jeudi 30 mai 2013

EN FORGEANT LA TRANSITION



EN FORGEANT LA TRANSITION
GERARD LATORTUE
JANVIER 2013

            Désigné  Premier ministre par le conseil des sages en mars 2004, j'ai accepté de diriger le gouvernement de transition qui se mettait en place. Haïti était alors considéré comme un pays en faillite. A cause d'une inflation galopante, la misère chronique n'avait jamais pesé aussi lourdement sur les masses populaires; l'économie était en lambeaux, le secteur prive des affaires affaibli, dévasté; les institutions nationales dans un état généralisé de délabrement; les cas de vols, de viols, enlèvement et assassinats devenus le quotidien des citoyens, enfin une polarisation extrême, un tissu national déchiré laissaient se profiler le spectre de la guerre civile.

            La tache était donc énorme pour ne pas dire impossible et j'ai accepté de m'y atteler, c'était parce que, mu par le désir ardent et la volonté de sortir mon pays du chaos existant pour le conduire vers l'instauration d'une démocratie qui apporterait plus de justice, moins d'inégalités sociales et d'un certain bien-être au peuple haïtien. J'en ai fait ma mission.
            Avec le concours et la participation active d'un groupe de professionnels confirmés et de technocrates avertis, j'ai formé un gouvernent restreint qui s'était mis immédiatement au travail. L'équipe gouvernementale s'est fixé un petit nombre d’objectifs prioritaires, à savoir:

            I- Réconciliation Nationale

            Dans le but d'éviter tout risque de guerre civile, le gouvernement a décidé de ne pas répéter l'erreur, commise à la charte de Duvalier, d'exclure pendant dix (10) ans les duvaliéristes de toute participation dans la gestion des affaires de l'état.

            En 2004, la tentation était grande dans certains secteurs de vouloir exclure les lavalassiens - qualifies tous de "chimères" - de la vie politique du pays. Le gouvernement de transition s'était opposé fermement à cette approche. Nous avons même retardé la formation du Conseil Electoral Provisoire de plusieurs semaines dans le but d'obtenir la participation du parti Lavalas au CEP. Enfin de compte, Lavalas refusant de s'associer au processus électoral avait donc rejeté toutes nos tentatives d'arriver à une réconciliation nationale.

            II- Organisation d'élections libres et inclusives

            L'histoire politique d'Haïti est jalonnée de graves crises politiques et sociales qui ont eu souvent pour causes principales des élections frauduleuses, non inclusives ou des velléités d'un Président de la république d'amender la constitution afin de rester au pouvoir au delà du terme constitutionnel imparti.

            Le défi pour le gouvernement de transition était alors de définir une stratégie qui permettrait assez rapidement de retourner à l'ordre constitutionnel sans que cela ne puisse être interprété comme une rupture démocratique. Cette stratégie comprenait quatre volets:

            i- Trouver un consensus entre les différents acteurs politiques, religieux et la société civile.

            ii- Instaurer un climat sécuritaire propice en rendant la police nationale plus efficace.

            iii- Mettre en place un Conseil Electoral Provisoire indépendant capable de gérer librement les différentes opérations électorales.

            iv- Trouver le financement nécessaire pour la réalisation des élections.

            L'action du gouvernement de transition, dont la mission essentielle était d'organiser des
 élections libres, démocratiques et inclusives était guidée par cinq (5) principes directeurs:

            i- La défense faite aux Ministres, Secrétaires d'états, Directeurs généraux et autres hauts cadres de l'administration et de la police de se porter candidat à moins qu'ils démissionnent.

            ii- L'engagement irrévocable pris par les Ministres et Secrétaires d'état de renoncer de renoncer à tous postes ministériels ou diplomatiques du premier gouvernement qui sortirait du gouvernement.

            iii- La nécessité d'inclure toutes les tendances politiques y compris les cadres ou militants du gouvernement précédent.

            iv- La transparence totale du processus électoral par l'utilisation des nouvelles technologies d'information, depuis la préparation des cartes électorales jusqu'a la tabulation et la proclamation des résultats.

            v- L'interdiction totale d'utiliser des ressources financières ou matérielles de l'état en faveur ou contre un candidat à la course électorale.

