jeudi 22 novembre 2018

Haïti doit changer de système

Haïti doit changer de système
LOUIS NAUD PIERRE, PhD
Le National, 17 Septembre 2018
L’objet de cet article est de mettre en évidence les mécanismes de reproduction du système de prédation instauré à l’époque coloniale. Système qui constitue la source des principaux maux constitutifs du malaise vécu par la population haïtienne, toutes couches sociales confondues. Parmi ces maux, les principaux sont : un processus de paupérisation croissant de la société, la rareté des services essentiels (eau, énergie, transport, nourriture, logement, gestion des déchets, assainissement, éducation, santé, accès au droit et à la justice, etc.), l’exclusion, l’inégalité et l’insécurité multiforme, sans compter la perte d’indépendance et de souveraineté nationale. Ce système contredit donc le désir de progrès économique et social tel qu’exprimé par la population, et ceci doléances après doléances. Il s’agit de permettre de mieux comprendre le fonctionnement de ce système, et des stratégies mises en oeuvre par les élites traditionnelles pour le perpétuer. Cette compréhension est la condition sine qua non pour que les projets et politiques publiques viennent répondre à des enjeux et des besoins de réformes relatives à la transformation de ce système vers un système de production de richesse, en rapport avec l’impératif d’amélioration des conditions d’existence individuelle et collective érigé en finalité. 
La continuité entre le système de prédation colonial et le système haïtien 
Un système comporte quatre variables fondamentales : 1) une finalité ; 2) un ensemble d’interactions entre des éléments ; 3) les règles organisant cet ensemble en fonction de ladite finalité ; 4) les mécanismes de pouvoir ou de contrôle de l’application de ces règles. La première variable, dite finalité, est théorisée par Norbert Wiener en termes de cybernétique (1948) : la théorie des communications et du contrôle aussi bien dans les êtres vivants, les sociétés et les machines. Un système se définit par sa finalité. Celle-ci sert à : orienter l’organisation en interne, servir de guide aux comportements, commander chaque processus dans le sens de l’atteinte des résultats visés. Les trois dernières variables constituent l’objet de la sociologie des organisations développée, entre autres, par Erhard Friedberg (Le Pouvoir et la Règle, 1993), Michel Crozier (L’acteur et le système, 1977). 
S’agissant plus spécifiquement de la finalité propre au système haïtien, il faut noter les expériences socio-historiques associées à la dynamique du colonialisme : la colonie de Saint- Domingue s’inscrit dans la stratégie globale des États occidentaux qui cherchent, à partir de la fin du XVe siècle, à trouver des matières premières pour développer leur industrie naissante ainsi que des débouchés pour ses produits. C’est ainsi qu’ils ont entrepris de coloniser des pays dont ils s’approprient les ressources. La prédation s’érige ainsi en finalité de l’entreprise coloniale : un échange dans lequel une partie parvient à dérober le bien (marchandise, service, somme d’argent, matières premières) de l’autre partie, donc sans lui donner quelque chose d’équivalent ; et ceci soit par la force, soit par la ruse, soit par des astuces commerciaux, soit par d’autres stratagèmes (vente de produits contrefaits, suppression de la concurrence, exercice de tutelle, etc.). La prédation présuppose le refus de produire et de donner l’équivalent de ce qui est reçu d’un tiers. C’est la destruction de tout sentiment d’obligation, de devoir et de responsabilité envers autrui. 
La prédation coloniale s’énonce ainsi : « Tout par pour la métropole ». Trois règles fondamentales organisent les interactions entre les représentants de la métropole et les habitants des colonies : le monopole commercial des compagnies coloniales (droit attribué au commerçant français d’approvisionner exclusivement les colonies et d’en exporter seules les productions) ; 2) l’interdiction de développer l’industrie de transformation des matières premières locales ; 3) la dépendance politique (droit de la métropole de nommer les autorités politico-administratives de la colonie). Au fond, comme le soutient le baron Alexandre-Stanislas de Wimpffen, la finalité de toutes les colonies est de « servir de jouet aux caprices, de pâture aux besoins, de proie à l’avidité de leur métropole, de son fisc, de ses traitants, de ses marchands, de ses compagnies, de ses intrigants accrédités » [Alexandre-Stanislas de Wimpffen, 1993 (1797)]. 
