dimanche 28 avril 2013

5e SOMMET DE L’AEC : DECLARATION DE PETION-VILLE



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5e SOMMET DE L’AEC : DECLARATION DE PETION-VILLE

26 AVRIL 2013

« Les Chefs d'État et de Gouvernement des États, Pays et Territoires de l'Association des États de la Caraïbe (AEC), réunis à Pétion Ville, Haïti, le 26 avril 2013 :

Fidèles aux principes et aux objectifs définis dans la Convention créant l'AEC ;

Réaffirmant notre engagement à l'égard de la Déclaration de Principes et son Plan d'action émanant du Premier Sommet historique des Chefs d'État et/ou de Gouvernement de l'AEC, tenu à Port d'Espagne, République de Trinité-et-Tobago, les 17 et 18 août 1995, et des priorités identifiées en vue de promouvoir la coopération régionale et la coordination entre les États Membres et Membres Associés de l'AEC ;

Réaffirmant notre engagement à l'égard de la Déclaration du Deuxième Sommet tenu à Santo Domingo, République Dominicaine, les 16 et 17 avril 1999, qui a analysé les progrès réalisés par l'AEC depuis Port d'Espagne et Saint Domingue et défini les perspectives de la région de la Caraïbe pour le XXIe siècle ;

Réaffirmant notre engagement à l'égard de la Déclaration du Troisième Sommet tenu sur l'île de Margarita, République Bolivarienne du Venezuela, les 11 et 12 décembre 2001, qui a promu la consolidation d'une identité caribéenne que permettrait le renforcement de l'AEC comme forum de consultation, de concertation et de coopération ;

Réaffirmant notre engagement à l'égard de la Déclaration du Quatrième Sommet tenu le 29 juillet 2005 dans la Ville de Panama, République du Panama, reconnaissant le moment propice à la réflexion quant à l'évolution de l'AEC, ses réalisations, ses défis et son avenir à l'occasion de son Dixième anniversaire ;

Déclarons que :

1
. Nous sommes réunis dans le but de ratifier la vision fondatrice de l'Association, et de nous engager à consolider et revitaliser cette dernière pour que nos efforts permettent la mise en oeuvre de politiques, programmes et projets de coopération couronnés de succès orientés vers le renforcement et l'unification de la Grande Caraïbe.

2. Nous sommes décidés à maintenir l'importance de notre Association en tant qu'organe de consultation, de concertation et de coopération, tout en soulignant la pertinence de son travail dans les domaines du commerce, du tourisme durable, des transports et la réduction des risques de catastrophe en vue de conserver sa place sur la scène internationale actuelle marquée par le multilatéralisme et le régionalisme.

3. Nous reconnaissons que la diversité culturelle de la région de la Caraïbe est une grande richesse, et de ce fait, nous nous engageons à accroître nos efforts en faveur de la préservation de notre identité culturelle, afin de protéger et de promouvoir ses expressions, étant conscients que la culture, dans ses différentes manifestations constitue une des bases fondamentales de la coopération au sein de la Grande Caraïbe. A cet égard, nous accueillons la tenue du Festival d'Art de la Caraïbe « CARIFESTA XI » du 16 au 25 août 2013 en République du Suriname sur le thème « Culture pour le développement, la célébration de notre diversité et la promotion du rôle central de notre culture dans le développement économique, social et humain ». Nous convenons que cet événement est une opportunité pour l'expression et la célébration de la grande richesse culturelle et de la diversité dans la région de la Grande Caraïbe.

4. Nous réitérons la volonté d'accomplir les mandats de nos Sommets antérieurs et de travailler en vue de stimuler la coopération dans les domaines du patrimoine culturel, de l'éducation, de la science et de la technologie dans la Grande Caraïbe.

5. Nous reconnaissons les réalisations de l'AEC ainsi que son esprit d'entreprise. C'est pourquoi il importe de continuer à renforcer l'Association dans sa capacité de réunir tous les pays et territoires, en vue de la consolider au niveau régional et, dans ce but, promouvoir l'utilisation de nouvelles technologies de l'information.

6. Nous réaffirmons le besoin d'avoir une stratégie qui permettrait aux programmes et projets de l'Association de converger vers l'objectif principal de produire des résultats tangibles ayant un impact net sur le développement régional.

7. Nous réitérons notre conviction que la démocratie, fondée sur la participation populaire, le développement économique et social équitable, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et le respect de la règle de droit - constitue le principe essentiel qui est à la base de la gouvernance de nos États et territoires.

8. Nous réitérons notre soutien aux principes de la Charte des Nations Unies, y compris, la souveraineté des nations, le respect de leur intégrité territoriale et la non-ingérence dans leurs affaires internes, et réitérons de même le droit de chaque peuple de définir dans la paix, la stabilité et la justice son propre système politique.

9. À cet égard, nous réitérons notre appel au gouvernement des États-Unis d'Amérique à mettre fin à l'application de la Loi Helms-Burton, conformément aux 20 résolutions pertinentes, approuvées par l'Assemblée générale des Nations Unies, sa plus récente étant Ref. A/RES/67/4, novembre 2012, intitulée «Nécessité de mettre fin à l'embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis d'Amérique contre Cuba - Rapport du Secrétaire général (A/67/118)», et à en finir avec l'embargo économique, commercial et financier à l'encontre de Cuba.

10. Nous réaffirmons notre condamnation de tous les actes de terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, où qu'ils soient commis, et quels qu'en soient les auteurs. Nous nous engageons à continuer à renforcer la coopération entre les Etats, afin de prévenir, réprimer et éliminer de manière efficace cette menace.

11. Nous rejetons fermement les évaluations, listes et certifications unilatérales, particulièrement celles faisant allusion au terrorisme, au trafic de drogue, au trafic humain et autres de nature similaire.

12.
Nous exprimons notre engagement envers Communauté d'États latino-américains et caribéens (CELAC) créée en février 2010 sur la Riviera Maya, Mexique, nous réaffirmons la vigueur des accords adoptés dans la déclaration et le plan d'Action de Caracas, y compris ses Statuts du 3 décembre 2011 dans le cadre du sommet de fondation de la CELAC à Caracas, Venezuela et la déclaration du premier sommet de la CELAC adoptée le 28 janvier 2013 à Santiago de Chile.

