lundi 5 octobre 2015

La conférence d’Addis Abeba sur le financement du développement

La conférence d’Addis Abeba sur le financement du développement
Bernard Etheart
5 Octobre 2015

Du 13 au 16 juillet 2015 les représentants des 193 Etats membres des Nations unies (ONU), dont une vingtaine de chefs d’Etat ou de gouvernement, en majorité africains, ont participé, à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie, à la troisième conférence sur le financement du développement.
Les deux premières conférences s’étaient tenues en 2002, à Monterrey (Mexique) et en 2008, à Doha (Qatar). La première avait abouti au « Consensus de Monterrey », qui avait posé des principes, et fixé l’engagement de 0,7 % du PNB pour l’APD (Aide Publique au Développement, dont 0,15 % à 0,20 % pour les pays les moins avancés (PMA). La Conférence de Doha, avait eu une portée plus modeste.
Il faut retenir que cette conférence est la première d’une série de trois qui doivent se tenir cette année et représentent trois moments décisifs :
-          le financement du développement à Addis-Abeba ;
-          la mise en œuvre des 17 Objectifs de développement durable (ODD) lors du sommet des Nations Unies à New York en septembre ;
-          et la signature à Paris d’un accord universel pour contenir le réchauffement sous la barre des 2°C, durant la COP 21, en décembre.
Le Programme d'Action adopté à Addis-Abeba comprend des engagements concrets dans six domaines essentiels :
-          la conclusion d'un nouveau pacte social pour l'investissement de qualité ;
-          l'augmentation de l'aide publique au développement et la mise en œuvre d'une banque de licences de technologie d'ici 2017 pour les pays les moins avancés ;
-          l'établissement de nouveaux mécanismes pour faciliter le développement, le transfert et la diffusion de technologies pertinentes dans le cadre de la réalisations des ODD ;
-          une plus grande coopération internationale en matière fiscale pour endiguer l'augmentation des flux financiers illicites ;
-          la reconnaissance de l'égalité des sexes au sein du programme de financement du développement ; et la protection de la planète, la biodiversité et le climat.
Il ne faut pas cependant croire que l’adoption de ce Programme d'Action fut une chose facile ; trois thèmes ont tenu les observateurs en haleine tant il paraissait difficile d’arriver à un accord. Ces trois thèmes étaient
-          la création d’un organisme fiscal intergouvernemental,
-          la responsabilité des pays du Nord dans le réchauffement climatique,
-          la part du secteur privé dans le financement du développement.
La création d’une véritable entité inter-gouvernementale au sein de l’ONU, on a parlé d’un « tax body », qui traiterait des questions fiscales pour lutter contre l’évasion fiscale était une demande forte de nombreux pays du Groupe des 77, qui rassemble 134 pays en développement et émergents mais aussi une demande portée très activement par la société civile. On peut comprendre cette demande quand on sait que, selon un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced), le recours de nombreuses multinationales aux paradis fiscaux feraient perdre chaque année près de 100 milliards de dollars de recettes fiscales aux pays en développement. Mais cette demande s’est heurtée à la fermeté des pays les plus riches, qui estiment que l’OCDE offre un cadre plus adéquat pour ce type de discussions et l’idée de « tax body » a été abandonnée.
En ce qui concerne le réchauffement climatique, le groupe des 77 aurait voulu que, dans la Déclaration finale, on parle explicitement de « responsabilités communes mais différenciées » histoire de rappeler aux pays développés leur responsabilité particulière en matière de dérèglement climatique et des conséquences qu’il faut en tirer. Mais finalement on a laissé ce point pour la COP 21.
Le troisième sujet qui fâche est l’Aide Publique au Développement (APD). Signalons qu’elle a atteint, en 2014, un niveau jamais atteint jusqu’ici, soit 134 milliards de dollars. Mais il faut aussi rappeler que les montants qui seraient nécessaires sont bien plus élevés ; on parle de 1.000 milliards, d’où l’idée de faire participer le secteur privé à cet effort, une idée qui en effraie plus d’un, on parle de « privatisation de l’aide publique ».
En conclusion, on se demande si Christian Reboul, responsable de plaidoyer financement du développement à Oxfam France, présent à Addis-Abeba, n’a pas raison de manifester une certaine déception : « L’espoir était grand au début de ces négociations de voir la Conférence d’Addis-Abeba poser les bases d’un monde plus juste. Il n’en est rien. L’accord intervenu cette nuit maintient un statu quo, qui satisfait les Etats les plus riches et le secteur privé qui voit son rôle renforcé et son action garantie par les pouvoirs publics, sans contrepartie en matière de responsabilité sociale, environnementale et fiscale ».
Bernard Ethéart

