samedi 29 janvier 2011

Dérives !

Dérives !
par Daly Valet
Le Matin, 28 Jan au 3 Fév 2011

L’affaire Jean Claude Duvalier. Le retour inopiné de Bébé Doc dans cette Haïti qu’il « possédait » naguère et que le régime qu’il avait hérité de son Papa Doc, le terrible, dominait et terrorisait, relève d’une nouvelle dérive duvaliérienne. Au moment justement où l’on s’y attendait le moins. Ce n’est pas tant le retour en soi que son opportunité qui pose problème. Nul ne saurait récuser à un Haïtien le droit inaliénable de regagner sans contraintes sa terre natale et de détenir un passeport dûment délivré par les autorités administratives compétentes. De ce point de vue, les chantages persistants de la diplomatie américaine en Janvier 2006 auprès de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hérard Abraham, pour empêcher l’octroi d’un passeport à l’ex-dictateur haïtien nous paraissent rétrospectivement déplacés. De même que nous semblent aujourd’hui inacceptables les manigances locales et internationales pour refuser un passeport à l’ex-messie dévoyé et anarchisant, Jean Bertrand Aristide. Les deux hommes ont certes gouverné dans la déraison clanique, hédoniste, brigande et meurtrière. Cependant, pour combattre efficacement ce qu’ils symbolisent de répulsif, il faut leur opposer la raison démocratique, légale et rationnelle d’un État de droit. Les combattre justement dans le cadre des paramètres évolués et civilisateurs d’un pays tourné vers la modernité. Avoir finalement raison des Duvalier et des Aristide, c’est de créer les conditions éthiques, psychologiques et institutionnelles dans l’espace haïtien, pour que le droit leur demande un jour des comptes.
Evidemment, nos vieux reflexes ataviques qui nous prédisposent aux chicanes fratricides et inextricables et qu’on croyait en rémission avec le temps, tendent à se réactiver pour nous mettre davantage dos à dos. De vielles et de nouvelles dynamiques de polarisation sont en train de travailler sourdement et dangereusement cette société déjà fragilisée. Au lieu que notre pays disloqué devrait se mettre résolument à se réinventer, se redynamiser dans l’unité pour relever ensemble le défi de la reconstruction, nous nous épuisons dans des distractions de masse, des diversions et des digressions dans la transgression permanente des normes régissant la vie en communauté. Tantôt projetés de force dans un passé congelé; tantôt poussés par le désespoir, à défaut de modèles vivants, vers des momies ou des zombies grimaçants d’époques révolues; tantôt embarqués dans des aventures collectives périlleuses; nous perdons le sens de l’orientation et des priorités. Haïti a des urgences autrement plus pressantes à gérer et à résoudre que la présence impromptue sur son sol d’ex-dictateurs encombrants et nostalgiques. Le retour de Duvalier fils relève franchement d’un mauvais timing. D’une dérive politique dont il s’est fait béatement, au mieux, complice, et, au pire, l’orchestrateur conscient, égoïste et insensible.

La crise électorale. Autre champ, autres dérives. Dans un accès d’optimisme - nécessaire certes, mais quand même imprudent - on espérait du président Préval et de ses anciens puissants protecteurs de l’international des élections au moins acceptables à défaut d’être parfaites. Voilà qu’ils ont tous choisi de nous servir un brouillamini. Un de ces plats de tyaka familiers de nos chaudrons traditionnels. On y mélange un peu de tout. L’aventure tourne à présent au psychodrame. Washington s’énerve, s’impatiente et s’impose plus que jamais comme le principal ordonnateur politique sur l’échiquier haïtien. Des sanctions se précisent et ciblent des irréductibles du camp Inite. M. Préval et son dauphin Jude Célestin ont le dos au mur avec l’arme des sanctions à la tempe. Si le président haïtien ne se plie pas aux diktats internationaux, il est menacé d’être traité en tyran et nouveau paria des Amériques. Tel est pris qui croyait prendre.