13. Nous reconnaissons l'engagement exprimé par les Chefs de gouvernement de la CARICOM lors de leur 23e Réunion intersessionnelle, tenue les 8 et 9 mars 2012 au Surinam, envers le processus CELAC, et saluons les efforts de la CARICOM pour promouvoir et faire avancer les initiatives d'intégration dans la région.

14. Nous insistons aussi sur la reconnaissance de l'AEC par le conseil des Relations extérieures et communautaires de la CARICOM (COFCOR, selon son sigle en anglais) dans le cadre de sa 15e Réunion en mai 2012, où il s'est engagé à renforcer ses relations avec l'Association et à poursuivre une collaboration proche et une participation active.

15.
Nous reconnaissons les efforts d'intégration déployés dans la région, comme la Communauté de la Caraïbe (CARICOM), le Système d'Intégration d'Amérique Centrale (SICA), l'Organisation de la Caraïbe Orientale (OECO), l'Alliance Bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique - Traité de Commerce des Peuples (ALBA-TCP), le PETROCARIBE, le Projet d'Intégration et de Développement Méso-américain et l'Alliance du Pacifique, Union des nations sud-américaines (UNASUR) ainsi que les autres schémas d'Intégration à fort contenu social, fondés sur les principes de justice sociale, de complémentarité et de coopération.

16. Nous reconnaissons l'établissement de l'Union Economique de l'Organisation des Etats la Caraïbe Orientale (OECS-EU) et l'inauguration subséquente de l'Assemblée régionale de l'OECO, à Antigua et Barbuda, au mois d'août 2012.

17. Nous reconnaissons les efforts de soutien et de solidarité de la communauté internationale envers Haïti, et nous l'incitons à remplir les engagements pris en faveur des efforts de développement et de reconstruction sociale et économique en accord avec les intérêts et décisions du Gouvernement d'Haïti.

18. Nous prenons note des résultats de la 24e Réunion Intersessionnelle de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Communauté de la Caraïbe (CARICOM) qui a eu lieu les 18 et 19 février 2013 en Haïti.

19.
Nous rappelons notre engagement pour la préservation de la Mer des Caraïbes en tant que patrimoine commun des peuples de la région et considérons fondamentaux le maintien et la consolidation de la Commission de la Mer des Caraïbes. Nous reconnaissons des contributions dans ce sens de la part des États Membres de l'AEC, notamment de la Barbade, pendant son mandat de présidente de ladite Commission ; et des Pays Observateurs et institutions qui ont collaboré étroitement avec la Commission. Nous nous réjouissons du soutien global et de la reconnaissance dont bénéficie la Commission de la Mer des Caraïbes, et notamment la mention qui en a été faite dans le Rapport de l'Équipe de haut niveau sur la Durabilité mondiale de l'ONU au mois de janvier 2012.

20. Nous réaffirmons l'importance de la Mer des Caraïbes en tant que ressource pour le développement économique et le bien-être de nos peuples, ainsi que celle de l'accord en vue de continuer à soutenir les efforts de l'AEC pour développer et mettre en œuvre les initiatives régionales pour la protection et la préservation de ce patrimoine.

21. Nous reconnaissons que l'environnement international est enrichi par un nombre croissant d'organismes régionaux et internationaux, qui offrent de nouvelles possibilités pour ouvrir de nouveaux horizons afin d'entamer des consultations et de gérer la coopération et le financement. L'AEC doit profiter de cette conjoncture pour renforcer ses relations avec ses homologues existants, et intensifier ses efforts pour développer de nouvelles relations en vue d'accroître la coopération. À cette fin nous encourageons le Secrétaire Général à profiter pleinement de ces nouvelles possibilités à travers la pleine exploitation des ressources du Secrétariat.

22
. Nous demandons la mise en œuvre immédiate, par le Conseil des Représentants Nationaux du Fonds Spécial, de l'accord 9/13 dérivé de la XVIIIe Réunion Ordinaire du Conseil des Ministres de l'AEC pour le renforcement des aspects institutionnels, budgétaires et organisationnels du fonds spécial en vue de l'accomplissement de ses objectifs.

23
. Nous reconnaissons la vulnérabilité des États Membres face aux catastrophes et leur impact négatif sur les efforts destinés à parvenir au développement durable. Il est donc convenu que la meilleure voie pour faire face à cette vulnérabilité est d'incorporer la gestion intégrée des risques à tous les niveaux de la planification publique de nos pays, y compris la gestion de la coopération régionale et internationale.

24.
Nous rappelons et ratifions l'actualisation et la reconduction du Plan d'Action de Saint-Marc, et ses 27 points définis à l'occasion de la Conférence de haut niveau sur la Réduction des Catastrophes de l'Association des États de la Caraïbe, qui s'est tenue en novembre 2007 à Saint-Marc, République d'Haïti, en tant que guide du Programme de travail de l'AEC dans le domaine de la réduction des risques de catastrophes.

25.
Nous reconnaissons que les phénomènes naturels tels que les ouragans, les tempêtes tropicales, les inondations et les sécheresses, entre autres, dont l'ampleur et la fréquence ont tendance à augmenter en raison des effets du changement climatique, provoquent des catastrophes dans la Région de la Grande Caraïbe, en raison du haut niveau d'exposition et de vulnérabilité de ses communautés, et ont de graves répercussions sur les économies de nos pays. Par conséquent, nous nous engageons à continuer à encourager les actions en faveur de la réduction des risques de catastrophes et de l'adaptation au changement climatique. Nous sommes d'accord sur le fait que les gouvernements doivent jouer un rôle décisif en promouvant et en facilitant la production et l'utilisation de produits, d'outils et de processus éco-efficaces et respectueux de l'environnement lors des interventions, des opérations de réhabilitation et de la gestion des risques de catastrophes.