            Le processus s'est déroulé dans de très bonnes conditions grâce à la neutralité du gouvernement, de la police et des observateurs nationaux et internationaux. De plus, l'indépendance totale du CEP et l'accès équitable de tous les partis politiques à la presse d'état tant parlée, écrite ou télévisée ont grandement facilité la réalisation de ces élections.

            Les résultats des élections ont été salués par l'ensemble de la classe politique et la communauté internationale. Il n'y a eu aucune contestation vis-à-vis des députés ou sénateurs élus. Tous ont été légitimes comme étant les représentants authentiques de la volonté populaire.

            La journée du 7 février 2006 restera dans les anales politiques d'Haïti, comme une journée historique au cours de laquelle le peuple a voulu réaffirmer sa foi dans la démocratie représentative et son espoir que la politique pouvait se faire dorénavant dans le respect des lois et de la personne humaine.
           

III- Réforme de l’Etat

En attendant la refondation de l’Etat, par un éventuel dialogue national, le gouvernement de transition a entrepris une vaste réforme de l’Etat visant en particulier à la déconcentration des services publics, la modernisation de l’administration, le renforcement des institutions étatiques, la reforme de l’état civil, la refonte des lois devenues désuètes ou inadaptées à l’évolution des mœurs et la mise en œuvre d’un programme de convivialité entre le gouvernement, la société civile, le secteur privé des affaires et les acteurs politiques. De plus, le gouvernement avait entrepris une réforme en profondeur de l’administration publique en codifiant les conditions de recrutement, de promotion, de mise à la retraite et de révocation des fonctionnaires. Nous avons lancé les bases d’un véritable statut de la fonction publique axé sur la compétence si indispensable  pour la mise en place d’une administration  publique efficace au service du développement national.

IV- Bonne gouvernance économique et lutte contre la corruption

La bonne gouvernance économique et financière préconisée par le gouvernement s’articulait  autour de 8 axes principaux :

i-La recherche des grands équilibres macro économiques visant à  juguler l’inflation, à augmenter les recettes fiscales et douanières et à réduire le train de vie de l’Etat.

 ii- L’élimination des comptes discrétionnaires de la Présidence, de la Primature et des différents ministères et institutions publiques autonomes. Exceptionnellement la Présidence de la République, la Primature et le ministère de l’économie et des finances, pour des raisons d’efficacité, avaient été autorisés à maintenir un (1) compte discrétionnaire.

iii- La création de grilles de salaires pour les différentes catégories de fonctionnaires et d’employés publics ainsi qu’une grille officielle de «Per diem » pour tous les agents de l’Etat en mission à l’étranger, y compris le Président de la République, le Premier ministre et les ministres, secrétaires d’Etat et directeurs généraux.
 
iv- La création du Centre de Facilitation des Investissements (CFI) dans le but d’encourager les investissements, réduire les formalités bureaucratiques liées à la création des entreprises et de promouvoir  l’esprit d’entreprises seul capable effectivement de contribuer à la création d’emplois et la
génération  de revenus.

v- L’assistance donnée au secteur privé des affaires par un programme spécial de« stimulus » pour aider à son relèvement après les destructions et les pillages qui ont suivi le départ du Président Aristide le 29 février 2004.

vi- L’institutionnalisation de la lutte contre la corruption par le renforcement de l’UCREF et la création de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC)
vii- L’obligation faite aux fonctionnaires de rang élevé de déclarer leur patrimoine au greffe du tribunal de première instance de Port-au-Prince au moment de leur entrée en fonction et au moment de leur départ.

viii- La création de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) qui établit les règles  applicables à la passation, l’approbation, l’exécution et au contrôle de tous les marchés publics.

