lundi 15 avril 2019

LE CAPITALISME AUTORITAIRE (4)


LE CAPITALISME AUTORITAIRE (4)
BERNARD ETHEART
LUNDI 8 AVRIL 2019

J’espère ne pas vous avoir trop ennuyés avec mon papier sur le libéralisme (Le capitalisme autoritaire (3) HEM Vol.33 # 12 du 03-09/04/2019), moi cela m’a renvoyé un demi-siècle en arrière. Nous sommes dans les années 60, je viens de laisser tomber des études de biochimie pour la sociologie.

Sur le plan international, nombreux sont les évènements qui alimentent les débats. Fidel Castro vient de chasser Batista du pouvoir (le 1er janvier 1959) et d’infliger un camouflet à l’administration Kennedy à la Baie des Cochons (17-19 avril 1961). En Afrique, c’est la décennie des indépendances.

Pour nous, étudiants venus du « tiers monde », le grand sujet de discussion c’est la voie à choisir pour le « développement de nos sociétés et le grand débat est entre la voie « capitaliste » et la voie « socialiste ». D’une manière générale c’est la seconde qui a la préférence mais elle n’a pas la faveur de notre pays d’accueil.

J’entends encore l’argumentation de nos collègues allemands insistant sur le lien entre « liberté économique » et « liberté politique ». Il ne faut pas l’oublier, nous étions dans une République Fédérale d’Allemagne en train de vivre son « miracle économique » alors que de l’autre du « rideau de fer » la République Démocratique d’Allemagne avait toute les peines à « décoller », pour utiliser le concept popularisé par W W Rostow dans « Les étapes de la croissance économique » (The Stages of Economic Growth: A non-communist manifesto, 1960).

Pour nos interlocuteurs, étudiants ou professeurs, la comparaison entre « les deux Allemagnes » donnait « la preuve » qu’il ne peut y avoir de croissance sans liberté. Je regrette de ne pouvoir les rencontrer aujourd’hui pour pouvoir leur demander ce qu’ils pensent de ce qui se passe actuellement en Chine ou au Vietnam.

Mais attention, il ne s’agit pas seulement de liberté pour les citoyens, les entrepreneurs doivent également, pour ne pas dire en tout premier lieu, jouir de cette liberté ; liberté de créer et de gérer leurs entreprises comme ils l’entendent en ne tenant compte que du sacro-saint principe de la rentabilité. Cela a deux conséquences en termes de politique économique
1.       Refus de la planification centralisée telle qu’elle a été développée dans les pays du bloc communiste ;
2.       Privatisation de toutes les entreprises d’État toujours au nom du sacro-saint principe de la rentabilité, car l’État est un mauvais gestionnaire.

Je dois signaler que nous tous, qui avons travaillé dans le secteur de l’irrigation, sommes aussi partis de l’idée que l’État est un mauvais gestionnaire pour faire campagne en faveur d’une gestion des systèmes d’irrigation par utilisateurs du système et non plus par un syndic appointé par le Ministère de l’Agriculture. Mais dans ce cas il s’agit d’une « socialisation » plutôt que d’une privatisa-tion.

Cette rage de la privatisation touche même des institutions dont la vocation est de fournir des services à la population dans les domaines de la santé et de l’éducation, mais aussi des transports ou .des communications. A l’occasion du « grand débat » lancé par Emmanuel Macron sous la pression des « gilets jaunes », on a entendu les réclamations de populations entières privées de centres de santé, d’écoles, de transport public etc. On a développé le concept d’«inégalité territoriale » pour décrire la situation de certaines zones rurales en France. Hélas ! Les malheureux n’ont toujours pas compris que la création de revenus pour les entrepreneurs passe avant la satisfaction des besoins primaires de la population.

Une liberté de la plus haute importance pour les tenants du libéralisme économique est la liberté du commerce. En Allemagne, à l’époque on rappelait qu’une des grandes étapes dans la création de l’Empire Allemand (celui de Bismarck) fut la disparition de tous les postes douaniers qu’avaient installés les petits princes locaux et la création d’un vaste marché où les marchandises pouvaient circuler librement.

Aujourd’hui c’est au niveau mondial que l’on veut étendre le libre-échangisme à travers cet organisme que Jean Ziegler considère comme le troisième « cavalier de l’Apocalypse », avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, le veux parler de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC}. Mais il y a aussi les fameux « accords de libre-échange », comme ceux que l’Union Européenne a imposés aux pays ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique) au risque de tuer leur production agricole pendant que la France se bat, au niveau de l’OMC pour que les biens culturels soient protégés contre le libre-échangisme.

On pourrait continuer longtemps à analyser tous les domaines où le « capitalisme » est arrivé à imposer ses intérêts au détriment des « laissés pour compte », parmi lesquels il ne faut pas oublier de citer l’environnement. Mais le sujet est si important que nous aurons certainement l’occasion d’y revenir. Je vais donc m’en tenir là, pour le moment et tenter d’aborder la question que j’avais posée dans le premier papier de cette série (Le capitalisme autoritaire (1) HEM Vol. 33 # 09 du 13-19/03/2019) à savoir comment le « capitalisme » est arrivé à ce pouvoir qu’il exerce aujourd’hui.

mardi 2 avril 2019

LE CAPITALISME AUTORITAIRE (3)



LE CAPITALISME AUTORITAIRE (3)
BERNARD ETHEART
LUNDI 1ER AVRIL 2019

Dans ma deuxième chronique (Le capitalisme autoritaire (2) HEM. 33 # 11 du 27 mars 2019) j’ai avancé que c’est dans les années 80 que « les grands de ce monde » se sont lancés « à l’assaut de l’État ». Deux personnages étaient alors aux commandes dans leurs pays respectifs : Margaret Thatcher, première ministre en Grande Bretagne du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990, et Ronald Reagan, président des États-Unis du 20 janvier 1981 au 20 janvier 1989.