26.
Nous reconnaissons et soutenons la collaboration étroite entre l'AEC et les organisations régionales spécialisées, comme l'Agence Caribéenne de Gestion des Urgences en cas de Catastrophe (CDEMA), le Centre de Coordination pour la Prévention des Catastrophes Naturelles en Amérique Centrale (CEPREDENAC), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Bureau des Nations Unies pour la Réduction des Risques de Catastrophes (UNISDR), la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), ainsi que l'Organisation Panaméricaine de la Santé (OPS), entre autres.

27. Nous reconnaissons l'importance d'établir des mécanismes pour faciliter et simplifier l'envoi, la réception, et la distribution de l'aide humanitaire dans chaque pays en cas de catastrophes, dans le cadre de l'ordonnance juridique établie par chaque pays. Par conséquent, nous nous engageons à réaliser des activités qui permettent de renforcer la coordination de la gestion des actions en cas de catastrophes et au profit de ceux qui en sont victimes. Dans le cadre de nos capacités et de nos ressources, nous continuerons à nous efforcer de faire face de manière efficace et opportune aux risques auxquels nous sommes exposés.

28
. Nous recommandons le renforcement des différents moyens de transport terrestres, aériens et maritimes, ainsi que la connectivité aérienne et maritime, qui contribueront à l'unification des nations de la Grande Caraïbe. À cet égard, nous soulignons l'entrée en vigueur le 19 septembre 2008 de l'Accord de Transport Aérien entre les États membres et Membres Associés de l'AEC. Par ailleurs, nous reconnaissons et soulignons l'importance de l'adoption du projet de «Cartes des Routes maritimes de la Grande Caraïbe. Parallèlement, nous reconnaissons l'importance considérable de la « Stratégie maritime portuaire de la Caraïbe», proposée pour disposer d'un secteur maritime compétitif et capable de satisfaire aux exigences du commerce extérieur de la Grande Caraïbe.

29. Nous encourageons et soutenons l'incorporation du genre comme thème transversal, dans les politiques ainsi que les plans et actions concernant les programmes prioritaires de l'AEC.

30. De même, nous continuons à stimuler les politiques d'intégration sociale, en particulier en faveur de l'enfance, de la jeunesse, des personnes à capacités différentes et les personnes âgées.

31. Nous exhortons les États Membres qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention créant la Zone de Tourisme Durable de la Caraïbe (ZTDC) et son Protocole afin que les deux instruments puissent entrer en vigueur. Par ailleurs, nous nous engageons à accélérer la mise en œuvre de leurs engagements dans le cadre de la ZTDC. Nous estimons que cette initiative promouvra les progrès réalisés par la Grande Caraïbe vers l'inclusion des principes de développement durable dans la planification touristique intégrée à l'échelle mondiale.

32.
Étant donné le mandat de l'AEC, en ce qui concerne la question du commerce et l'intention des Chefs d'État de la Caraïbe de créer un espace économique consolidé dans la région de la Caraïbe; et compte tenu de l'état actuel du système commercial mondial, nous soutenons les efforts de notre organisation, afin d'accroître les échanges commerciaux et les investissements dans la région de la Grande Caraïbe. A cette fin nous encourageons à maintenir la relation de collaboration et de consultation entre l'AEC et les observateurs fondateurs liés au développement économique, tels que la Commission Economique pour l'Amérique Latine et la Caraïbe (CEPALC), le Système Économique Latino Américain et Caribéen (SELA), entre autres. Dans ce sens, ils reconnaissent le besoin de faciliter un mouvement accru de personnes entre et au sein des Etats membres de l'AEC.

33. Nous soulignons l'importance toute particulière de stimuler le commerce des services entre les pays membres, comme une contribution importante à la création de l'espace économique consolidé, ce pourquoi il faudra identifier les possibilités d'offres et de demandes dans la région et promouvoir des actions qui permettent d'accroitre les opportunités et la diversification des échanges commerciaux au sein de l'Association.

34.
Nous reconnaissons l'initiative du Gouvernement de la République de Trinité-et-Tobago afin de promouvoir le progrès économique de la région, par la création d'un Processus de Convergence structuré dont les objectifs soient une plus grande facilitation de la circulation des capitaux et services, promouvoir l'établissement de dispositions visant a protéger les investissements dans la région, l'intégration des marchés de capitaux, le développement des infrastructures pour améliorer la logistique et explorer avec les institutions financières internationales la réorientation de leurs politiques pour appuyer les pays moins développés face aux mouvements brusques de l'économie internationale et maintenir la stabilité macroéconomique.

35. Nous reconnaissons l'importance des PME, comme l'un des facteurs qui peuvent contribuer au processus de reprise économique dans la région par leur capacité à promouvoir l'emploi et les opportunités de marché. Par conséquent, les mécanismes de dialogue devraient être encouragés entre nos organismes spécialisés dans ce domaine, afin de bénéficier du partage de ces expériences et des bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves dans la région, pour être partagées si nécessaire.

36.
Nous accueillons avec satisfaction la volonté des régions françaises de la Caraïbe de devenir Membres Associés de l'AEC en leur nom propre, et nous nous félicitons de leur participation active aux différents comités de l'Association.

37. Nous nous réjouissons de l'élection en février 2012, du Secrétaire Général de l'Association des États de la Caraïbe, Dr Alfonso David Múnera Cavadía, en février 2012, et nous sommes confiants dans sa gestion qui, au vu des efforts réalisés jusqu'ici, profitera à notre Association.

38. Nous exprimons au Gouvernement et au peuple de la République Bolivarienne du Venezuela, notre peine profonde et sincère quant au décès prématuré du président, M. Hugo Rafael Chávez Frías, le 5 Mars 2013. Le Président Hugo Chavez a toujours fait preuve d'un profond respect et amour pour les pays de la Grande Caraïbe. Nous le remercions et reconnaissons son engagement avec la région et son effort pour construire des voies solidaires de coopération, contribuant ainsi a améliorer la qualité de vie de nos peuples, renforçant l'intégration et resserrant les liens d'amitié entre nos gouvernements.