Dans le cas d’Haïti, le problème fondamental est celui de la survivance du système de prédation colonial. Mais comment se manifeste cette survivance ? De quoi est-elle faite ? En quoi ce système constitue-t-il la principale source de malaise vécu par la population ? Y a-t-il un moyen d’en sortir ? 
L’idée explorée dans cet article est la continuité entre le système de prédation colonial et le système haïtien. Les élites traditionnelles endossent les mêmes rôles que les représentants de la métropole : d’une part, celui d’entremetteur entre les besoins de débouchés de l’industrie occidentale et la demande de consommation nationale ; d’autre part, celui de la répression sociopolitique. La conséquence en est la prédominance de l’importation et l’abandon de toutes perspectives de production. Changer de système signifie la remise en cause de la logique de prédation, et des règles organisant les interactions politiques, économiques et socioculturelles en conséquence. Ce changement présuppose l’adoption d’une logique de production, laquelle présuppose l’amélioration des conditions d’existence individuelle et collective comme finalité de l’action humaine
La survivance de la logique coloniale 
Certes, la Révolution de 1804 a consacré la fin de la colonisation et de l’esclavage. Mais, cette fin se limite aux textes. Dans les têtes, la logique coloniale demeure. Ce problème est mis en évidence dans de nombreux travaux en sciences sociales consacrés à ce pays. Parmi ces travaux, il convient de citer : Jean Price-Mars, La vocation de l’élite (1919) ; Laënnec Hurbon, Comprendre Haïti (1987) ; Gérard Barthélemy, Le pays en dehors (1989) ; Mats Lundahl, « History as an obstacle to change : the case of Haïti » (1989) ; Lesly Péan, Haïti, Economie politique de la Corruption (4 tomes, 2000-2007) ; Louis Naud Pierre, Haïti, les recherches en Sciences sociales et les mutations sociopolitiques (dir., 2007). Cette survivance est attestée à travers l’actualité des règles organisant les interactions en vue de la prédation. 
En premier lieu, le monopole commercial de la métropole est remplacé par celui d’une minorité. Celle-ci exerce de fait le droit d’approvisionner exclusivement le pays qui dépend à plus de 75 % des produits importés pour la consommation nationale. Il s’agit d’un droit de la force, ou droit du plus fort, lequel refoule et supprime le droit légal-rationnel de facture moderne. Le monopole est maintenu grâce à une double stratégie. La première est la prise de contrôle des ports et des douanes qui deviennent ainsi les lieux par excellence où s’exerce la répression de la concurrence : des concurrents vont jusqu’à préférer abandonner leur marchandise à la douane, en raison des brimades qu’on leur impose. La seconde stratégie consiste en l’usage de la violence visant à contraindre un nouvel arrivant sur le marché à renoncer à ses activités. 
En second lieu, les activités de production sont interdites de facto. Cette interdiction est liée à la mise en oeuvre d’une double stratégie. La première est le verrouillage du système de crédit. Les propriétaires sont de plus en plus nombreux à renoncer à l’exploitation de leurs terres agricoles, ceci faute de financement de l’achat d’intrants et de l’outillage approprié. Les artisans ne peuvent pas développer leurs entreprises pour les mêmes raisons. La capture de l’État permet de faire le reste : dresser des obstacles devant tout investisseur orienté vers la production. La seconde stratégie est le financement des entreprises de déstabilisation du pouvoir. Le but est de créer un chaos dissuasif pour les porteurs de projets industriels qui requièrent une vision et une planification sur le long terme. 
