de denrées d’exportation, mais tout le monde parle aussi de valoriser, et si nécessaire de revaloriser les cultures traditionnelles de vivres, de céréales, de légumes et de fruits
Je ne crois pas que ces messieurs et dames étaient au courant de l’article que j‘ai cité plus haut, il n’était du reste pas encore écrit, on peut donc dire que ce sont des revendications genuine, pour utiliser un mot anglais dont je ne trouve pas la bonne traduction. Attention ! ces personnes représentent encore 60 % de la population du pays ! Allons-nous continuer à ne pas entendre leur voix ?

Bernard Ethéart

Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles?

  Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles? Hugues Joseph J'ai repris ce texte Publié le 2018-03-12  par  Le Nouvelliste. Je...