39.
Nous exprimons à l'occasion de ce Ve Sommet notre admiration pour la nation haïtienne. Le monde a une dette de gratitude envers le peuple haïtien, qui fut le premier à abolir totalement l'esclavage, offrant ainsi la possibilité de devenir citoyens à tous les êtres humains.

40. Nous manifestons notre gratitude la plus profonde au Président de la République d'Haïti, Son Excellence Monsieur Michel Joseph Martelly, au Gouvernement et au peuple haïtiens de leur accueil chaleureux et de leur hospitalité généreuse mise en évidence durant la tenue de ce Ve Sommet des Chefs d'État et/ou de Gouvernement de l'Association des États de la Caraïbe.

En vue de la matérialisation des principes et des objectifs exprimés dans la présente Déclaration, nous convenons d'adopter le Plan d'Action ci-joint et enjoignons le Conseil des Ministres, conformément à l'Article 8 de la Convention constitutive de l'Association des États de la Caraïbe, d'assurer le suivi et d'évaluer la mise en oeuvre dudit Plan d'Actions, lors de sa prochaine Réunion ordinaire dans les plus brefs délais. »


mardi 23 avril 2013

L'ECONOMIE VERTE, UNE AGRICULTURE MODERNE



« L’économie verte » (9)
Une agriculture moderne
Bernard ETHEART
La semaine dernière, une erreur s’est glissée au moment de la mise en page du journal (voir HEM Vol. 27 # 13, du 17-23/04/2013) et le titre imprimé est celui de la semaine précédente. Le vrai titre était « L’économie verte » (8) Gare à l’accaparement des terres. Il s’agissait d’une mise en garde contre ces « investisseurs » qui n’ont rien d’autre en tête que de tirer profit des opportunités que leur offre notre « naïveté » pour développer des cultures qui répondent à leurs propres besoins, au détriment d’une agriculture « nationale ».
On peut évidemment se poser la question de savoir ce qu’est une agriculture nationale. Je pense que la réponse serait : une agriculture qui nous permet de faire face aux grandes priorités auxquelles nous sommes confrontés :
-          La sécurité alimentaire,
-          La création d’emplois,
-          La protection de l’environnement.
Quand on sait que un des facteurs de la sécurité alimentaire, est la disponibilité des aliments, et qu’on ajoute à cela le fait que notre agriculture couvre tout juste la moitié des besoins du pays, on arrive tout de suite à la conclusion logique qu’il y a urgence à augmenter la production d’aliments. A partir de là, on permettra au non-agronome que je suis de faire appel à une équation d’un haut cadre du MARNDR selon laquelle la production est fonction de productivité x superficie + réduction des pertes.
Pour le non initié cela veut dire que, si nous voulons augmenter la production, il nous faut soit augmenter la productivité de l’agriculture, soit augmenter les surfaces cultivées, mais à tous les coups réduire les pertes.
Quand on parle de productivité, les bons esprits se lancent immédiatement dans une critique de notre agriculture « archaïque » et réclament, avec des trémolos pathétiques, une modernisation de l’agriculture en vue de l’intensification de la production. Mais qu’entendent-ils par modernisation ?
La modernisation consisterait à importer des modèles dont on dit à tort qu’ils auraient prouvé leur efficacité ailleurs. Moderniser ce serait établir de vastes entreprises agricoles consacrées à la culture d’un seul produit, avec une forte mécanisation, et utilisant des intrants industriels : engrais et pesticides chimiques, semences génétiquement modifiées, etc, et on cite les résultats de cette « révolution verte » tant en vogue il y a quelques années.
Seulement voilà, ils sont quelque peu en retard de phase, car de plus en plus d’études font la preuve que cette « agriculture industrielle » n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux. Certes la révolution verte est arrivée à accroitre les rendements, mais au prix d’une utilisation massive d’intrants chimiques qui ont eu des conséquences désastreuses sur l’environnement, à commencer par le sol cultivé qu’ils ont appauvri.
Ce sont sans doute les dégâts causés par l’agriculture industrielle sur l’environnement qui ont conduit à chercher un autre modèle ou, pour employer un terme à la mode, un autre paradigme, et ce nouveau modèle c’est « l’agroécologie ». Nous n’aurons pas la place pour trop nous étendre sur le sujet, mais je voudrais citer quelques passages d’une interview de Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l'Inra (Institut National de la Recherche Agronomique), au lendemain du Salon de l'agriculture à Paris (Actu-Environnement, 06 mars 2013) :
L'agro-écologie recouvre plusieurs sens. Ce terme est apparu dans les années trente, pour définir une nouvelle discipline scientifique, au carrefour entre l'agronomie et l'écologie. Quelques décennies plus tard, dans les années soixante, en réaction à la révolution verte, à l'intensification, à la spécialisation et à l'industrialisation de l'agriculture, l'agro-écologie a été redéfinie, notamment en Amérique latine, comme un mouvement social, une révolution nécessaire des pratiques.
Je tiens à citer aussi ce passage pour les partisans de la monoculture de plantation : La monoculture et l'hyperspécialisation exacerbent en effet les problèmes de ravageurs, les maladies… Il faut réintroduire les rotations, la diversité des espèces, y compris dans une même parcelle ou dans un même élevage…
Et enfin cette phrase pour ceux qui pensent que refuser l’agriculture industrielle c’est revenir à l’agriculture archaïque : Ce n'est pas un retour vers le passé. L'objectif est de mieux comprendre les systèmes biologiques afin d'améliorer les pratiques mais aussi de mettre à la portée des agriculteurs des technologies modernes.
Cela fait maintenant quatre ans que j’ai consacré deux articles à la modernisation de l’agriculture (voir HEM Vol. 23 # 31 et 32) ; je ne crois pas avoir alors utilisé la formule, mais depuis lors je ne cesse de répéter : la modernisation de l’agriculture, ce ne sont pas les tracteurs ou les intrants chimiques, elle commence dans la tête de l’agriculteur.
Cela suppose un gros effort dans la formation des agriculteurs et je reprends mon cadre de référence qui indique la place de la formation et de l’exercice de la profession d’agriculteur.
`
Axes