Enfin, la dépendance est inhérente et essentielle au système de prédation. Sur le plan commercial, les produits alimentaires et manufacturés écoulés sur le marché national sont, on l’a vu, importés dans une large mesure. Par ailleurs, il convient de noter que le financement de la consommation de ces produits est lui-même assuré, pour plus de 2/3, par des transferts internationaux : aides bi- et multinationales, aides humanitaires, transferts de la diaspora, ainsi de suite. Au niveau politique, l’aspiration des élites politico-économiques traditionnelles se résume à la jouissance de tous les avantages qu’offre leur position dominante conservée avec le concours de quelques puissances de tutelle, ceci en échange de leur collaboration à l’entreprise de pillage du pays. Le renoncement à tout projet national, implique chez ces élites l’anéantissement de la conscience identitaire, du sens de responsabilité et d’engagement en faveur des idéaux portés par la Révolution de 1804. 
Ici, la prédation se manifeste par le fait que l’argent gagné dans les opérations commerciales violentes (fraudes, vente de produits périmés, contrefaits, à des prix excessifs, surfacturation de l’État, etc.) n’est pas réinvesti dans l’économie nationale. Il est, pour la plus grande part, placé dans des banques domiciliées dans les puissances de tutelle dont il finance le développement ; le reste finance la consommation personnelle et familiale. 
Le propre de ce système de prédation est, comme le montre Samuel Pierre dans un article intitulé « Une Haïti nouvelle est possible », paru dans Le Nouvelliste en date du 04 septembre 2018, d’engendrer une situation où : « une infime minorité confisque sans partage la grande majorité de la richesse nationale, laissant dans une misère infrahumaine un nombre grandissant de concitoyens et au mépris de la solidarité sociale qui sert de ciment à toute société conviviale ». D’où le malaise central de la société haïtienne. Malaise qui s’exprime par une attitude de méfiance et d’hostilité de tous envers tous. 
En effet, sur les 12 millions d’habitants, environ 6,3 millions (58,9 %) ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins essentiels, dont 2,5 millions (23,8 %) vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 1,50 dollars par jour. Ces chiffres devraient augmenter d’année en année, compte tenu du déphasage de la croissance démographique (1,5 % par an) avec la croissance économique dont le taux tend vers 0. Le déséquilibre croissant ressources-population constitue une source d’inquiétude générale. Ce qui enferme toutes les couches sociales confondues dans un délire de peur : peur de la perte de son monopole commercial, peur de la concurrence et de la compétition économique, peur des risques de l’existence (accident, maladie, etc.), peur de manquer, peur du lendemain. L’insécurité inhérente au chaos sociopolitique ne fait qu’attiser ces peurs, avec en conséquence l’inscription des individus dans un registre purement instinctif et déshumanisé. Et tout se passe comme s’ils n’obéissent qu’à la seule loi biophysiologique. 
Pour durer dans le temps, ce système de prédation met en branle des mécanismes de répression sociopolitique. L’objet de cette répression est l’affaiblissement de la capacité de réaction de la population. 
La répression sociopolitique 
La répression sociopolitique repose sur trois règles fondamentales: 
La première est la diversion qui consiste à pointer des boucs émissaires au public. Il s’agit, à chaque fois, de désigner un individu, un groupe social, pour endosser la responsabilité du malaise engendré par le système de prédation ; faute pour laquelle les agents désignés sont, comme le démontre René Girard dans Le Bouc émissaire (1986), totalement ou partiellement, innocents. Au cours de ces cinquante dernières années, à chaque poussée de crise politique liée à ce malaise, les tenants du pouvoir sont vite choisis pour jouer ce rôle de Bouc émissaire. Ce phénomène émane de motivations multiples. Dans certains cas, ces motivations sont conscientes ; elles relèvent donc d’une stratégie de dilution de responsabilité. Dans d’autres cas, les motivations s’avèrent inconscientes. Il est ici question de mécanismes de défense destinés à protéger le système contre des réactions de remise en cause radicale au sein de la population ; l’attention est alors détournée vers certains de ses effets secondaires, tels que : les arbitraires et la corruption des dirigeants. La stigmatisation de ces derniers permet d’éviter le procès du système de prédation et de ses effets sur le malais général. 