Lundi 5 octobre 2015

lundi 20 avril 2015

DES JOURNALISTES ASSOIFFES DE POUVOIR


DES JOURNALISTES ASSOIFFES DE POUVOIR
BERNARD ETHEART
20 AVRIL 2015

J’ai reçu cette semaine, par le truchement d’un de ces « réseaux sociaux » que je ne porte pas dans mon cœur, un éditorial avec ce titre : « Certains journalistes en Haïti sont-ils des assoiffés de pouvoir ? » En général, je ne m’attarde pas trop sur ce qui me vient de ce genre de source, mais cette fois-ci j’ai fait une exception, peut-être parce qu’il s’agissait de journalistes, mais certainement aussi parce qu’il s’agit d’un phénomène qui me désole : cette multiplication à l’infini de partis politiques – feu Marc Bazin parlait de « particules » - et de candidats.
Il est évident pour tout le monde que la malheureuse démocratie ne pourra pas fonctionner dans de telles conditions, mais nous persistons malgré tout à faire tourner la machine à fabriquer des « particules », donnant ainsi à ces amis qui nous veulent du bien une bonne raison de dire : « Vous voyez bien qu’ils sont incapables de se gouverner » et de justifier ainsi leurs permanentes immixtion dans nos affaires.
On se pose alors la question de la raison qui nous pousse à ce comportement suicidaire. Mon éditorialiste parle « de rêves fous voire de délires que l’on tenterait d’attribuer... à de la folie de grandeur » - je ne sais pas s’il connait ce nouveau développement du sigle d’un de nos partis en « Reve Domi Nan Palè ». Certes il y a du vrai là-dedans. Ne dit-on pas que chaque haïtien rêve de devenir président de la République ? Mais il n’y a pas que cela.
Dans un éditorial au sujet du récent naufrage d’une embarcation transportant des boat people lu sur Mélodie et publié dans Haïti en Marche (Vol. 29 # 13 du 15-21/04/2015), Marcus pose la question : « Qu’est-ce qui pousse les Haïtiens à risquer ainsi leur vie ? » Il cite quatre facteurs : la misère, le désespoir, la bêtise, l’impatience. En l’entendant parler, j’ai retenu le second facteur : le désespoir. Cela m’a ramené aux années 80 ; quand on discutait pour savoir s’il fallait considérer les Haïtiens arrivant en Floride dans leurs « canter » comme des réfugiés politiques, auquel cas ils avaient droit à l’asile, ou des « réfugiés économiques », auquel cas … yo te nan ka.
Je crois qu’à l’époque on est passé à côté du vrai problème. Certes, il y avait de ces réfugiés qui fuyaient la persécution politique, certes il y en avait, probablement bien davantage, qui fuyaient la misère, mais je crois qu’il na faut pas sous-estimer le désespoir, ce sentiment, comme le dit Marcus, que « L’horizon est vide de quelque côté qu’on se retourne ». Cela expliquerait que l’on voie des jeunes, qui ne sont pas poursuivis pour leurs opinions, qui ne sont pas vraiment dans la misère, qui ont même un métier, et qui prennent la décision de s’en aller. Leur horizon est bouché.
Je pourrais continuer en citant des tas d’exemples, mais je voudrais revenir à mon sujet : la ruée vers les postes politiques. Car elle relève, au moins en partie de ce même sentiment de désespoir. Vous pensez que j’exagère ; et pourtant. Cela fait déjà quelque temps que j’observe un jeune que nous avons connu comme responsable d’une organisation paysanne ; un garçon intelligent, que nous avons encouragé à faire des études. Il a obtenu son bac, s’est inscrit à l’école de droit, maintenant le voilà avocat. On l’appelle « Maitre », mais en dehors de cela, sa situation n’a pas beaucoup changé, et depuis quelque temps on sent qu’il est à l’affut d’une position politique. Cela fait un bon bout de temps que je ne l’ai pas rencontré ; je ne sais pas s’il est candidat à quelque chose, mais cela ne m’étonnerait pas.
Mes contacts avec pas mal de jeunes, surtout à travers mon émission de radio, m’ont permis de faire le même constat dans le milieu urbain. Plusieurs sont venus me confier leur envie de se présenter comme candidat à n’importe quoi. J’essaie bien sur de les en dissuader mais je n’ai rien à leur proposer. Vous voulez changer la situation ? C’est très facile. Créez un climat qui « libère les forces productives », pour employer un certain jargon ; créez un environnement des affaires qui permette à ces jeunes de s’investir et d’investir dans des activités économiques pour lesquelles ils se sont préparés ; et vous verrez qu’ils n’ont rien à faire de vos postes politiques.
Pour revenir à notre éditorialiste, j’ai envie de lui demander pourquoi les journalistes devraient faire exception. Eux aussi voient leur horizon bouché. Vous nous dites : « Les déclarations récentes de plusieurs journalistes annonçant leur candidature pour les prochaines présidentielles représentent la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Un coup amer au noble métier du journalisme ! » Êtes vous certain que ce sont ces déclarations qui portent un coup au métier de journaliste, ou n’est-ce pas la précarité du métier qui mène à ces déclarations ?
Vous l’avez dit vous-même, « La presse va mal en Haïti : ce n’est pas du nouveau; disons tout bonnement que le problème s’amplifie chaque jour! », et plus loin vous nous avez dit ce qui rend sa situation de plus en plus difficile : « Grâce à l’internet nous n’avons plus à dépendre uniquement d’eux : il n’existe plus de grands médias, les nouvelles technologies de communication les dépossédant de leur pouvoir absolu.De nouvelles pratiques médiatiques, tel le blogue, apparaissent de plus en plus comme un mode privilégié d’expression ; le blogue qui fait aussi partie de ce qu'on appelle «journalisme citoyen» modifie les rapports entre l’exclusivité d’information et le monopole de l’information. À cela viennent s’ajouter les autres médias sociaux tels que le Facebook, Twitter, Instagram etc...
Pour finir une question : les média sociaux sont-ils exempts de cette atmosphère de tohu-bohu journalistique que vous condamnez ?
Bernard Ethéart

Lundi 20 avril 2015

Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles?

  Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles? Hugues Joseph J'ai repris ce texte Publié le 2018-03-12  par  Le Nouvelliste. Je...