jeudi 15 avril 2010

A bas les stratégies de faux semblants

A bas les stratégies de faux semblants

William Michel
14 avril 2010



Les émeutes de la faim des années1980 amenèrent la chute du président Jean Claude Duvalier en février 1986 et avec elle un cortège de bouleversements politiques qui nous ont valu vingt cinq ans de balbutiement. Les stratèges étrangers ont fait de la république d’Haïti un laboratoire de sciences politiques et économiques où sont testés des concepts allant des plus naïfs aux plus curieux. Ils ont expérimenté une longue période de transition politique créant tous les facteurs d’instabilité politique exploitée ironiquement dans le quotidien, Le Nouvelliste, sous la rubrique « La transition qui n’en finit pas ».

Cette longue période d’instabilité politique a favorisée la promotion de malfrats au plus haut niveau des sphères de la société et du pouvoir. Le concept de la désétatisation est développé avec une sauvagerie animale .Toutes les institutions sont détruites et sont remplacées par des structures paraétatiques, les ONG, qui n’ont pas délivré non plus les résultats pour lesquels elles ont été constituées. Des milliards de dollars ont été engloutis. L’environnement haïtien devient plus vulnérable que jamais. L’économie du pays est á genou. La misère est partout. La population toute entière est aux abois. Il a fallu malheureusement le tremblement de terre du 12 janvier 2010 avec son cortège de morts et de destruction massale pour déchirer le voile de l’hypocrisie internationale honteusement appelée en Haïti assistance technique. La communauté internationale tout feu tout flamme a proposé un PDNA international que doivent habiller á l’haïtienne 250 think tank étrangers et une centaine de cadres nationaux.

Au forceps est accouché un plan de reconstruction d’Haïti. Une structure intérimaire mixte de gestion est créée, la CICH, pour guider les premiers pas d’un enfant « batard » et voila la reconstruction d’Haïti décrite comme la plus belle aventure qu’un ancien président du pays le plus puisant du monde veuille vivre après la magistrature suprême de son pays. Que Mr Clinton soit á la hauteur de la noblesse et de l’héroïsme que commande l’épopée de la reconstruction d’Haïti.

Pour se hisser á la hauteur vertigineuse de la reconstruction d’Haïti le chemin est long et rude. Très tôt des semblants de solutions á l’emporte pièce comme le vote de la loi d’urgence commencent á assombrir le paysage politique de l’après séisme. On parle de fossoyeurs de la nouvelle Haïti. On prévoit de nouvelles hécatombes, autant de présages et d’expressions verbales qui intoxiquent l’ambiance de la reconstruction d’Haïti.

Que les autorités internationales et nationales de la CICH ne se méprennent pas. La foi est la force la plus redoutable dont elles ont besoin pour avancer dans leur mission. La bible nous enseigne qu’avec la foi on peut soulever des montagnes. Pourquoi pas Haïti ! Aux yeux des haïtiens de l’après séisme, la foi c’est la capacité de croire en l’haïtien lui-même avec l’aide de Dieu. ( Jeûne national de trois jours). Cette foi sera trouvée quand tous, nous parlons á travers le pays d’une seule voix et d’un même langage. Aujourd’hui pour parler ce même langage il n’y a que deux personnes á poser les conditions : »Le président Clinton et le président René Préval »Ils y arriveront en formant un cabinet d’union nationale qui fait rentrer dans le gouvernement les leaders les plus avérés de l’opposition politique haïtienne et qui crée un climat de confiance propre á la réalisation des élections. Attachés aux élections libres, le rêve la vision, ,la maestria et l’aura de Mr Clinton, on peut aller très loin. Tout le reste est faiblesse .Le reste viendra par surcroit.

St Paul disait « Je peux tout en celui qui me fortifie « Les haïtiens ont besoin de fortifier Mr Clinton pour l’aider á consolider sa vision et á revoir les stratégies tabous dont sont coutumes les bailleurs de fonds d’Haïti. Prévenir de nouvelles hécatombes, insinue le renoncement ou plutôt le rejet des stratégies de faux semblants et la formulation en des termes clairs des stratégies osées, risquées qui tranchent d’avec le passé.