V- Renforcement de la sécurité Publique

Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement de transition a trouvé dans le pays une police nationale faible en effectif, peu professionnelle, infiltrée de bandits, mal équipée, mal formée et mal payée. Face à cette situation, il était très difficile pour le gouvernement de lutter contre les gangs armés liés au mouvement  lavalas en grande partie. Pour renforcer la sécurité publique, nous avons mis en place une stratégie autour de 4 axes principaux :

i-                    Recrutement de nouveaux policiers sur la base d’un concours et  vetting  des membres
de la PNH afin d’identifier les bandits qui avaient infiltré l’institution.

ii-                   Instructions aux policiers de toujours donner une réponse proportionnelle face aux attaques des gangs armés contre lesquels ils ne devraient utiliser leurs armes que dans les cas de légitime défense.

iii-                Mise en place d’un programme de formation accélérée incluant des cours sur la protection des  droits de l’homme et l’acquisition d’équipements de base pour protéger les policiers y compris des gilets par balles et des armes de poing.

iv-                 Amélioration des salaires et autres compensations accordées aux policiers et la construction de nouveaux commissariats de police bien équipés. Cette stratégie a donné de très bons résultats surtout après la nomination d’un nouveau Commandant en chef de la Police hautement qualifié et très motivé à donner à la PNH le vrai sens de sa responsabilité première qui est de servir et de protéger.

Pour conclure, je dirai qu’en deux ans et malgré les limitations imposées par l’Accord du 4 avril 2004, le gouvernement de transition peut se prévaloir d’un bilan positif. Ce bilan est marquee essentiellement  par l’organisation d’élections libres, démocratiques, transparentes et surtout inclusives. A aucun moment, l’Etat n’est intervenu pour bloquer ou aider un candidat.

Ce bilan est aussi marqué par des avancées notables dans les domaines de la déconcentration/décentralisation administrative, de la recherche d’un équilibre du GENRE, de la création d’un cadre de coopération internationale et de l’institutionnalisation de la lutte contre la corruption.

 On notera enfin tous les efforts du gouvernement pour créer un climat de convivialité entre tous les acteurs de la vie politique et de la société civile. Cependant, il est bon de remarquer que le gouvernement de transition a fait face à deux grands obstacles qui auraient pu compromettre sa mission. Le premier obstacle, d’ordre  politique, était le refus des lavalassiens  de participer au processus électoral. Le deuxième, d’ordre sécuritaire, consistait en la présence des groupes armés qui créaient des troubles un peu partout à travers le pays, et spécifiquement à  Port-au-Prince.

 La grande leçon à tirer de l’expérience du gouvernement de transition, est qu’un Premier ministre, chef de gouvernement, peut très bien coexister à coté d’un Président de la République, chef de l’Etat, pourvu que les deux mettent les intérêts vitaux du pays au dessus de leurs intérêts personnels, familiaux ou idéologiques.

 J’ose croire qu’en facilitant et en encourageant la mise en place d’un gouvernement et d’un parlement légitimes ainsi qu’en institutionnalisant la lutte contre la corruption, le gouvernement de transition aura contribué à jeter les bases indispensables pour la modernisation des structures politiques, sociales, et économiques d’Haïti.

Gérard  Latortue
 Janvier 2013


Pour le texte complet de l’Accord du 4 avril 2004, voir le Livre Blanc du Gouvernement de transition, Annexe 2



