jeudi 16 janvier 2014

PRODUCTION AGRICOLE: EST-IL POSSIBLE DE DEPASSER LES PREVISIONS?


Production agricole: est-il impossible de dépasser les prévisions ?



JEANTY GERARD JUNIOR
Le Nouvelliste | Publié le : 14 janvier 2014
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Les performances agricoles réalisées au cours du printemps 2013 dépassent celles de la même époque en 2012. Toutefois, elles sont inférieures par rapport aux performances agricoles de 2009. Dans une récente publication de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA), un tableau comparatif démontre que les performances obtenues ces dernières années ne dépassent jamais les prévisions. L’estimation de la performance des cultures : céréales, légumineuses, tubercules et bananes et plantains a été réalisée pour les récoltes de printemps 2013, 2012 et 2009. Les performances 2013-2014 ont été comparées avec celles de 2012 considérée comme une année déficitaire et celles de 2009 considérée comme une année normale. Pour la première, la production des céréales est chiffrée à 511,109.59 tonnes métriques, supérieure à celle de 2012 évaluée à 350 348.67 mais inférieure à celle de 2009 estimée à 533 748.66. Les légumineuses, les tubercules et les bananes et plantains suivent aussi la même tendance. Pour l’année 2013, la production des légumineuses a connu une augmentation de 13% par rapport à 2012 et une diminution de 9% par rapport à 2009. Les tubercules et les bananes et plantains ont vu aussi leurs productions augmenter respectivement de 27 et 40% par rapport à 2012. Aussi, leurs productions accusent une diminution respectivement de 12 et 24% par rapport à 2009. Au total, la production de ces cultures est chiffrée à 1 328 121.12 tonnes métriques en 2013, soit une augmentation de 33% par rapport à 2012 et une diminution de 11% compte tenu de 2009. Outre la comparaison annuelle des performances 2013, 2012 et 2009, une comparaison a été effectuée entre les résultats obtenus et les prévisions effectuées pour ces mêmes intervalles. Si la production des céréales est évaluée à 511 109.59 tonnes métriques pour 2013, selon les prévisions, elle devrait être de 545 598.0856. Cette production qui, en 2012, était chiffrée à 350,348.6 tonnes métriques était, en prévision, 375174.34. C’était le même cas pour cette culture en 2009 selon les prévisions, la production devrait atteindre 570 528.972 tonnes métriques alors qu’en réalité elle était de 533 748.66. Aucune des cultures considérées dans cette présentation n’échappe à ce constat. C’est le grand écart entre les résultats obtenus et les prévisions.
Jeanty Gérard Junior 

TAUX DE CROISSANCE DE 4.3%: COMBIEN D'EMPLOIS CREES?

Taux de croissance 4,3% : combien d’emplois créés?



JEANTY GERARD JUNIOR
Le Nouvelliste | Publié le : 15 janvier 2014
Le gouvernement se félicite d’avoir atteint un taux de croissance de 4,3 % pour l’année 2013. Certes, un bon résultat par rapport à celui de l’année précédente estimé à 2,8%. Cependant, pour certains observateurs, aussi vraie que puisse être cette information, elle ne reflète pas totalement la réalité du milieu ambiant. Dans le domaine de l’emploi, par exemple, on se demande la création de combien d’emplois cette augmentation du produit intérieur brut (PIB) implique en 2013.

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C’est la question pertinente posée récemment par l’économiste Kesner Pharel au cours de l’émission « investir » qu’il réalise sur les ondes de Radio Métropole. « Il ne suffit pas de parler de croissance économique quand on aborde la question du PIB. Il faut être en mesure de préciser le nombre d’emplois créés dans l’économie. C’est fondamental. Lorsqu’on atteint une croissance avec très peu d’emplois créés, ce qui est possible, c’est que la finalité n’a pas été atteinte. La finalité est atteinte quand ceux qui travaillent ou du moins ceux qui ont une activité économique peut bénéficier d’un revenu décent leur permettant de satisfaire leurs besoins », a expliqué l’économiste, soulignant qu’il est important de présenter des chiffres sur la création d'emplois dans le pays. « Ce n’est pas normal pour un pays de la trempe d’Haïti de réaliser un PIB chiffré à 8 milliards de dollars américains seulement. Pourtant, le pays a une population évaluée à 10 millions d’habitants, dont 4 millions constituent la force active. Donc, une grande potentialité. Pourtant, la République dominicaine, qui compte aussi près de 10 millions d'habitants et une population active de 4 millions également, réalise un PIB de 60 milliards de dollars américains », se révolte l’économiste Kesner Pharel, qui a aussi présenté des chiffres relatifs à la Jamaïque, à titre de comparaison, qui réalise un PIB de 15 milliards de dollars américains alors que sa population active est nettement inférieure par rapport à celle d'Haïti. Le gouvernement se réjouit d’avoir un taux de croissance de 4,3% alors qu’en prévision, il l’avait fixé à plus de 6%. Le P.D.G. du Group Croissance assimile ce résultat à un échec puisqu’il est inférieur aux prévisions. « Cette croissance est insuffisante également si l’on se réfère aux ambitions du gouvernement de faire d’Haïti un pays emergent à l'horizon 2030. Pour qu’on puisse émerger, il faut dégager un taux de croissance chaque année supérieur à 5%, avoisinant même 10%», a affirmé Kesner Pharel, rappelant que la moyenne en ce qui concerne le taux de croissance depuis la mise en place du plan stratégique de développement du pays après le séisme du 12 janvier 2010 tourne autour de 4,1 et 4,2 %. Selon l’économiste, pour qu’Haïti puisse devenir un pays émergent, il faut doubler le taux de croissance afin de combler les déficits des années antérieures. A rappeler qu’au cours de l’atelier de travail sur la problématique de la mesure de l’emploi, organisé par l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), l’année dernière, l’économiste Fritz-Gérald Louis avait révélé qu’environ 150 000 jeunes font leur apparition sur le marché du travail dans le pays chaque année. Pourtant, il n’y a pas vraiment de perspectives d’emplois. Avec un taux de chômage élevé, le pays ne pourrait pas produire suffisamment de richesse.
Jeanty Gérard Junior 