La seconde règle met en exergue la stratégie d’intoxication de l’opinion publique par la propagation de fausses informations ou par la pratique systématique de l’information tendancieuse. L’affaire Petrocaribe en est une bonne illustration. Force est de constater que le montant des fonds en question fait l’objet de toutes les manipulations. Il faut montrer l’énormité des dommages dus aux malversations, et leur impact sur le malaise général. Ici, deux remarques s’imposent. Primo, parmi les personnes citées dans le rapport de la Commission anti-corruption du Sénat, seuls quelques-unes sont visées par la dénonciation « populaire » qui les fait passer pour des ennemis du peuple ; la grande majorité est oubliée. Secundo, le lien avec le système de prédation global est passé sous silence ; système qui est fait de monopole commercial, de franchises douanières et fiscales, de contrôle des ports et des douanes, de main mise sur les marchés publics, de verrouillage du crédit, de capture de l’État, ainsi de suite. Ce n’est visiblement pas la transformation du rapport de prédation qui est visée. Le but se limite à la désignation de quelques figures emblématiques chargées fictivement des maux (notamment la corruption, la prévarication, etc.) dont la société aimerait se débarrasser pour se croire normale. 
La troisième règle concerne l’intimidation. Il s’agit d’une pression qui revêt diverses formes, telles que : les campagnes de salissage et de diffamation qui créent un sentiment de crainte, conduisant un nombre grandissant de citoyens à renoncer à la participation aux affaires publiques. De nos jours, de puissants groupes de pression, par des agents interposés, identifiés et financés, transforment les médias traditionnels aussi bien que les médias sociaux en lieux de menace, de harcèlement, ou de nuisance à la réputation de personnalités publiques jugées dangereuses pour leurs intérêts. D’où la corruption de l’espace public haïtien et l’impossibilité d’y faire entendre une parole rationnelle et progressiste. 
Les forces répressives traditionnelles sont ainsi remplacées par des pseudo-directeurs d’opinion et de conscience. La fonction de ces derniers consiste à semer la confusion, à rendre ainsi incompréhensibles les mécanismes de prédation qui, précisément, accompagnent le processus de paupérisation croissante auquel la population haïtienne est assujettie : diversion, intoxication, intimidation se substituent à l’information, à l’analyse ou l’expertise scientifique et technique. Les citoyens sont ainsi condamnés à l’ignorance des vrais enjeux des luttes politiques. 
Construire une nouvelle finalité 
Le système de prédation hérité de l’époque coloniale atteint aujourd’hui ses limites. En témoigne le développement des maux constitutifs du malaise général. La réaction à ce malaise donne lieu à des comportements inimaginables de cupidité, d’agressivité, parfois d’une grande férocité. En conséquence, c’est la transformation de l’espace social haïtien en un véritable champ de bataille où règne la loi du plus fort, du plus rusé ou du plus habile, et donc où les pervers sont rois. 
Cette dégradation morale apparaît comme le symptôme de l’inadaptation du système de prédation aux profondes mutations que subit la société haïtienne au cours de ces cinquante dernières années. L’inadaptation signifie que le système est incapable de générer des interactions dans le sens de la prise en charge des nouveaux problèmes associés à deux grandes séries de phénomènes constitutifs de ces mutations : d’une part, l’explosion démographique, la forte migration interne et externe, l’expansion de l’urbanisation, le changement climatique ; d’autre part, l’insertion dans la dynamique de mondialisation, l’adoption de la démocratie et de l’économie de marché, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). 
La capacité de traitement des nouveaux problèmes politiques, économiques et socioculturels, associés à la grande transformation de la société haïtienne nécessite de changer de système. Cette nécessité présuppose de construire une nouvelle finalité, en l’occurrence : l’amélioration des conditions d’existence individuelle et collective, ce qui suppose la création d’un environnement favorable à la production servie par le travail et l’industrie. La construction et l’adhésion populaire à cette finalité passent par le dialogue national. 