René Préval voulait dicter les règles du jeu électoral et s’imposer à la tête du pays par tous les moyens et selon des modalités déloyales, anachroniques et dynastiques de transfert du pouvoir politique. Le coup a foiré. Il en est sorti diminué, contesté par la rue et rejeté même dans son propre camp. L’Haïtien ordinaire ne fait que compter avec impatience le peu de jours qu’il lui reste dans son mandat légal. La République et la démocratie sont sorties tout autant foirées et dévaluées de toutes ces péripéties. Les repères se brouillent. C’est l’international qui décrète la date des élections. Il légitime et délégitime à loisir le processus électoral. Il décrète sans s’embarrasser de scrupules ses propres résultats. Il montre le chemin de l’exil à un chef d’Etat. Les ambassades sont comme devenues les grands électeurs d’Haïti. Les élections se jouent indirectement dans des transactions au sommet entre de puissants complices, non directement à travers des urnes scellées et régulièrement dépouillées. La rue, les vrais électeurs haïtiens ne sont que de commodes instruments de cautionnement et de chambardement. Il faudra un jour que cessent de telles dérives aussi bien haïtiennes qu'internationales. Au nom même de cette démocratie que les pays dits amis d’Haïti prétendent, à grand renfort de propagande, vouloir implanter en Haïti.

D.V.

lundi 10 janvier 2011

L'échec de la MIssion OEA-CARICOM

L'échec de la MIssion OEA-CARICOM

Par James Morrelll*
7 01 2011
La crise électorale qui a incité les gouvernements américain et canadien d'envoyer une équipe de six experts indépendants pour procéder au recomptage des votes souligne fortement l'échec de la mission de l'OEA-Caricom pour mener à bien les tâches de vérification les plus rudimentaires qui sont indissociables de la nature d'une mission d'observation électorale. Plus précisément, tout en affirmant qu'ielle était présente et a suivi «de près» les opérations au Centre de Tabulation, la mission de l'OEA a totalement échoué à détecter la classification et le comptage de plus de quatorze milles bulletins évidemment frauduleux. Le dépouillement de ces bulletins a changé les résultats de l'élection présidentielle, qualifiant ainsi le candidat du parti au pouvoir.

Ci-dessous, nous reconstituons, en partie, les faits entourant ces incidents et cas flagrants.

Le 4 Décembre 2010, Haïti Democracy Project, qui a une mission électorale accréditée en Haïti, a reçu un rapport non confirmé que les membres de la commission électorale subissaient la pression du président Préval qui leur demandait de modifier les résultats électoraux en faveur du candidat du gouvernement. Néanmoins, les conseillers auraient souhaité annoncer les résultats corrects. Ils auraient souhaité rencontrer Haiti Democracy Projet, en tant qu'organisation américaine indépendante ayant des connexions à Washington, pour voir si elle pouvait obtenir du Département d'État des mesures adéquates pour renforcer leur sécurité, comme ils ne faisaient confiance ni à la police haïtienne, ni à la MINUSTAH.

Bien que la mission de Haïti Democracy Project a nié avoir quelque moyen objectif pour obtenir du Département d'Etat des mesures pour assurer la sécurité, le 4 Décembre l'organisation a eu une rencontre avec un membre du Conseil Electoral qui confirmait l'existence de pressions sans en indiquer la source ou de la gravité.

Le 5 Décembre, la mission a rencontré le président du CEP Dorsinvil Gaillot et trois autres membres, dont Jacques Belzin et Laurette Croyance, à son siège à Pétion-ville. Dans la conversation, Dorsinvil a confirmé que le Conseil Electoral lui-même est sous la pression de divers milieux, sans préciser à quel moment ou pour quelle raison. Quand on lui a demandé quelles mesures spécifiques de sécurité dont il aurait besoin, il a répondu qu'il croyait qu'il avait besoin d'une voiture blindée.
Dans la presse, une semaine auparavant, il avait publiquement déclaré que le Chef de la mission onusienne en Haiti, Edmund Mulet, avait menacé les membres du CEP d'annuler leurs visas s'ils falsifiaient les résultats des élections. Dans la discussion générale sur la pression du CEP, la mission de Haïti Democracy Project a conclu que cela pourrait être l'une des pressions que le CEP a fait allusion. Toutefois, la volonté manifestée pour avoir un véhicule blindé indiquait que la menace de sécurité spécifique émanait des responsables gouvernementaux ayant des moyens armés et non de la mission de l'ONU.

