mardi 6 avril 2010

Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince

Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince
Daniel Altiné
Port-au-Prince, le 24 janvier 2010.

Deux semaines, après le terrible séisme du 12 janvier 2010 qui a détruit la capitale haïtienne Port-au-Prince, ainsi que les villes de Léogâne, de Petit-Goâve, et de Jacmel, les opérations de sauvetage sont officiellement terminées. Nous nous inclinons respectueusement devant les 150,000 morts de cette catastrophe. Nous garderons leurs souvenirs dans nos cœurs, tout en saluant le million de sans-abris de ces villes.

La phase de reconstruction de Port-au-Prince sera bientôt initiée. Il est préoccupant de voir des citoyens recommencer la construction de leur maison ou commerce sans aucune instruction ou consigne de la part de l’État. Le risque est de voir se reproduire le Port-au-Prince d’avant le 12 janvier 2010. En vue d’éviter ce phénomène de reproduction à l’identique, et en prélude à la reconstruction, les haïtiens devront, avec beaucoup de lucidité, sans passion, sans complaisance, analyser la situation de la capitale avant le 12 janvier 2010, diagnostiquer les problèmes et les défis à relever, élaborer une vision moderne de la nouvelle capitale, penser et concevoir cette reconstruction.



A ce propos, avec tout le respect que nous devons aux victimes et à la famille haïtienne endeuillée, nous ne croyons pas qu’il soit cynique de dire que la destruction de Port-au-Prince représente une fenêtre d’opportunité à saisir pour corriger les erreurs flagrantes du passé, décentraliser l’administration et la vie économique du pays, et reconstruire la capitale sur des bases saines.



Dans cette perspective, un engagement majeur que les haïtiens doivent prendre est celui d’éviter l’improvisation et de penser systématiquement la reconstruction de leur capitale, selon un plan d’aménagement global. La décision logique qui découle de cet engagement serait de mettre en place une autorité constituée qui présiderait à cette reconstruction. Aussi, proposons-nous la création, par l’État haïtien, d’une entité dénommée Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince, au moyen d’une loi votée par le Parlement. Par Grand Port-au-Prince, nous entendons la grande région de métropolitaine, constituée des communes de Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Carrefour, Croix-des-Bouquets, Tabarre et Cité Soleil.



Cette Institution publique, qui exercerait sa juridiction sur le territoire délimité ci-haut, serait :



de nature partenariale, au sens où son Conseil d’Administration (de 13 membres au maximum) regrouperait des représentants du secteur public, des personnalités du secteur privé marchand, de la société civile et de la diaspora, choisies sur la base de leurs compétences et réalisations professionnelles ;


dotée des pouvoirs nécessaires pour décider des grandes orientations en matière d’aménagement de la nouvelle capitale, après avoir pris soin, évidemment, de mener les consultations et audiences publiques (hearings) appropriées. En ce sens, l’Institution aurait une fonction exécutive, et non consultative.


Une vision de la nouvelle capitale haïtienne



En ce début du 21ème siècle et du 3ème centenaire de l’indépendance nationale, la vision de Port-au-Prince à promouvoir est celle d’une ville moderne, dans une Haïti administrativement et économiquement décentralisée, politiquement stable et bien intégrée dans le concert des nations, qui serait l’une des grandes capitales de la Caraïbe au triple point de vue politique, économique et culturel, et où il ferait bon vivre.



Au point de vue politique, nous pouvons visionner une capitale haïtienne qui abriterait des Institutions politiques régionales et où se tiendraient régulièrement, grâce à une diplomatie forte et à la stabilité du pays, des conférences internationales et régionales.



Au point de vue économique, Port-au-Prince pourrait redevenir un grand centre économique caraïbéen et émerger comme une place financière régionale, voire internationale. La nouvelle capitale devra être dotée d’infrastructures urbaines, de voies de communication, de ports, et de marchés publics modernes et adéquats.