mercredi 29 mai 2013

QUAND LA POLITIQUE FAIT CHUTER LA GOURDE


Quand la politique fait chuter la gourde
Le Nouvelliste | Publié le :27 mai 2013
 Thomas Lalime thomaslalime@yahoo.fr
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Dans son éditorial du mardi 21 mai 2013, Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, a tiré la sonnette d'alarme : la gourde se déprécie et cette dépréciation pourra faire augmenter le niveau général des prix. La vie chère pourra s'inviter à la table des ménages dans les prochains mois, pour reprendre les propos de l'éditorialiste. Deux jours plus tard, le gouverneur de la Banque de la République d'Haïti (BRH), M. Charles Castel, se voulait rassurant en affirmant que les fondamentaux de l'économie sont au beau fixe et qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter. Qui croire? Les statistiques publiées par la BRH elle-même dans sa note sur la politique monétaire couvrant le premier semestre de l'année fiscale semblent plutôt pencher la balance du côté de l'éditorialiste. Le montant des réserves s'élevait à 1,2 milliard de dollars, soit l'équivalent de trois mois d'exportation ; le taux d'inflation est de 7,3 % en glissement annuel au mois d'avril ; les importations ont diminué de 1 % et les exportations ont augmenté de 19 % ; les transferts sans contrepartie de la diaspora ont crû de 8 %, nous fait savoir le conseil d'administration de la BRH. Donc, si l'on regarde le passé, il n'y aurait pas lieu de s'alarmer. Ce serait des anticipations adaptatives, c'est-à-dire les agents prennent leurs décisions sur la base des statistiques du passé (backward looking agents). Mais là où le bât blesse, c'est lorsque les agents économiques regardent plutôt le futur. Ce serait des anticipations rationnelles faites sur la base des informations passées, présentes et des projections qui tiennent compte également de leurs connaissances de l'environnement politique, social et économique, de l'incertitude sur le futur et les signaux reçus des dirigeants (foward looking agents). Et si l'on tient compte de tous ces facteurs, on ne saurait conclure que la réaction du marché des changes est irrationnelle et infondée, comme le gouverneur de la Banque centrale semble vouloir le dire. Depuis mai 2012, le taux de change, le prix du dollar américain par rapport à la gourde, a progressivement augmenté. La tendance est la même pour le taux d'inflation qui est passé de 4,9 % en juin 2012 à 7,3 % en avril 2013. Et rien ne laisse présager une baisse dans un futur proche. La note sur la politique monétaire du mois de mars 2013 (1), publication trimestrielle de la BRH, a mentionné que le 2e trimestre 2013 a été caractérisé par la poursuite de la dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain, en dépit d'une augmentation des transferts privés sans contrepartie, et par une amélioration du solde commercial de la balance des paiements. Le taux de change (taux de référence de la BRH) de mars 2013 a augmenté de 1 % par rapport au premier trimestre et de 3,3 % en glissement annuel pour atteindre 42,99 gourdes pour un dollar américain en mars 2013. Ces derniers jours, il faut environ 44 gourdes pour se procurer un dollar américain dans les banques commerciales. Selon la note de la BRH, «la hausse du taux de change s'explique d'une part par l'augmentation de la demande de dollar telle que reflétée par la hausse du volume de transactions sur le marché des changes combinée à un déficit de l'offre de devises. D'autre part, le taux de change a subi l'influence des anticipations négatives de la part des agents économiques, lesquelles ont été alimentées par certaines rumeurs fantaisistes ». On ne sait pas de quelles rumeurs parle la BRH et sur quelles bases elle les qualifie de fantaisistes. La Banque des banques semble oublier qu'en cas d'incertitude, notamment sur la tenue des élections, et en cas de méfiance des agents économiques, les rumeurs, même fantaisistes, peuvent être interprétées comme des signaux d'un futur peu reluisant. Les agents s'adaptent alors en connaissance. Seule la crédibilité des dirigeants peut dans ce cas renverser la vapeur. La note sur la politique monétaire de la BRH l'admet : «L'incertitude générée par la situation socioéconomique et politique a contribué au renforcement de la préférence des agents économiques pour la devise américaine dans la constitution de l'épargne de précaution alors que, parallèlement, l'utilisation du dollar pour le règlement de certaines transactions à l'étranger a augmenté.» Conséquences : les