Haïti Democracy Project a manifesté sa sympathie et prêté une attention aux préoccupations des conseillers électoraux. L'organisation a rappelé deux précédents hauts fonctionnaires électoraux qui avaient été forcés de fuir le pays du fait que leurs vies ont été menacées: Léon Manus et Jacques Bernard. Dans les deux cas, Haïti Democracy Project a organisé des séminaires à Washington, où ces fonctionnaires ont décrit les menaces qui les avaient contraint de prendre l'exil.

M. Dorsinvil a indiqué qu'il était conscient de ces cas. La conversation s'est terminée sans résultat.

En résumé, la mission d'observation de Haiti Democracy Project a conclu que deux points dans la déclaration initiale n'ont pas été confirmés et soutenait les éléments suivants : (1) la menace la sécurité émanait de Préval, et (3) un désir de l'aide américaine à la sécurité. Le Conseil Electoral se sentait menacé et voulait avoir la protection. Sur le point (2), le désir de faire la bonne chose, le CEP a reçu une communication dès que les conseillers électoraux s'apprêtaient à annoncer que Mirlande Manigat et Michel Martelly sont les vainqueurs du second tour. Cette version a été entièrement confirmé.

Dans la matinée du 6 Décembre, la mission commençait à entendre les déclarations que la Conseil Électoral a exclu entre une quarantaine et une soixantaine de procès-Verbaux électoraux de 350 votants chacun dans le but de faire une place au deuxième tour au candidat du parti au pouvoir. Ces déclarations, mises en quarantaine, n'ont pas été confirmées à ce jour.

Qu'est-ce que la mission était en mesure de confirmer hors de tout soupçon, c'est l'existence d'un bloc de bulletins dans les résultats annoncés qui répondent aux caractéristiques ci-dessus. Ce sont les résultats de soixante-dix centres de vote, cinq avec 14.400 bulletins qui affichent la même tendance excessive de votes pour un candidat qui a poussé le Centre de Tabulation à mettre en quarantaine 311 autres procès-verbaux contenant 38.000 votes.

L'existence d'un bloc de bulletins suspects qui ont été comptés, et leur proportion générale aux bulletins mis en quarantaine, ne correspondent pas aux rapports que nous avons reçus. Seule l'information que ces votes ont été initialement mis en quarantaine reste à vérifier.

Après la visite du Conseil Electoral, le 5 Décembre la mission de Haïti Democracy Project a eu lieu au Centre de Tabulation avec quelques quatre cents exemplaires de carbone des procès-verbaux du bureau de vote et a proposé de les comparer avec ceux reçus par le Centre de Tabulation. En Décembre 2006, la mission de Haïti Democracy Project avait fait une demande similaire au Centre de Tabulation et elle avait reçu l'hospitalité. Dans son enquête, puis l'organisation a trouvé des cas flagrants d'altération des résultats électoraux qui, heureusement, avaient déjà été découverts par les avocats qui travaillent au Centre de Tabulation.

Cette fois, le responsable du Centre de Tabulation, Alain Gauthier, a rejeté la demande de Haïti Democracy Project. Même après que nous ayons pris le soin de lui fournir notre numéro de badge, en lui rappelant que la loi électorale haïtienne accordait aux observateurs le droit d'examiner toutes les opérations électorales sur territoire national, il nous a refusés sans donner des raisons justificatives.

En l'occurrence, les documents en notre possession prouvait que les procès-verbaux reçus et compilés par le Centre de Tabulation pour un député à Ouanaminthe a été massivement et frauduleusement modifiées en faveur du candidat du parti au pouvoir. Nous avons publié sur Internet, à des fins de comparaison, les images des duplicata des Procès-verbaux du vote original et les résultats frauduleux publiés par le Centre de Tabulation. Dans leurs investigations ultérieures, à la fois le Centre de Tabulation et l'OEA ont admis que les résultats publiés sont faux. Depuis notre arrivée au Centre de tabulation deux jours avant la publication des résultats, nous regrettons qu'il n'ait pas profité de notre offre de documentation qui pourrait leur épargner de la publication de ces résultats erronés.