Au point de vue culturel, considérant le patrimoine historique d’Haïti, la création et la production culturelle haïtienne, Port-au-Prince doit et peut se voir, même se projeter comme la capitale culturelle de la Caraïbe et de l’hémisphère. Ce qui implique l’existence dans la nouvelle capitale de salles de spectacles dignes de ce nom, de musées, de conservatoires et d’écoles d’art dramatique, d’écoles d’arts et métiers, de bibliothèques, etc. Ce qui implique également l’animation d’une vie culturelle, avec l’organisation d’événements culturels régionaux et internationaux bien en vue.



En termes d’environnement et de qualité de vie, la nouvelle capitale haïtienne devra être dotée d’espaces verts, d’infrastructures de loisirs et de sports adéquats, et en quantité. Le réaménagement complet du bord de mer (malecon) n’est plus un rêve et peut devenir une réalité, de la saline jusqu’à Mariani. L’instauration de zonages (zones protégées, dont le Morne de l’Hôpital et la Plaine du Cul-de-Sac, zones industrielles et commerciales, zones résidentielles) permettra de reconstruire une ville conviviale, en harmonie avec l’homme.



Missions de l’Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince



En phase avec pareille vision, l’Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince aura pour missions principales de :



penser, faire des choix, décider des grandes orientations, concevoir et faire valider le plan global d’aménagement devant baliser la reconstruction de la capitale haïtienne, selon les règles et normes d’urbanisme ;


planifier, organiser, coordonner et contrôler l’expropriation d’espaces et prendre toutes autres mesures nécessaires à la mise en œuvre du plan d’aménagement global de Port-au-Prince ;


s’assurer que la reconstruction de la capitale haïtienne se fasse en tenant compte des normes de construction, des risques sismiques, des zones protégées et de l’impact environnemental et, à cet effet, délivrer les permis de construction et prendre toutes mesures de coercition nécessaires.


Organisation de l’Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince



L’Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince serait établie par une loi votée par le Parlement et constituée de :



un Conseil d’Administration (CA) de treize (13) membres composé du :


· Ministre de la Planification et de la Coopération Externe, Président

· Ministre de l’Économie et des Finances

· Ministre des Travaux Publics, Transports et Communications

· Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales

· Ministre du Commerce et de l’Industrie

· 3 personnalités du secteur privé marchand

· 3 personnalités de la société civile

· 2 personnalités de la diaspora



un Conseil Consultatif Technique (CCT) qui se rapporterait directement au CA et aurait pour rôle principal de le conseiller sur les choix et orientations en matière d’aménagement. Organisé en comités sectoriels (infrastructures urbaines et transports, loisirs et culture, environnement, protection civile, conseil juridique, etc.), ce Conseil d’experts regrouperait des urbanistes, ingénieurs-architect es, géologues, spécialistes de gestion et de traitement de l’eau, spécialistes de gestion des déchets solides, économistes des transports, juristes, sociologues, spécialistes des loisirs et de la culture, spécialistes de la protection civile, etc. ;


une Direction Générale qui appliquerait les orientations et politiques du Conseil d’Administration et en assurerait le suivi.


Financement



L’Autorité d’Aménagement Global du Grand Port-au-Prince serait financée au commencement par une dotation budgétaire spéciale de l’État haïtien.



Conclusion



Pendant que nous enterrons nos morts, il importe que le Gouvernement haïtien prenne immédiatement des dispositions pour sauvegarder l’intérêt collectif en mettant en place cette Autorité d’Aménagement. Ce faisant, il éviterait que les haïtiens, individualistes invétérés, en l’absence de l’État, ne recommencent à construire n’importe comment, selon le « common sense » et en fonction purement de leurs intérêts égoïstes



Port-au-Prince, le 24 janvier 2010.



Daniel Altiné
M.Sc. Gestion, Economie Appliquée
M.B.A., Finance et Economie de Gestion
B.Sc. Economie
Coordonnateur Général du Programme de Formation Professionnelle
Prêt BID 1627/SF-HA et Co-financement Union Européenne ATN/CF-10059- HA
Consultant
(Etudes d'opportunité et de faisabilité, Etude de marché, Planification stratégique, Planification d'affaires, Diagnostic et Renforcement institutionnels, Ingénierie de formation)
509-3446-1402 / 509-3720-0085 / 509-2813-0836

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