Quelques exemples de stratégies osées et risquées.

A ce tournant, la FAO peut jouer un rôle crucial mais faut-il bien qu’elle se débarrasse des ordures et des décombres de l’avant 12 février qui ont fait d’elle l’organisation internationale la plus décriée localement. Quant á l’IICA, la mèche était déjà vendue sauf que les ministres de l’agriculture pour des raisons de politicailleries n’ont pas entendu les cris désespérés de leurs cadres supérieurs.

La BID et la BM ont besoin de renouveler leur garde-robe de consultants haïtiens et étrangers. Ils sont obsolètes.

L’Union Européenne UE a perdu en l’agronome Fritz Boutin sa perle de consultant .Il lui faudra en chercher une autre.

La USAID ne doit plus avoir peur du changement. Elle doit renoncer á la politique de Psychose de ses meilleurs experts dépêchés en Haïti pour les laisser s’ouvrir á la réalité haïtienne afin de proposer en leur âme et conscience et á la lumière de leurs expertises les meilleures techniques appropriées au cas haïtien.

Enfin la kyrielle des experts étrangers , habitués des CCI, des PURE, des DNSCRP et des PDNA haïtiens doivent se résigner á jouer leur rôle d’experts et á renoncer á leur politique de « Zombification « des homologues haïtiens pour nous aider á concevoir des plans programmes et projets qui visent le durable.

A titre d’exemple, les faux semblants de stratégie dans l’agriculture peuvent être appréciés en étudiant la filière commercialisation dans le cadre de la politique des denrées d’exportation : Café, cacao, huiles essentielles, mangues, citron, orange sure, sirop miel et des produits vivriers.

Pour vendre ces produits il faut entrer dans la production. Pour entrer dans la production il faut entrer dans l’approche classique de plantation et de régénération. Quand la production aura dépassé le seuil de la consommation locale, il va falloir penser á la commercialisation des excédents. Toute approche de commercialisation de l’offre, minable qu’elle est, pénalise la consommation locale, fait monter les prix et peut créer des maladies de carence dans la diète alimentaire des habitants de la zone où se fait l’aventure de la commercialisation.

Les stratèges des années 60 avaient choisi l’approche production et l’avaient traitée sous forme d’échantillonnage. Les bailleurs de fonds qui finançaient la production pour arriver á la non production, encourageaient ces piece meal approche. Le résultat final était un trompe œil et restait au stade d’échantillonnage. Ce qui a fait dire d’Haïti qu’elle est un pays d’échantillonnage.

Lorsque les stratèges du pouvoir Lavalas de 1990 devenus plus tard les consultants de la BM, du FMI, de la FAO de L’UE, de la BID, de l’USAID et propriétaires d’ONG á la fois, ils réussirent á aménager entre leur gouvernement et ces officines internationales des plateformes de concertation où chacun expose sa politique agricole du secteur Les programmes des ONG devenaient ceux du gouvernement et l’inverse n’était jamais vraie. Ces consultants deviendront ministres, secrétaire d’état et vice versa etc. C’est la petite passe courte du football lavalassien.…. A ce moment là, la boucle était bouclée ….. Les bailleurs de fonds en viennent á financer l’aspect plus value de la production existante en recherchant la valeur ajoutée dans la transformation et la commercialisation des produits bruts. Au lieu de financer des programmes ils financent des petits projets d’un an á la suite d’appels á proposition qui allouaient des sommes insignifiantes á la commercialisation du produit. On n’en a pour preuve le haitian blue café qui n’a jamais dépassé les 200.000 livres á l’exportation, le marché de la mangue francisque qui n’a jamais dépassé les 2,500 tonnes á l’année depuis plus de trente ans et j’en passe

Dans la production vivrière la situation n’est pas moins différente.