L’objet du dialogue national est de construire la confiance en ravivant le sens de soi et des autres. Construire la confiance suppose de réhabiliter la dimension d’appartenance consentie à un collectif. C’est cette conscience d’appartenance qui fonde le sentiment d’obligation, de devoir et de responsabilité envers les autres membres. Ainsi, le travail et l’industrie cesseraient d’être vécus comme des nécessités associées aux besoins de survie personnelle ; ils constitueraient des formes d’engagement en faveur de l’amélioration des conditions d’existence individuelle et collective, et donc des valeurs. 

lundi 12 novembre 2018

Bolsonaro, un danger pour la planète



BOLSANARO, UN DANGER POUR LA PLANETE
BERNARD ETHEART
Miami le 11 novembre 2018

Au début du mois j’ai trouvé dans ActuEnvironnement, à la date du 08 novembre 2018, un article d’Agnès Sinaï avec pour titre : « Le poumon vert de la planète menacé par l'élection du nouveau président du Brésil ». De tous les articles que j’ai pu lire au sujet de ces dernières élections au Brésil, celui-ci était le premier à se focaliser sur les conséquences qu’elles pourraient avoir sur l’environnement. J’ai donc sauté dessus, pour mon bénéfice personnel, mais aussi pour mes lecteurs, si tant est que j’en ai.

Et si vous me demandez, quel est l’intérêt de la chose, je vous dirai, avec Agnès Sinaï : « Le Brésil n'est pas un pays comme les autres … ».Écoutez ceci : « Le Brésil est le cinquième plus grand pays du monde, après la Russie, le Canada, les États-Unis et la Chine. C’est le troisième plus grand pays en Amérique, derrière le Canada et les États-Unis. C’est le plus grand État d’Amérique latine. Avec une superficie de 8.514.876 km2, il couvre près de la moitié du territoire de l'Amérique du Sud (47,3 %). Il partage des frontières avec, sur la côte caraïbe : le Venezuela, le Guyana, le Suriname et la France (par la Guyane), du côté des pays andins : la Colombie, le Pérou, la Bolivie, du côté des pays de La Plata : le Paraguay, l'Uruguay, l'Argentine, autrement dit, avec tous les pays du sous-continent sauf le Chili et l'Équateur ».

En 2017, selon le FMI, le PIB du Brésil s'élevait à 2.054 milliards de dollars américains, ce qui en fait la huitième puissance économique mondiale. Avec la Chine, l'Inde ou la Russie, le Brésil est considéré comme un des rares pays à présenter le potentiel pour devenir un jour une superpuissance mondiale. Ce n’est donc pas par hasard qu’il est membre du BRICS ce groupe de pays (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qu’on a vu pendant un certain temps comme appelés à prendre la place des poids lourds traditionnels (Etats Unis, Allemagne, Japon, Grande Bretagne, France).

Mais tous ces chiffres ne suffisent pas à expliquer l’intérêt que nous portons au Brésil. Pour le comprendre, il faut reprendre dans son intégralité la phrase d’Agnès Sinaï que j’avais citée au début : « Le Brésil n'est pas un pays comme les autres en matière d'environnement. Il abrite les trois cinquièmes de la surface de l'Amazonie. … La plus grande forêt tropicale au monde … ».

Et une autre source confirme : « Recouvert en partie par l'Amazonie, le plus grand bassin forestier de la planète, le Brésil fait partie des dix-sept pays les plus riches du monde par sa biodiversité. Le vaste territoire du Brésil comprend différents écosystèmes, tel que la forêt amazonienne, réputée pour être la plus grande forêt tropicale de la planète et celle qui renferme le plus grand réservoir de biodiversité. »

Voilà qui nous ramène au thème de la biodiversité dont nous avons parlé il y a quelques semaines (voir La biodiversité menacée 1, 2, 3 et 4, Vol. 32 # 35, 36, 37, 38) et cette référence à la richesse de la biodiversité de la forêt amazonienne est déjà un argument majeur en faveur de la protection de cet écosystème.

Mais  il y a plus. En effet, « … la forêt tropicale entrepose une quantité importante de carbone. La destruction rapide de ces forêts contribue significativement aux changements climatiques, étant donné qu'une grande partie du dioxyde de carbone est évacuée lorsque la biomasse de ces forêts est brûlée pour la fertilisation des sols. »

Et ce n’est pas tout. On sait, en effet, que les forêts ont la propriété de fixer, par le mécanisme de la photosynthèse, le gaz carbonique (dioxyde de carbone) de l’atmosphère, réduisant ainsi la quantité de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère et de grandes forêts, comme celle de l’Amazonie, ou les forêts tropicales de l’Asie du Sud-Est, ont un rôle important dans le contrôle du réchauffement climatique. C’est dans ce sens qu’Agnès Sinaï a parlé dans l’intitulé de son article de « poumon vert de la planète »