A

B

C

D

E

F


Paliers
 Humain
Socio- Culturel
Environ-nemental
Infra-structurel
Economique et Financier
Politique
I
 Humain
Droits Individuels



Formation des agriculteurs

II
 Social et Culturel

Système Social




III
Environ-nemental


Environne-ment Naturel



IV
Infra-structurel



Environne-ment Aménagé


V
Economique et Financier
Emplois dans l‘agriculture



Secteur Agricole

VI
Politique





Gouver-nance

Bernard Ethéart
HEM Vol. 27 # 14 du 24-30/04/2013

jeudi 18 avril 2013

GRANDIOSES FUNERAILLES DE MONSEIGNEUR FRANCOIS WOLF LIGONDE


Grandioses funérailles de Monseigneur François Marie Wolf Ligondé
Le Nouvelliste | Publié le :15 avril 2013
 Charlotte B. Cadet
Recueillement en la Mémoire de Mgr François Marie Wolf Ligondé
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Charlotte B. Cadet Le samedi 13 avril 2013, l'Église catholique d'Haïti a rendu un vibrant hommage à Monseigneur François Marie Wolf Ligondé, à l'occasion des funérailles de ce premier archevêque haïtien. À l'église du Sacré-Coeur de Turgeau, plus de deux cents prêtres arrivés de tous les diocèses du pays ont répondu à l'appel de l'archevêché de Port-au-Prince pour venir se recueillir devant la dépouille de cet illustre pasteur. Vêtus d'aube blanche, la couleur liturgique du jour, pendant que sonnait le glas des trépassés, ces ministres de Jésus-Christ ont défilé solennellement en procession, suivis du nonce apostolique, Mgr Bernadito Auza, des évêques des dix diocèses, coiffés de mitres blanches, pour arriver à l'autel du Sacré-Coeur orné de bleu et de blanc, les couleurs de la Vierge Marie. Un rappel de la dévotion mariale de Monseigneur Ligondé. Étaient présents également trois vicaires épiscopaux. Et pour l'éclat de la cérémonie, cinq prêtres cérémoniaires revêtus de soutane noire et de surplis blanc assuraient le protocole de la célébration. Le président de la République, Son Excellence Michel Martelly, le cabinet ministériel au complet et tous les corps constitués de l'État ont rehaussé de leur présence les funérailles nationales de Mgr Ligondé. Aux environs de 10 heures, l'église était investie par toutes les communautés religieuses de l'archidiocèse, les mouvements d'action catholique tels que la Légion de Marie, les Apôtres de Marie, l'Association des fidèles charismatiques d'Haïti, les Kiros, sans compter les délégations d'écoles et les fidèles catholiques, tous venus dans le but de communier avec l'Église d'Haïti endeuillée ainsi que la famille éplorée de Monseigneur François Wolf Ligondé. L'ancien archevêque ne ratait jamais l'occasion de parler de la promotion du laïcat. Il avait toujours voulu que les laïcs s'impliquent davantage dans les choses de l'église. La solennité de l'Église catholique était, une fois de plus, au rendez-vous pour honorer la mémoire de celui qui fut le premier archevêque haïtien, le premier président de la Conférence épiscopale d'Haïti. Après le chant d'entrée très entraînant « Bondye envite m nan fèt lakay li » débuta le rite d'accueil symbolique. Sur le cercueil recouvert du drapeau national, à tour de rôle, messeigneurs Leroy Mésidor, Launay Saturné, Éric Marie Glandas, Pierre André Dumas, Simon Saintilien s'avancèrent lentement pour y déposer la croix symbolisant le baptême ; la Bible, le diaconat ; l'étole et l'aube, la prêtrise ; et la mitre, l'épiscopat. Pendant ce temps, la chorale J.V.C charmait l'assistance dans l'interprétation de très beaux chants de circonstance. L'archevêque de Port-au-Prince, Mgr Guire Poulard, président de l'assemblée, entouré du nonce apostolique, Mgr Bernadito Auza, de Mgr Chibly Langlois, actuel président de la Conférence épiscopale, évêque des Cayes, de Mgr Joseph Lafontant, concélébrants, donna le coup d'envoi de la liturgie de la Parole. Mgr Poulard s'est révélé un pasteur simple, très ouvert qui a permis à chaque évêque présent de participer à cette émouvante cérémonie. À partir de l'Évangile selon saint Jean au chapitre 10, les versets 14 à 16, Monseigneur Joseph Lafontant a prononcé une remarquable homélie, émaillée de citations latines avec toute la verve qu'on lui connaît. Il a campé magistralement Mgr François Marie Wolf Ligondé dans sa dimension d'intellectuel de haut vol, de pasteur humble, de patriote, d'homme de vérité, de serviteur souffrant, de vieux sage. Mgr Lafontant avoue avoir été un fidèle auditeur des envolées lyriques de Mgr Ligondé lors de ses prédications. Il se souvient, en outre, d'une confidence, presque sous forme de boutade, faite par ce dernier. Quand celui-ci a été appelé par le pape Paul VI pour devenir archevêque de Port-au-Prince en 1966, il préparait son doctorat en théologie, en Suisse. Le père Ligondé a alors demandé au Saint-Père de reporter cette nomination afin de lui permettre de terminer ses études. Celui-ci lui a fait comprendre que le Seigneur l'a appelé non pour évangéliser les livres mais les hommes. « Rentrez chez vous et faites-vous ordonner », avait conclu le pape. Mgr Ligondé venait d'avoir 38 ans. Il a rappelé aussi que beaucoup de prêtres présents pour la circonstance ont été ordonnés par l'éminent prélat. Toujours d'après Mgr Lafontant, l'ancien archevêque de Port-au-Prince était soucieux de la