A QUOI DEVRA RESSEMBLER L’ÈRE POST-JOVENEL,
MAINTENANT, DEMAIN OU À LA FIN DE SON MANDAT ?
ABNER SEPTEMBRE
8 OCTOBRE 2019
Il est évident que la population demande ou souhaite aujourd’hui le
départ du président Moïse, après que ses opposants politiques et autres aient
tout fait sans succès pour le chasser du pouvoir. Toutefois, ils n’ont pas
bossé en vain. Leur plus grand mérite est que leur ténacité a enfin entrainé
une bonne partie de la population des villes contre le pouvoir du président
Moïse. Si seulement ils avaient compris plus tôt qu’un plat de maïs chaud ne se
mange que sur les côtés, ils auraient été déjà parvenus à ce résultat et
auraient évité au pays tant de souffrances. Il reste par contre que
l’après-Jovenel n’est clair pour personne. C’est peut-être là l’une des
faiblesses qui expliquent aujourd’hui encore la présence du président Moïse au
pouvoir. Si tel est le cas, il est urgent de clarifier cette question : de quoi
l’après Jovenel devra-t-il être fait ? Il est surtout urgent de trouver des
réponses satisfaisantes, entre autres en termes de pertinence, de profondeur et
de durabilité.
Tout d’abord, trois recours semblent s’offrir au pays. Option 1 :
appliquer la constitution, en remettant le pouvoir au juge le plus ancien de la
Cour de Cassation. La question est : dans le contexte actuel, cette option ne
risque-t-elle pas de nous conduire au maintien du statu quo ? Option 2 : aller
aux élections. La question serait plutôt : le pays est-t-il capable de réaliser
maintenant des élections libres, honnêtes et démocratiques, voire a-t-il les
moyens de prendre en charge dignement les coûts et avoir le contrôle tant du
processus que des résultats ? Option 3 : un gouvernement transitoire de
consensus d’au moins 3 ans pour pacifier et stabiliser rapidement le pays, puis
pour réaliser de bonnes élections, où c’est la voix du peuple qui prime, comme
en décembre 1990. La question ici serait : qui devront faire partie de ce
gouvernement, combien devront-ils être, comment devront-ils être choisis, quel
devrait être son mandat ?
Que voulons-nous vraiment que soit ce pays pour nous, pour nos enfants
et leurs progénitures ? Un ami m’a envoyé par WhatsApp un texte qui date de 56
ans, écrit par Guslé Villedrouin et Gérald Brière de Jeune Haïti mais qui
résonne à nos oreilles comme l'écho d'un cri du moment. J’en retiens ceci : «
Il y a toute une vieille Haïti qui doit mourir pour que naisse un pays jeune,
neuf, actif, épanoui dans toutes des virtualités, un pays où le travail pour
tous apporte le pain à tous, où les responsables sont les premiers serviteurs
et les derniers servis, où règne non point un fallacieux et étouffant
nivellement, mais une recherche généralisée du dépassement de soi et dans le
don aux autres, un pays où la participation commune au redressement national
cimente l’union des cœurs. Voilà la jeune Haïti qui doit maintenant entrer dans
l’Histoire ». Ce qui se résume par la justice sociale distributive, à laquelle
j’ajoute un pays souverain maître de son destin et qui fraie éloquemment sa
voie dans le concert des nations.
Si c’est ce que nous voulons ou un autre choix à définir, expression
d’un changement de système, alors la question suivante est incontournable :
comment y parvenir ? En cas d’une éjection ou démission du président Moïse,
quelle que soit l’option faite parmi celles susmentionnées, ce sera en effet
loin d’être suffisant. On a aussi besoin de travailler tant la réalité des deux
autres pouvoirs législatif et judiciaire, que celle des classes politiques,
économiques, financières et intellectuelles, c’est-à-dire les dirigeants et les
élites haïtiennes nantis du pouvoir d’État. Un troisième acteur devenu «
surinfluent » sur l’échiquier depuis ces 30 dernières années est la communauté
internationale, au triple plan politique, diplomatique et de coopération au
développement. Ces trois acteurs forment ce que le Professeur Marcel Gilbert
avait baptisé de « Classe du pouvoir d’État » qui, à chaque crise politique, «
arrive adroitement à imposer à la Nation une solution bancale ». Enfin, deux
autres acteurs importants, leaders d’opinion, sont à signaliser : l’église et
la presse, bien qu’étant en général un instrument de l’une ou de l’autre des
catégories précitées (sauf certaines exceptions). Ce sont ces forces très
puissantes qui interviennent à l’intérieur du système, qui le formatent à
dessein, et donc sont responsables de tous les malheurs du pays que le peuple
dénonce aujourd’hui. Si elles sont neutralisées et réorientées en capsule de
progrès, le reste ne sera que programmatique pour construire enfin l’autoroute
d’une nouvelle Haïti vertueuse et durable pour tous ses enfants.
Abner Septembre, Sociologue Centre Banyen @ Vallue, 8 octobre 2019
Merci Jean Robert. Bon travail.
RépondreSupprimerAbner Septembre