Or qu’est-ce que nous apprenons ? « La forêt amazonienne connaît un taux de déforestation extrêmement rapide qui menace cet écosystème. Les principales causes en sont l’élevage bovin (80 % de la surface déboisée), la coupe de bois destiné à la construction, et l’agriculture dont la culture de café, de canne à sucre et de soja. … Déjà 17 % de la forêt a été rasée à ces fins et la destruction continue à une vitesse alarmante. La déforestation cause la fragmentation ou la disparition complète d'habitats et beaucoup d'espèces y sont sensibles. … La déforestation a connu une régression à partir de 2004 mais est repartie à la hausse après la destitution de la présidente Rousseff en 2016. »

Bernard Ethéart
Miami le 11 novembre 2018

jeudi 8 novembre 2018

Message du président René Garcia Préval au peuple haïtien 9 avril 2008


Merci a Alain Thermil qui m'a permis de retrouver ce message du President Preval du 9 Avril 2008. Lisez-le avec attention et vous comprenez que plus ca change et plus c'est la meme chose. Unissons-nous pour sauver notre pays. JR JEAN-NOEL


Message
du président René Garcia Préval au peuple haïtien
9 avril 2008

Depuis quelques jours, de grandes manifestations, de fortes tensions contre la vie chère, sont constatées dans les rues.

Par respect pour vous qui souffrez, par respect pour moi-même qui ne peux vous mentir, je vais vous parler avec franchise. Nous allons parler en adultes.

La vie chère que connaît aujourd’hui le peuple haïtien, sévit aussi dans un tas d’autres pays sur la planète. Les pays riches comme les pays pauvres font face à la vie chère. Lors même que les pays riches arrivent à la supporter, cela ne les empêche pas de manifester. En ce qui concerne les pays pauvres – n’en parlons pas – partout au Maroc, Burundi, Cameroun, Cote d’Ivoire, Sénégal, l’Egypte etc., vous vous informez certainement, c’est le même cri. Ce sont les mêmes manifestations contre la vie chère.

Mais nous Haïtiens, qu’allons-nous faire face à cette situation ?
Est-ce que les actes tels qu’enflammer des pneus, casser et piller les magasins, casser des voitures, feront baisser les prix des produits consommation en Haïti ?  Est-ce que tout casser, tout briser fera baisser les prix des produits que nous importons de l’étranger ?

En 2007, l’année dernière, les prix des produits de consommation ont augmenté de 50% sur le marché international. Le prix du blé, à partir duquel on obtient le pain, le prix du riz, du mais, de l’huile, a doublé, triplé même pendant les deux années qui viennent de s’écouler.

De 1998 à 2008, le prix du pétrole est passé de dix dollars ($10) le baril à plus de cent dollars (100$) le baril, et le prix ne cesse d’augmenter chaque jour. Le prix du ciment, du fer, augmente à une vitesse qu’on n’a pas encore vue. Si les prix augmentent sur le marché international, ils vont aussi augmenter en Haïti. Parce que nous dépendons des importations.

Si l’on vous dit que les prix sur le marché international vont baisser, répondez que c’est un mensonge.  Je vous donne la garantie que c’est un mensonge.

Alors, quelle est la solution pour nous autres en Haïti ?
-        Est-ce que la solution consiste en la non-taxation du fer, du ciment, de la gazoline. Si c’est cela la solution, avec quoi, dites-moi, allons-nous construire des routes, des écoles, des hôpitaux, etc. ?
-        La solution consiste-telle en la non-taxation du riz et des autres produits de consommation importés de l’étranger ? Si c’est ainsi, nous aidons les produits venus de l’étranger à continuer à détruire ce qui reste de notre production nationale.

En 1987, quand nous avions fait entrer dans le pays du riz à bon marché, beaucoup avaient applaudi. Le riz étranger à bon marché a dévalorisé le riz de l’Artibonite. Aujourd’hui, le riz importé est cher alors que notre production nationale est en quelque sorte détruite. Ce qui augmente encore notre misère.