formation des prêtres. Il voulait d'un clergé sain, droit, désintéressé et intellectuellement solide. L'actuel évêque auxiliaire de Port-au-Prince, qui a administré la gérance de l'archevêché de Port-au-Prince pendant l'exil de Mgr Ligondé, saisit l'occasion pour offrir à la génération montante de jeunes prêtres ce modèle de ministre de Jésus-Christ, humble, désintéressé, évangélisateur infatigable. Personnellement, ce matin, en assistant à cette cérémonie des funérailles de Mgr Ligondé, beaucoup de souvenirs ont refait surface dans ma mémoire. Nous sommes à la fin d'octobre 1966. Je viens tout juste de mettre au monde mon fils cadet. Quelques jours après, les évêques formant le nouvel épiscopat haïtien, en visite pastorale, se sont arrêtés à Saint-Louis-du-Nord pour quelques heures. Je me revois sur le balcon de mes beaux-parents en train d'admirer la procession solennelle qui traversait la ville avec un Mgr Ligondé en tête, rayonnant de jeunesse, suivi de messeigneurs Emmanuel Constant, évêque des Gonaïves ; Carl Edward Peters, ancien curé de Saint-Louis, évêque de Jérémie ; Claudius Angénor, évêque des Cayes ; Jean-Baptiste Décoste, évêque auxiliaire de Port-au-Prince. C'était une première dans la ville en fête. Je me souviens aussi de l'arrivée du pape Jean-Paul II en Haïti, le 9 mars 1983. Monseigneur Ligondé se trouvait dans la papamobile du Saint-Père, gai comme un enfant, ainsi que le père Joseph Lafontant, alors secrétaire de la Conférence épiscopale, promu déjà à un brillant avenir. À Sainte-Marie, où le pape avait procédé à l'ouverture de la réunion du Conseil des évêques latino-américains (CELAM), Monseigneur, toujours au comble de la joie, spontanément, dit au pape Jean-Paul II qui s'apprêtait à quitter les lieux : « Très Saint-Père, nous allons entonner le Magnificat pour vous. » Celui-ci, souriant, avait acquiescé en jetant un regard sur sa montre. Je me souviens encore de mon voyage au Liban en compagnie d'un groupe de pèlerins. Nous étions accompagnés de Mgr Ligondé et de Mgr Dumas. Un moment inoubliable où nous nous sommes abreuvés des homélies de l'archevêque, de la proximité au moment des repas, des excursions ou de la visite des monastères, spécialement de celui où a vécu saint Charbel. Voici ce que j'avais écrit au retour de ce voyage : *« À côté, dans une petite chapelle gardée par des religieuses, a lieu notre première messe concélébrée par les deux évêques, messeigneurs Ligondé et Dumas. Ils nous ont fait vivre des moments très forts de prière pendant le voyage. On n'est pas près d'oublier la prière matinale de Mgr Ligondé avant le démarrage de l'autobus : « Ô toi qui es chez toi dans le fond de mon coeur, apprends-moi à t'écouter dans le fond de mon coeur. » Tous les intervenants sont unanimes à reconnaître les valeurs de ce pasteur doté d'une foi inébranlable, ce penseur, ce patriote qui rêvait d'une Haïti libérée de l'assistanat, de la misère, où l'amour, la tolérance, le vivre-ensemble devraient régner en maîtres, pour répéter son frère Jean Michel Ligondé. Le ministre des Affaires étrangères et des Cultes, M. Pierre-Richard Casimir, très élogieux dans son discours, a présenté Mgr Ligondé comme « un pédagogue né, un philanthrope hors pair, croyant dans l'option préférentielle pour les pauvres ». Il a parlé en outre du vide qui planera au sein de l'épiscopat haïtien et « de la place que ce prélat occupera désormais dans le Panthéon ecclésiastique haïtien ». Le nonce apostolique, Mgr Bernadito Auza, a lu un extrait du message de condoléances du pape François adressé à l'Église d'Haïti : « Que Dieu accueille dans sa maison ce pasteur dévoué qui a accompagné la marche du peuple chrétien d'Haïti sur le chemin de l'Évangile. » La cérémonie tirant à sa fin, l'assistance a été gratifiée d'un magnifique tableau digne des plus grands peintres de la Renaissance : tous les évêques coiffés de leurs mitres blanches pointées vers le ciel, faisant un cercle autour du cercueil de Mgr François Marie Wolf Ligondé, au moment de l'absoute. C'était tout simplement majestueux. Et Mgr Chibly Langlois s'est détaché pour asperger la bière d'eau bénite, avant d'en faire le tour, pour l'encencement. Et l'odeur de l'encens se répandit dans l'air comme une préfiguration du Ciel.
Charlotte B. Cadet
* Extrait de « Entre tourisme et pèlerinage » p 45, Charlotte Barlatier Cadet, 2005, Imprimeur II. Une liste des noms de tous les évêques présents aux funérailles de Mgr François Marie Wolf Ligondé : Mgr Guire Poulard, archevêque métropolitain de Port-au-Prince et ses auxiliaires, Mgr Joseph Lafontant, Mgr Éric Marie Glandas, Mgr Quesnel Alphonse; Mgr Chibly Langlois, président de la Conférence épiscopale d'Haïti, évêque des Cayes ; Mgr Louis Kébreau, archevêque du Cap-Haïtien ; Mgr Yves Marie Péan, évêque des Gonaïves ; Mgr Gontran Décoste, évêque de Jérémie ; Mgr Simon Saintilien, évêque de Hinche ; Mgr Pierre Antoine Paulo, évêque de Port-de-Paix ; Mgr Launay Saturné, évêque de Jacmel ; Mgr Pierre André Dumas, évêque des Nippes ; Mgr Leroy Mésidor, évêque de Fort-Liberté ; Mgr Willy Romélus, évêque émérite de Jérémie ; Mgr Alix Verrier, évêque émérite des Cayes ; Mgr Frantz Colimon, évêque émérite de Port-de-Paix.