agents économiques continuent d'afficher une préférence pour le dollar comme réserve de valeur, car le taux de dollarisation des dépôts dans le système bancaire s'est renforcé passant de 56,09 % en octobre 2012 à 56,58 % en février 2013. La situation financière de l'État, au deuxième trimestre 2013 clos au mois de mars, est caractérisée par une baisse des recettes fiscales alors que les dépenses publiques sont tirées à la hausse par les dépenses d'investissement, je cite toujours la note de la BRH qui semble contredire les affirmations du directeur général de la DGI, Jean-Baptiste Clarck Neptune. Après leur progression saisonnière au premier trimestre 2013, les recettes fiscales ont enregistré une baisse au deuxième trimestre 2013 en comparaison au même trimestre de l'année antérieure. Les recettes collectées, au deuxième trimestre 2013, s'élèvent à 9,9 milliards de gourdes contre 11,12 milliards de gourdes à la même période pour l'exercice 2012, soit une baisse de 12,4 % par rapport au premier trimestre 2013 et de 3,9 % en glissement annuel, peut-on lire dans la note de la BRH. Cette baisse des recettes au premier semestre 2013, peut-on lire à la page 7 de la note, est imputable non seulement à celle des recettes internes, mais, à un niveau moindre, des recettes douanières. Les recettes internes affichent une baisse de 14,6 % sous l'effet conjugué de l'impôt sur le revenu (-21,9 %), des droits d'accise (-35,5 %) et des autres taxes (-10,7 %). Les recettes douanières étaient également en baisse de 4,2 % au premier semestre de l'année fiscale par rapport à la même époque de l'exercice précédent. Donc, pour les six premiers mois de l'exercice fiscal en cours, les recettes sont en baisse à la DGI et à la douane. L'évolution des recettes fiscales depuis le début de l'exercice est due, entre autres, à un tassement de l'activité économique au deuxième trimestre de l'exercice 2012-2013, d'après la BRH qui associe la baisse des recettes fiscales au ralentissement de l'activité économique au cours du deuxième trimestre 2013 au regard des projections faites pour les indicateurs conjoncturels. Parallèlement à la baisse des recettes, les dépenses publiques ont considérablement augmenté en totalisant 13,4 milliards de gourdes pour le deuxième trimestre 2013, contre 9,8 milliards de gourdes à la même période de l'exercice précédent, soit une hausse de 37 %. La croissance des dépenses publiques est en grande partie due, selon la BRH, à la hausse des dépenses d'investissement évaluées à 3,11 milliards de gourdes. En comparaison au deuxième trimestre 2012, les dépenses d'investissement affichent une croissance de 131 %. Ces dépenses sont réalisées dans le cadre de la mise en oeuvre de projets dans le domaine de l'éducation, des infrastructures sanitaires et routières et de la reconstruction des bâtiments publics, d'après la même note. Dans l'ensemble, les opérations financières de l'État pour le deuxième trimestre de l'exercice fiscal se sont soldées par un déficit du solde global d'un montant de 3,9 milliards de gourdes. Ce résultat enregistré au deuxième trimestre 2013 a contraint les autorités fiscales, en plus des émissions de billets de trésorerie pour un montant de 3,2 milliards de gourdes, à recourir à un financement monétaire d'un montant de 2,1 milliards de gourdes au 20 mars 2013, selon la note. Cette dernière phrase est la plus importante de la publication de la BRH puisque financement monétaire rime avec inflation, c'est un des rares phénomènes sur lesquels les économistes semblent s'entendre. Les données utilisées contenues dans la note datent du 20 mars 2013. Les choses se sont-elles améliorées depuis ? On attend la note du troisième trimestre fiscal pour le savoir avec exactitude. Le déficit serait réduit entre-temps à 2,6 milliards, selon le gouverneur. Mais si les autorités avaient prévu une amélioration significative des finances publiques, il n'y aurait nullement besoin d'un financement monétaire. Financement monétaire = inflation Contrairement à ce qu'ont affirmé le gouverneur et le directeur général de la DGI à la presse, la note trimestrielle de la BRH a donné les raisons de s'inquiéter. Parmi celles-ci, on peut citer les anticipations pessimistes mais rationnelles des agents, le déficit budgétaire et, plus important encore, le financement de ce déficit par la Banque centrale, l'incertitude sur le climat sociopolitique et surtout des signaux négatifs du pouvoir exécutif. La note sur la politique monétaire de la BRH est clair : Il y a bel et bien un déficit