Ainsi, la solution ne réside pas dans la subvention des produits de consommation en provenance de l’étranger.

Aujourd’hui, nous sommes en train de payer le prix d’une politique de plus de 20 ans d’application.

Laissez-moi vous dire ce que je vois comme solution.

Au lieu de subventionner des produits de consommation importés, subventionnons notre production nationale agricole.  Au lieu de subventionner les produits importés, subventionnons notre production agricole nationale.  Nous sommes maintenant en saison pluvieuse, beaucoup de paysans ne peuvent planter en raison du cout élevé de l’engrais. Je propose que l’Etat haïtien subventionne le prix des engrais afin que les paysans puissent acheter de l’engrais à moitié prix ou moins encore. Pendant que les paysans s’adonnent à l’agriculture, l’Etat peut leur donner du travail comme par exemple, le nettoyage des canaux partout où c’est nécessaire. Ainsi, les paysans auront de l’argent en main en attendant la récolte.

Je propose, qu’après la récolte nous subventionnions la vente du riz – local bien sur – afin qu’il se vende à un prix compétitif. La vente de ce riz peut se faire au travers de centres de distribution bien organisés.

Aujourd’hui, le pays importe 360,000 tonnes de riz  par an à raison de 750 USD par tonne. C'est-à-dire que 270 millions de dollars laissent le pays chaque année pour acheter du riz à l’étranger. Aujourd’hui, Haïti produit 90,000 tonnes de riz. Et si nous nous mettions à produire quatre fois plus, ce qui est possible, nous arriverions à remplacer le riz importé par le riz national. Ainsi, les 270 millions de dollars par an qui constituaient le coût d’importation du riz étranger, resteront ici chez nous, pour les paysans.

Je le répète, nous n’avons pas de problème à subventionner la vente du riz national afin de réduire son coût. Une solution donc, pour baisser le prix du riz, c’est la subvention du riz national, pas du riz importé.

Prenons un autre exemple. Il y a un problème d’œufs de nos jours. Haïti importe 360 millions d’œufs par an pour environ neuf (9) millions de dollars. Avec cette crise du manque d’œufs, le ministère de l’Agriculture a lancé un programme qui permet de produire actuellement quelques trois millions d’œufs par an. Et dans un an, ce programme permettra de produire trois cent millions d’œufs par an. Donc, presque la même quantité que celle que nous importons annuellement.

De même que pour le riz, nous n’avons pas de problème pour aider à ce que ces œufs se vendent moins cher sur le marché national, nous n’avons pas de problème pour les subventionner, ce qui baissera le prix des œufs.

De même au lieu d’importer des ailes de poulets, pourquoi ne pas relancer la production des poulets chez nous et en même temps, produire des œufs afin que le prix des œufs se réduise ?

Nous pourrons avoir d’autres exemples comme celui des Lèt agogo, les poissons qui se produisent dans nos lacs, que l’Etat peut subventionner afin qu’ils se vendent moins chers.

Voila la solution durable : la production nationale, la subvention des produits locaux.

Peuple haïtien, résoudre le problème de la faim, ce n’est pas seulement réduire le coût de la nourriture. Mais c’est aussi permettre aux gens d’acheter plus de nourriture avec l’argent qu’ils ont en main, parce que le prix d’autres choses, aussi importantes, est accessible, comme le coût du transport, de la santé, de l’école.

Pour baisser le prix de la santé et de l’école, il faut qu’il y ait plus d’hôpitaux, plus d’écoles. Pour réduire le prix du transport, il faut que l’Etat organise un système de transport public, comme « Service Plus ». Pour réduire le coût du transport, il faut de bonnes routes, des routes en bon état, qui ne détruisent pas les véhicules. Une livre de viande vaut deux gourdes dans certaines villes de province et à Port-au-Prince, elle coute 15 gourdes, à cause des mauvais états des routes. Si on a de bonnes routes, le prix de la nourriture sera réduit assurément. Nous devons donc remettre CNE en marche et travailler rapidement à la construction de routes afin que la nourriture arrive, des provinces à la capitale, avec plus de facilité, comme auparavant.