mercredi 17 avril 2013

MCJM, PERSONA NON GRATA



MCJM, persona non grata
Le Nouvelliste | Publié le :16 avril 2013
 Thomas Lalime thomaslalime@yahoo.fr
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Il y a la science politique, c'est vrai. Mais faire cohabiter science et politique en Haïti n'est pas toujours chose facile. La démission de la ministre de l'Économie et des Finances, Marie Carmelle Jean-Marie (MCJM) en est la preuve par quatre. Quand le président de la République annonce la création de 400 000 emplois en moins de deux ans, MCJM n'en confirme que la création de 10 000 au micro de notre consoeur Nancy Roc à son émission Métropolis du 23 février 2013 sur Radio Métropole. À titre de comparaison, tout le secteur bancaire ne disposait en 2010 que de 4 534 employés. Le secteur public dans son ensemble ne dépasse pas 60 000 employés. Quand le président Martelly annonce la création du «Kredi Roz» aux profits des femmes défavorisées, l'ex-ministre des Finances rétorque au micro de notre confrère Jean Monard Metellus, à l'émission Ranmase sur Radio Caraïbes, que le gouvernement n'a aucun intérêt à emprunter cette voie, en concurrence avec les institutions de microfinance de la place. D'autant plus que les bénéficiaires verraient dans ces programmes publics de microcrédit un don du président, avec des conséquences négatives sur le taux de remboursement. L'argument est clair, limpide et pertinent. Quand le pouvoir en place et la communauté internationale tentent de vendre la reconstruction comme le moteur de la croissance de l'économie haïtienne dans les prochaines années, MCJM fait la preuve que ce ne sera pas le cas, vu la faible capacité des firmes locales de construction, le déficit du pays en ressources humaines qualifiées et le fait que les gros contrats sont accordés à des entreprises étrangères. Quand le Premier ministre Laurent Lamothe promet à la population haïtienne de l'électricité 24 heures sur 24 d'ici le mois de juillet 2013, elle confie à Nancy Roc que cette promesse n'a été qu'un lapsus. Tant elle parait irréaliste. Quand le site d'information ivoirienne http://news.abidjan.net/h/455457.html rapporte les propos du Premier ministre haïtien, en visite en Côte d'Ivoire, selon lesquels « Haïti se porte mieux avec une croissance macroéconomique de l'ordre de 7 %», l'économiste Jean-Marie est contrainte d'indiquer le vrai taux de croissance de 2.8 % réalisé en 2012. Probité intellectuelle oblige ! Quand les pouvoirs exécutif et législatif se laissent tenter par des dépenses excessives, elle les rappelle à l'ordre en promouvant une certaine rationalité des dépenses publiques. Quand des membres du secteur privé formel des affaires faufilent directement au palais national pour solliciter le support du chef de l'État de façon informelle, MCJM suggère une institutionnalisation de ces rapports. Le contraste a donc été flagrant entre la ministre de l'Économie et des Finances et le pouvoir qu'elle servait. Ce contraste marque la démarcation entre le scientifique et le politique en Haïti. La rigueur du premier exige des éléments de preuve à ses affirmations. Tout au moins des statistiques à l'appui avec des sources crédibles bien identifiées. Alors que le second est beaucoup plus enclin à la propagande. À la manipulation des statistiques ou même des données fictives pour vendre une vision autre que la réalité des faits. Et quand, en outre, MCJM exige rigueur et abnégation, quand elle veut inscrire l'action gouvernementale dans le chemin vertueux du respect des règles prescrites par la bonne gouvernance et de la stabilité macroéconomique, qui, selon elle, est non seulement une condition nécessaire de la pérennité de l'action publique pour la création d'emplois, mais aussi pour restaurer l'image aujourd'hui dégradée d'Haïti tant à l'intérieur qu'à l'extérieur elle devient très vite indésirable dans un environnement politique où le maintien au pouvoir à tout prix est l'ultime objectif des dirigeants. L'ancienne ministre l'a confirmé : son rôle était très ingrat. Car, il est facile de prôner haut et fort le changement mais quand il faut passer à l'acte, quand il s'agit de réforme visant la transparence en matière d'allocation des fonds budgétaires et de la passation des marchés publics, on perd le soutien politique de son propre gouvernement, s'il faut croire MCJM. La difficile cohabitation science/politique en Haïti Le coup de grâce est très vite venu du sénateur Edwin Zenny, proche du président Martelly, qui affirme péremptoirement que MCJM était un obstacle au plan de l'administration Martelly/Lamothe. Il se montre encore plus tranchant en précisant qu'il y aurait boycott de la part de Mme Jean-Marie en ce qui concerne les actions de l'équipe en place en se basant uniquement sur le fait qu'elle avait fait campagne contre Martelly ; en fait, en faveur de Mirlande Hyppolite Manigat.
 Ainsi, selon le sénateur, le président Martelly a été trop démocrate en la choisissant pour ce poste et c'était un mariage contre nature entre le chef de l'État et MCJM. Comme si l'ancien sénateur Youri Latortue n'était pas un pilier de la campagne de Mme Manigat. Comme si l'ancien sénateur Joseph Lambert n'avait pas fait campagne acharnée en faveur de M. Jude Célestin. 
Pourquoi peuvent-ils être des conseillers spéciaux du Président et que MCJM ne pourrait pas occuper le poste de ministre de l'Économie et des Finances ? Rappelons que Mme Manigat a démenti, sur Majik 9 le jeudi 11 avril 2013, que MCJM avait fait campagne en sa faveur. Comme professionnelle de l'économie et de la finance, elle n'avait fait que prodiguer des conseils à la candidate Manigat. L'économiste très connu Pierre-Marie Boisson, PDG de la Sogesol, a confirmé sur Métropolis le 13 avril 2013 que MCJM faisait plutôt campagne pour Charles Henry Baker. Un sénateur pourrait donc mentir à tout un peuple juste pour salir une réputation et une crédibilité durement et chèrement acquises! L'autre argument du sénateur du Sud-Est est que le poste de ministre est politique et que certains ministères comme celui des finances doivent être contrôlés par le chef de l'État. Serait-ce le cas avec la nomination de M. Wilson Laleau à la tête du ministère de l'Économie et des Finances ? Contrairement à ce que pense le sénateur, avoir un ministre de l'Économie et des Finances qui dépense selon les caprices du chef de