On peut cependant se poser la question à savoir : comment le « thatchérisme » ou le « reaganisme » sont-ils arrivés à devenir le « mode de penser dominant », si je peux m’exprimer ainsi ? La réponse nous invite à laisser le domaine de l’économie pure pour nous aventurer dans le monde des concepts philosophiques ; car « thatchérisme » et « reaganisme » seraient des expressions du « néo-libéralisme ».

Mais avant de parler de « néo-libéralisme », je crois bon de dire un mot du « libéralisme » : une doctrine de philosophie politique et morale fondée sur la liberté et la reconnaissance de l'individu et sur l’idée que chaque être humain possède des droits fondamentaux qu'aucun pouvoir n'a le droit de violer.

Adam Smith (1723-1790), considéré comme l'un des principaux théoriciens du libéralisme économique, est au point de départ d’une théorie économique, et de l’école libérale dite « classique », qui se constitue alors comme une pensée cohérente englobant tous les domaines de l’action humaine étudiés à cette époque.

Le fondement de la pensée libérale est une théorie du droit selon laquelle chaque être humain est seul maître de lui-même et possède des droits fondamentaux et inaliénables qui découlent de sa simple existence et sont inhérents à la nature humaine, indépendamment des structures sociales dans lesquelles il est (ou n'est pas) inséré. Ces droits sont le droit à la liberté et le droit à la propriété.

Dans le domaine économique, le libéralisme défend notamment l'initiative privée, la libre concurrence et son corollaire l'économie de marché ; il est ainsi « sur la longueur d’onde » du système capitalisme. Sur le plan social et politique, le libéralisme veut limiter les obligations imposées par le pouvoir et plus généralement le système social, telles que la morale, au profit du libre choix et de l'intérêt de chaque individu indépendamment des autres.

Mais revenons aux années 80. Certains documents que j’ai pu consulter parlent de la « révolution conservatrice » que connaît le monde à la suite de la phase de récession s'ouvrant avec les deux chocs pétroliers et la crise du keynésianisme. J’ai évidemment un problème avec cette contradiction inhérente à la formule de « révolution conservatrice », mais ce n’est pas le moment de s’y attarder, mieux vaut parler de « celui par qui le mal est arrivé », je veux parler de Milton Friedman.

Milton Friedman (31 juillet 191216 novembre 2006 est considéré comme l'un des économistes les plus influents du XXe siècle. Deux de ses œuvres ont particulièrement touché le grand public : d'abord son livre Capitalisme et liberté, publié en 1962, puis sa série d'interventions télévisées réalisées en 1980, intitulée Free to Choose (en français La Liberté du choix).
Dans Capitalisme et liberté, (il s'en vendra plus de 400.000 exemplaires en dix-huit ans) il explique sa théorie selon laquelle la réduction du rôle de l'État dans une économie de marché est le seul moyen d'atteindre la liberté politique et économique. Plus tard, dans La Liberté du choix, Friedman cherche à démontrer la supériorité du libéralisme économique sur les autres systèmes économiques.

Ses idées se diffusèrent progressivement et furent prises en compte par les milieux politiques dans les années 1980 et ont directement ou indirectement inspiré les politiques économiques de nombreux gouvernements à travers le monde, notamment ceux de Ronald Reagan aux États-Unis, de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, d'Augusto Pinochet au Chili, de Mart Laar en Estonie, de Davíð Oddsson en Islande et de Brian Mulroney au Canada.

On s’accorde généralement sur le fait que, à travers son engagement dans le débat public, il joua un rôle important dans la réactivation des idées libérales dans un contexte où les économies keynésiennes triomphaient. Comme l’a dit un observateur, qui n’était pourtant pas toujours d’accord avec lui : « Dans une période où le marxisme et l'interventionnisme étatique dominaient les esprits, Friedman a joué, à contre-courant, un rôle absolument irremplaçable ».

Pour finir, signalons que, d'après lui, le libéralisme est le remède aux problèmes de développement : « La solution théorique, nous la connaissons. La clé du développement dépend :
1) de la présence d'un État de droit ;
2) du respect de la propriété privée ;
3) de l'existence d'un régime de libre entreprise (c'est-à-dire, fondamentalement, la liberté des prix, des salaires et des contrats) ; et
4) de la capacité à contenir les pouvoirs de l'État.

État de droit, propriété privée, marchés libres et État limité sont les ingrédients nécessaires pour qu'un processus durable de croissance et de développement puisse s'enclencher. La formule n'est pas compliquée. Mais elle n'est pas facile à mettre en œuvre, ne serait-ce qu'en raison de l'incapacité de beaucoup à concevoir un pouvoir politique indépendant et restreint ».

Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles?

  Pour Gérald Mathurin : Pourquoi tombent les feuilles? Hugues Joseph J'ai repris ce texte Publié le 2018-03-12  par  Le Nouvelliste. Je...