Peuple haïtien, nous devons résoudre les problèmes entre nous. Je vais parler aux importateurs afin de voir ce qu’ils peuvent faire sur le prix des produits même si ce n’est pas beaucoup. Nous demandons aussi à tous les fonctionnaires publics qui gagnent plus de 30,000 gourdes de donner plus de 10% de leurs salaires pendant une période, afin d’aider les plus défavorisés. Ce n’est que dans la solidarité l’un envers l’autre que nous trouverons les meilleurs résultats.

L’Etat vient d’octroyer à tous ses fonctionnaires 35% d’augmentation salariale. Aujourd’hui, vous autres qui avez reçu cette augmentation, nous vous demandons de faire preuve de solidarité avec ceux qui ont moins. Cela les aidera pendant ces moments difficiles.

Je demande aux ministres et aux hauts fonctionnaires de l’Etat, de s’efforcer de dépenser le moins que possibles s’agissant des voyages et autres dépenses qui ne sont pas nécessaires. Solidarité entre nous.

Je demande à tous les citoyens qui doivent payer leurs taxes, de remplir leurs devoirs patriotiques afin que l’Etat puisse trouver de l’argent pour aider les plus défavorisés.

Les problèmes sont difficiles et existent depuis longtemps en Haïti. Les problèmes sont difficiles et, aujourd’hui, ils sont mondiaux.

Ce n’est pas dans les promesses démagogiques ni les solutions économiques faciles ni les manifestions désastreuses qu’ils vont être résolus. Au contraire. Les promesses démagogiques entrainent que plus de frustrations quand les résultats escomptés ne n’aboutissent pas. Les promesses qui ne sont pas tenues entrainent plus de colère.

Les décisions économiques faciles, comme ôter les taxes sur les produits alimentaires importés, ne feront qu’aggraver les choses. Puisque ca ne fera que détruire la production nationale.

Les manifestations désastreuses ne font qu’aggraver la misère des plus pauvres. Les manifestations ne feront pas baisser le cout de la nourriture au contraire elles l’augmenteront. Les manifestations empêchent les investissements qui pourraient créer de nouveaux emplois dans le pays.

J’en profite pour féliciter la PNH et la MINUSTAH qui ont beaucoup aidé pendant ces journées difficiles.

J’exprime mes sympathies à ceux-là qui ont perdus leurs biens, mes condoléance aux familles qui ont perdus des parents.

Peuple haïtien, je comprends votre colère et votre désespoir face à la cherté de la vie. Par respect pour vous, je vous dis la vérité. Je vous propose des solutions, des solutions durables. Prenons la route du développement durable, la route qui commencera par nous tirer de nos problèmes, aujourd’hui, et qui tirera nos enfants et nos petits enfants de leurs problèmes, demain, plus tard. Cette voie est la voie nationale. La Subvention de la production nationale, la subvention de la consommation nationale. Subvention pendant un certain temps pour soulager afin de soulager la misère et la faim.

Pour ce faire, il faut reprendre le chemin de la paix. Il faut travailler ensemble. Après les élections, nous avons mis en place un gouvernement qui a mené à la stabilité politique. Aujourd’hui nous pouvons réfléchir sur le moyen d’ouvrir la participation politique dans le gouvernement et dans les fonctions publiques. C’est aussi le moment d’évaluer le travail de ce gouvernement.

Peuple haïtien, vous qui souffrez, vous qui êtes dans les rues à cause de la cherté de la vie, je vous demande de vous CALMER. Ceux qui créent les troubles et le désordre, ce qui détruisent les biens, ceux qui lancent des jets de pierres, qui incendient, je vous ordonne d’ARRETER. La police, ne tolérera plus ce désordre. La population ne l’acceptera pas non plus.

Rétablissons la paix, afin que tout ce que je viens d’énoncer puisse se mettre en application dans la solidarité.

Unissons-nous. Nous travaillons et nous espérons trouver les solutions, les solutions durables qui nous sortiront des difficultés dans lesquelles les politiques démagogues nous ont plongés depuis des années et des années.

La solution n’est pas facile, mais la production nationale est la meilleure voie. C’est la meilleure voie pour nous aujourd’hui et c’est aussi la meilleure pour nos enfants demain.

Tenez ferme

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