l'État est le meilleur moyen d'aboutir à la ruine du pouvoir en place. On constate ces derniers jours une dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain et une certaine accélération de l'inflation. Dépenser comme on veut dans une période électorale ne ferait qu'aggraver ces indicateurs de stabilité macroéconomique. Et les conséquences néfastes sur la vie chère sont à craindre. En ce sens, Mme Jean-Marie a plutôt rendu un énorme service à l'administration Martelly/Lamothe. Notamment en termes de crédibilité, tant en Haïti qu'à l'étranger. Car, aucun gouvernement ne peut perdurer s'il vient à perdre toute sa crédibilité. C'est bien de l'ingratitude de considérer MCJM comme un obstacle au « plan gouvernemental » si celui-ci visait la croissance et le développement économiques. Il faudrait avoir des informations sur ledit plan pour mieux comprendre les propos du sénateur. Les propos de M. Zenny démontrent que MCJM était en grand danger. Être considérée comme un obstacle au plan gouvernemental la prédestinait à toute forme d'élimination. Car, machiavéliquement parlant, l'homme politique doit éliminer tous les obstacles qui se dressent sur son chemin. La démission constituait alors la meilleure porte de sortie pour la ministre. Et on comprend combien la cohabitation science/politique peut être difficile et dangereuse en Haïti ! Excès de zèle du sénateur Zenny ? Est-il plus royaliste que le roi ? En tout cas, il n'a pas été désapprouvé par la présidence. Le président Martelly a cependant affirmé lui-même au micro de Wendell Théodore le vendredi 12 avril 2012 qu'il n'y a jamais eu de problèmes avec la ministre MCJM, que quand il avait des questions, il était toujours confortable avec les réponses de la ministre : «Les relations dépassaient les relations de travail. C'est comme une relation d'amour.» C'est une dame très intelligente, très performante, qui prend les décisions, a poursuivi le président qui prétend qu'il n'y a jamais eu de conflits entre MCJM et le président, ni entre MCJM le Premier ministre. Ce dernier avait lui aussi vanté le professionnalisme de MCJM. Pourquoi une démission si tout était si rose? se demande alors le chef de l'État avant d'y répondre lui-même : « Parfois cela arrive: un malentendu, une mauvaise interprétation, une décision rapide.» Mais elle aurait pu me voir, me parler, affirme le président. Double jeu ? Le chef de l'État indique que sa relation reste intacte avec MCJM qui « continue d'identifier là où il y a des lacunes, là où on doit avancer ». On peut tenir une relation de travail, une relation honnête, renchérit le Président. Le mot honnête est peut-être à souligner ! Les propos du président Martelly contrastent avec la version de son ami sénateur Edwin Zenny et le contenu de la lettre de démission de la ministre. Une autre preuve de la difficile cohabitation science/politique. Le milieu politique peut lancer des signaux contradictoires pour exprimer un même phénomène. Une cohabitation harmonieuse salutaire Si le couple science/politique semble être victime d'une sévère incompatibilité de caractère en Haïti, les pays qui ont réalisé des progrès économiques y arrivent à partir d'un dosage intelligent entre science et politique, et une application judicieuse de la science politique. Robert Solow, prix Nobel d'économie en 1987, a été conseiller du président américain John Fitzgerald Kennedy (20 janvier 1961- 22 novembre 1963). Les conclusions de ses recherches sur l'importance du progrès technologique sur la croissance et le développement économiques avaient poussé le président américain à investir massivement dans des projets technologiques au début des années 60. Les Etats-Unis en tirent les bénéfices aujourd'hui encore, avec notamment l'avènement de l'ère numérique et informatique. Walt Whitman Rostow, célèbre théoricien économique et politique américain, connu notamment pour ses travaux sur les étapes de la croissance économique, était lui aussi un important conseiller sur la sécurité nationale du président Kennedy et de son successeur Lyndon Johnson (1961-1969). Ces présidents comprenaient depuis cette période que la sécurité nationale était d'abord une question économique. Plus près de nous, Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie en 2001, était l'un des conseillers du président américain Bill Clinton entre 1995-1997 avant de devenir vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale de 1997 à 2000. Il a été désigné, de concert avec Amartya Sen, le prix Nobel d'économie en 1998, par le président français Nicolas Sarkozy pour conduire une réflexion sur le changement des instruments de mesure de la croissance économique française. Je ne fais pas ici de comparaison entre Mme Jean-Marie et les prix Nobel d'économie ci-dessus mentionnés. Loin de là. Je veux juste mettre l'accent sur la pratique politique moderne basée sur la primauté de la science, de la technique, des normes, de l'éthique et de la rigueur, et non sur les caprices d'un chef, d'un secteur ou d'un groupe. Quoique parfois en désaccord avec les présidents qu'ils conseillaient puisqu'ils prônaient des idées novatrices, les conseillers scientifiques cités n'étaient pas chassés mais plutôt écoutés. Comment peut-on devenir opposant ou élément de blocage politique rien qu'en faisant la promotion de la bonne gouvernance ? Le sénateur Zenny peut-il informer l'opinion publique sur les différents blocages de l'action gouvernementale occasionnés par Mme Jean-Marie et pour quelles raisons? Rappelons que moins de 48 heures après la démission de la ministre de l'Économie et des Finances, son ancienne collègue du ministère de la Communication, Régine Godefroy, a emboîté le pas, arguant qu'elle est dans l'incapacité d'exercer son devoir avec rigueur, honneur et intégrité. Des vertus qui semblent fuir le paysage politique haïtien. La politique économique du pays est conduite par le ministère de l'Économie et des Finances, de concert avec la Banque de la République d'Haïti (BRH), le sénateur Zenny voudrait-il dire que le président contrôle la BRH ou que le même sort sera réservé à son gouverneur s'il manifeste la moindre indépendance d'esprit et/ou d'action? Assistera-t-on aux funérailles de la nécessaire stabilité macroéconomique en Haïti? Attendons voir !
Thomas Lalime thomaslalime@yahoo.fr

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