Pendant que le Centre de Tabulation faisait obstruction à la mission accréditée de Haïti Democracy Project, il a admis la mission de l'OEA.

Dans ses communiqués de presse, la mission de l'OEA dit qu'elle était présente et suivait «de près» les opérations au Centre de Tabulation "pour assurer de la sincérité des résultats." Pourtant, un jour après la visite avortée de Haïti Democracy Project au Centre de Tabulation, la mission de l'OEA n'a pas réussi à détecter, ou a accepté la classification de 14.400 faux bulletins qui ont modifié les résultats de l'élection présidentielle en faveur du parti gouvernemental et a jeté le le pays dans le désarroi.

Interrogé le 24 Décembre par la mission de Haïti Democracy Project, le chef de mission de l'OEA Ambassadeur Colin Granderson a dit qu'il n'avait pas assez de personnel sur place au Centre de Tabulation pour détecter notamment cette fraude. Il n'a eu aucune réaction lorsqu'on lui a demandé comment Haïti Democracy Project avec ses faibles ressources pouvait le détecter alors que sa mission n'oserait pas le faire.

Depuis, Alain Gauthier n'a donné aucune raison justifiant l'exclusion de Haïti Democracy Project du Centre de Tabulation tout en admettant la présence de l'OEA. Nous ne pouvons pas prétendre connaître sa motivation pour cette différence de traitement entre deux missions accréditées. Toutefois, il est difficile d'échapper à l'impression que par rapport à la version critique de Haïti Democracy Projet qui a en sa possession de la documentation fiable, et non pas de l'OEA qui affirme quelle «suit de près" tout et rien.

En août 2010, le Secrétaire Général de l'OEA José Insulza s'est rendu en Haïti et a rencontré le CEP, les partis politiques de l'opposition et des membres de la société civile, qui lui ont soigneusement expliqué pourquoi ils ont trouvé que le Conseil Electoral était totalement dépendant et subordonné au Président Préval. La situation de dépendance du CEP a contraint ces partis de l'opposition à boycotter les élections en signe de protestation, une position que partageaient ces leaders de la société civile. En conséquence, la plupart des partis sociaux-démocrates les plus crédibles du pays ont boycotté les dernières élections.

En quittant le pays, Insulza a dit qu'il ne voyait aucune raison de croire que le Conseil Electoral n'est pas crédible. Cette explication est un parti pris favorable au gouvernement et qui nie la réalité des faits. Pour questionner cette position du Secrétaire Général, le leader d'un groupe de la société civile a ensuite été accusé par l'OEA de mener une campagne de propagande contre l'OAS.

En fait, la déclaration sincère du Conseil Electoral à Haiti Democracy Project faisant état d'une menace à la sécurité vient en fin de compte du président René Préval. L'agissement, un jour plus tard, du CEP en comptant et attribuant 14.400 votes suspects au candidat du gouvernement prouvent que les partis sociaux-démocrates et les dirigeants de la société civile étaient corrects tout au long de leur évaluation du CEP et que l'OEA a complètement erroné.

Ces œillères pro-gouvernementaux ont rendu la mission d'observation électorale de l'OEA inefficace dans la détection des fraudes flagrantes dans la mesure où il a perdu la crédibilité non seulement de l'opinion publique haïtienne, mais aussi à Washington.

En 2000, après que le chef de la mission d'observation électorale de l'OEA, Orlando Marville, eut détecté et demandé la correction de fraude grave, et a vu que sa demande été refusée par le gouvernement haïtien, il a officiellement retiré la mission d'observation en Haïti. Le Sénateur Marville est un membre fondateur de Haiti Démocracy Project.

La décision que Marville a pris avec regret, mais décisive en 2000. Une pareille décision est maintenant trop tard pour une mission qui a non seulement échoué à prévenir la fraude mais pis encore incapable de le détecter.

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* James Morrell a dirigé une mission électorale de l'Haïti Democracy Project de cinquante-huit observateurs. Il a obtenu son doctorat de l'Université Harvard en 1977.

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