budgétaire et ce déficit est financé en partie par l'émission monétaire. Serait-ce une exception tolérée une fois par la Banque centrale ? S'agit-il d'un retour à une mauvaise pratique abandonnée depuis le gouvernement de la transition en 2004? Pourquoi les recettes du premier semestre de l'année fiscale sont-elles en baisse par rapport à la même période de l'exercice précédent, malgré l'intensification des efforts du gouvernement pour augmenter les recettes? Pourquoi les dépenses sont-elles à la hausse ? Est-ce uniquement à cause des investissements publics dans l'éducation, la santé et les routes, comme le souligne la note de la BRH ? À quoi servent les investissements publics s'ils engendrent un déficit financé par la BRH qui engendrera l'inflation et la décote de la gourde ? Aucun agent économique autre que le gouvernement ne peut répondre à ces questions. Ce qui peut alors justifier leurs anticipations et les spéculations de toutes sortes. Les conséquences du déficit budgétaire sur les investissements privés et la stabilité économique peuvent être telles qu'il vaudrait mieux viser l'équilibre budgétaire. C'est ce que les macroéconomistes appellent l'effet d'éviction où l'investissement public contribue à chasser l'investissement privé. Ce qui serait un jeu à somme nulle, voire à somme négative. Donc, même si le déficit était dû à l'investissement dans les projets publics, comme le précise la Banque centrale, ce ne serait pas forcément un choix judicieux du gouvernement. Mais l'hypothèse qui fait frissonner est celle d'un déficit engendré par des excès de dépenses lesquelles l'ancienne ministre de l'Économie et des Finances, Marie-Carmelle Jean-Marie, disait vouloir combattre. Et en ce sens, les festivités commémoratives du 14 mai ont lancé un mauvais signal aux analystes économiques et politiques. Des questions pertinentes surgissent : Comment un gouvernement en déficit budgétaire peut-il choisir de dépenser plus de 40 millions de gourdes pour célébrer le deuxième anniversaire d'une prise de pouvoir ? Ne serait-ce pas là un exemple d'irrationalité ? Ce sont ces signaux que les agents économiques peuvent interpréter comme une sorte d'insouciance de nos dirigeants et qui les invitent à s'attendre au pire dans le futur. Et comme le contexte du départ de Mme Jean-Marie envoyait déjà un signal de mauvaise gouvernance aux agents économiques, le déficit budgétaire et son financement monétaire, ne serait-ce qu'en partie, sont venues rendre pessimistes les anticipations des ménages. L'inflation, nous disait Milton Friedman, prix Nobel d'économie en 1997, est toujours et partout un phénomène monétaire. Fondateur de l'école monétariste, Friedman est l'un des économistes les plus influents du XXe siècle. Et l'une de ses plus grandes contributions à la science économique a été la réhabilitation de la théorie quantitative de la monnaie qui explique l'inflation ou la vie chère par la création monétaire, particulièrement quand cette émission monétaire n'est pas proportionnelle à la création de biens et services. Et parlant de création de richesse, les statistiques sont claires : 2,8 % de la croissance du produit intérieur brut (PIB) l'année dernière, des prévisions de seulement 2 % pour l'exercice en cours, pour reprendre les propos du directeur général de la DGI à la presse la semaine dernière. Le gouverneur annonce l'injection de 15 millions de dollars américains sur le marché des changes pour calmer la tension, il faut attendre les prochaines semaines pour constater les résultats. Mais il ne faut pas s'attendre à un grand retournement de la situation si l'origine de cette tension est plutôt politique. Dans cette éventualité, il faudrait plutôt des réponses politiques qui ne peuvent être qu'autres choses que la rigueur dans la gestion des dépenses publiques, la réalisation des crédibles, libres et honnêtes. Il faudra moins de soupçon de corruption, moins de rumeurs et moins d'extravagances de la part de l'exécutif. D'ailleurs, lorsque la BRH intervient sur le marché, les opérateurs économiques se demandent pour combien de temps et jusqu'où pourra-t-elle aller pour juger de la crédibilité de ses interventions? On comprend que les fluctuations du marché des changes et la hausse de l'inflation peuvent être également psychologiques ; et, dans ce cas, ce ne sont pas les interventions de la BRH, même justes, mais plutôt les mesures politiques concrètes et efficaces qui apaiseront les esprits. (1): http://www.brh.net/note_polmon2t13.pdf
Thomas Lalime thomaslalime@yahoo.fr