Le PADF innovait un programme d’exportation des tubercules qui disparaît comme il était venu.

L’Agronome Naval a passé plus de dix années dans le sud avec un projet de promotion de production vivrière (PPPV) qui a laissé le Sud sans production. Ce projet était financé par le trésor public et par le PL 480.

La FAO a brillé par sa volonté inavouée de destruction des structures agricoles de production. Pendant les vingt dernières années elle a développé des stupidités en niant les principes immuables de la vulgarisation agricole : recherche, paquet technologique, éducation/démonstration, crédit et commercialisation. Elle a préféré opter pour de petits projets de 12 á 18 mois sans lendemain qui disparaissent avec la fin du financement. Sans aucune retenue pour elle-même, sans respect pour les bénéficiaires et sans éthique á l’égard du MARNDR, elle ,la FAO, a tenu á organiser sa survie contre celle des agriculteurs.

Le FIDA , un frère siamois de la FAO, a élaboré de belles théories en faveur des femmes, des jeunes et des petits planteurs. Ces théories se perdent dans la réalité du terrain car les procédures de décaissements liées á des contraintes politiques et économiques étrangères aux bénéficiaires privent ces derniers du constat même des objectifs d’éducation visés, voir d’économie. En plein exercice d’exécution d’un projet, le FIDA arrête les décaissements et les multiplie tel qu’á la fin de la durée du projet 48% de l’enveloppe globale n’ont pas été décaissés : (PPI), PICV2, PAIP, PPI 2.

L’USAID chaque année alloue á des contracteurs étrangers des budgets qui valent 4/5 fois celui du ministère de l’agriculture pour récolter des miettes qui ne justifient même pas leur présence sur le terrain. (Voir la réaction du Président OBAMA á ce concernant après le séisme. Washington Post 31 mars 2010).
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Avec l’octroi récent par la BID á la COCA-COLA d’un don de trois millions et demi de dollars pour la mise en boite du jus de mangue, on se demande perplexe si ce projet ne se situerait pas encore dans le prolongement des stratégies dépassées de la communauté internationale. Que les consuls veillent !

Le péché originel de toutes ces initiatives mort nées est qu’elles n’avaient jamais en tête l’objectif d’organiser la production qui elle-même était le cadet des soucis du Président Préval.

Il n’y a pas que les stratégies techniques qui soient tabous. Il y a aussi les stratégies électorales de main mise sur le pouvoir législatif qui ne sont plus de mise. Les élections á la Lavalas déshonorent le pays, décrédibilisent le gouvernement et réduisent la légitimité des élus locaux, facteur cardinal de la capacité de ralliement et de motivation des jeunes et des travailleurs. La présence de la MINUSTHA et du Président Clinton en Haïti devraient suffire en terme de garantie au président Préval pour qu’il laisse les urnes se manifester librement. On a une communauté internationale et un président haïtien qui se partageaient la même vision du pays avant le 12 janvier 2010.

Pour terminer il est bon de savoir que le Président Clinton peut nous donner á manger ,qu’il peut nous trouver tout á manger pendant vingt ans, mais il ne peut pas résoudre le problème d’un seul hectare de bassin versant pendant trente ans s’il ne trouve pas la participation des leaders paysans, celle de l’élite paysanne et des leaders politiques de l’opposition. Les bassins versants constituent le problème des problèmes á résoudre pour aller de l’avant en Haïti. Parce qu’il est un problème de proximité, il tombe dans la compétence politique des leaders locaux pleins de légitimité. En d’autres termes, l’élection des leaders locaux, CASECs, maires et députés doit se faire dans la plus grande transparence possible afin de laisser émerger des leaders légitimes qui auront la confiance de la population dans leurs entreprises locales épiques. Si le président Clinton a la capacité de convaincre l’élite politique et économique du pays, celle de convaincre la paysannerie appartient largement aux leaders « natif natal » de proximité élus á la suite d’élections libres, honnêtes, transparentes et démocratiques.

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