vendredi 24 mai 2013

L'ECONOMIE VERTE, LA REDUCTION DES PERTES POST- RECOLTES


« L’économie verte » (11)
La réduction des pertes
Bernard Ethéart
Solidarité oblige, j’ai du interrompre ma série sur l’« économie verte » pour parler de la septième édition du Forum Agricole Goâvien (voir HEM Vol 27 # 16 et 17). Je reviens donc à mes amours du moment en terminant avec l’analyse du dernier membre de cette équation d’un haut cadre du MARNDR selon laquelle la production est fonction de productivité x superficie + réduction des pertes (voir « L’économie verte » (9) Une agriculture moderne, HEM Vol. 27 # 14).
Dans ce même article j’ai parlé de la possibilité de développer une agriculture « productive », mais qui soit en même temps « durable », c'est-à-dire qui ne porte pas de préjudice à l’environnement, contrairement à certaines pratiques dites « modernes » que l’on veut nous imposer. Il s’agissait de faire appel à la pratique de l’agro-écologie.
Dans l’article suivant, j’ai abordé le second membre de l’équation, la superficie, en essayant de montrer que, en dépit du relief très montagneux de notre territoire, il y a encore moyen d’augmenter la surface cultivée, à conditions de prendre les précautions nécessaires (voir « L’économie verte » (10) La reconquête des mornes, HEM Vol. 27 # 15).
Aujourd’hui, donc, nous allons parler du troisième membre de l’équation, la réduction des pertes. Il faut savoir que les pertes après récolte réduisent considérablement la capacité de notre agriculture de remplir sa fonction première qui est de nourrir la population. A l’appui de cette affirmation ce citerai simplement ce passage tiré du PROGRAMME TRIENNAL DE RELANCE AGRICOLE du MARNDR : « Les pertes céréalières post-récoltes varient entre 15 % et 35 % en raison de l'insuffisance de structures de stockage et de transformation de produits agricoles. Le système national de santé animale et protection végétale est faible, occasionnant des pertes significatives de production et des opportunités ratées pour les exportations agricoles ».
Je rappellerai au lecteur que j’avais abordé ce problème au début de cette série, quand je parlais des investissements en infrastructures à faire dans le secteur agricole (voir « L’économie verte » (3) La décentralisation, HEM Vol. 27 # 5). Je reprends ci-dessous ce passage :
Mais on ne doit pas oublier qu’une bonne partie de la production se perd dans ce qu’on a coutume d’appeler les « pertes après récoltes », dues aux ravages causés par les rats et autres vermines. Il est donc indispensable de penser à des structures de stockage (silos).
Pour réduire les pertes durant le transport (pensez aux mangues qui sont transportées dans des paniers ou des sacs empilés dans la « boite » d’un camion et dont toutes celles qui se trouvent dans les couches inférieures arrivent au marché dans un état qui les rend invendables) on doit aussi penser à des centres de tri et « d’empaquetage ».
Enfin, il est temps que l’on cesse d’envoyer la production brute sur le marché et qu’on crée, dans les zones de production, des centres de transformation qui permettront de produire une valeur ajoutée qui restera sur place.
Et pour ne pas perdre les bonnes habitudes je reprends le tableau que j’avais utilisé alors et qui indique la place de ces investissements à la fois sur l’Axe D, Axe infrastructurel et l’Axe E, Axe économique.


Tableau 2
Axes

A

B

C

D

E

F


Paliers
 Humain
Socio- Culturel
Environ-nemental
Infra-structurel
Economique et Financier
Politique
I
 Humain
Droits individuels





II
 Social et Culturel

Système social




III
Environ-nemental


Environne-ment naturel



IV
Infra-structurel



Environne-ment aménagé
Investisse-ment dans les infrastructures

V
Economique et Financier



Répartition équitable des infrastructures
Système économique et financier

VI
Politique





La Gouvernance

On ne peut donc que se réjouir de voir ce thème mentionné dans le PTRA (Programme Triennal de Relance de l’Agriculture) du MARNDR ; malheureusement, en lisant la suite du document, en particulier à où sont énumérés et chiffrés les différents projets, je ne l’ai pas retrouvé. J’espère que c’est moi qui ai mal lu.
Bernard Ethéart
HEM Vol. 27 # 18 du 22-28/05/2013

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  Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles? Hugues Joseph J'ai repris ce texte Publié le 2018-03-12  par  Le Nouvelliste. Je...