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LA CROISSANCE ECONOMIQUE HAITIENNE PROFITE-ELLE DAVANTAGE AUX DOMINICAINS

La croissance économique haïtienne profite-t-elle davantage aux Dominicains?
Thomas LALIM
Des idées pour développement
Le Nouvelliste | Publié le : 13 janvier 2014
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Pour l’administration Martelly/Lamothe, la meilleure nouvelle économique de l’année 2013 a été la réalisation d’un taux de croissance économique de 4,3 %. C’était quasiment inespéré. Au milieu de l’exercice fiscal écoulé, les autorités ne s’attendaient pas à mieux que 3,4 %. Mais, en 2013, la nature a été plus clémente envers Haïti qu’elle ne l’avait été durant les années précédentes. En conséquence, selon les estimations de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), l’agriculture a connu une hausse de 4,6% de sa valeur ajoutée dont la somme pour tous les secteurs représente le produit intérieur brut (PIB). Ce dernier représente la valeur marchande de tous les biens et services finaux produits par une économie pendant une période de temps donnée (une année dans le cas d’Haïti).C’est la richesse totale créée à l’intérieur du pays. En calculant le taux de variation de ce PIB, c’est-à-dire en faisant la différence entre le montant obtenu en 2013 et celui de 2012 et en divisant cette différence par le niveau obtenu en 2012, on obtient le taux de croissance de 4,3 % de 2013. Le secteur agricole a eu donc une performance remarquable quand on sait que ce secteur représente 23,5 % du PIB et qu’il avait chuté de 1,3% en 2012. Mais le secteur d’activité qui a été le plus performant en 2013 demeure celui des «bâtiments et travaux publics (BTP) » qui a pu accroître sa valeur ajoutée, en volume, de plus de 9 %. Il a devancé la branche «commerce, restaurant et hôtels »qui a enregistré un taux de croissance de 5% de sa valeur ajoutée. Dans l’ordre croissant de performance, le secteur agricole occupe le troisième rang. Ces chiffres relancent un vieux débat sur la croissance économique : à qui profite-t-elle ?On peut s’intéresser à une réponse à l’intérieur même du pays, à savoir quelle classe sociale se tire mieux de l’agrandissement de la tarte. Mais le texte d’aujourd’hui met plutôt l’accent sur les profits que les entrepreneurs dominicains qui accaparent le secteur de la construction peuvent en tirer. Pour mieux répondre à la question, il convient de préciser que le PIB mesure également le revenu total gagné sur le territoire d’un pays. Le PIB d’Haïti comprend alors le revenu gagné sur le sol haïtien par des non-résidents, en faisant fi de celui que gagnent des résidents haïtiens à l’étranger. Des gens qui résident en Haïti au cours de l’année mais qui gagnent des revenus à l’extérieur. Ainsi, si notre croissance a été tirée par la construction, à hauteur de 9 %, et que ce secteur est fortement contrôlé par les Dominicains, alors, on peut penser que cette croissance profite beaucoup plus aux Dominicains qu’aux Haïtiens. Ces compatriotes qui, pour l'énorme majorité, déplorent une détérioration de leurs conditions de vie, malgré cette bonne performance macroéconomique.En 2013, la consommation finale a crû de 2.8%, mais cette augmentation, selon le bilan de l’Association haïtienne des économistes (AHE), a été un moteur de croissance pour l’économie dominicaine, pas pour celle d’Haïti, puisque « aujourd’hui nous importons chez le voisin dominicain pour plus de 2 milliards de dollars américains de produits et services afin de satisfaire environ 30% de notre demande interne.» Pour avoir une meilleure idée de la part du gâteau qui revient aux Haïtiens, l’IHSI devra, dans le futur, diffuser également les chiffres sur le produit national brut (PNB) qui mesure le revenu total gagné par les résidents au pays. Cet indicateur comprend le PIB auquel l’on ajoute les revenus des facteurs en provenance du reste du monde et l’on retranche du résultat obtenu les revenus des facteurs versés au reste du monde. Il incorpore le revenu gagné à l’étranger par les résidents haïtiens mais pas celui que gagnent en Haïti les non-résidents haïtiens. Pour mieux comprendre la différence entre les deux concepts, prenons l’exemple d’un Dominicain propriétaire d’un immeuble en location à Pétion-Ville. Le loyer qu’il perçoit à Santo Domingo est comptabilisé dans le PIB haïtien puisqu’il est gagné sur le territoire haïtien mais ne peut être compté dans le produit national brut haïtien. Ce montant sera pris en compte dans le PNB dominicain car il est gagné par un résident dominicain et donne lieu à un paiement d’Haïti à la République dominicaine. De même, si les entreprises que possédait le Premier ministre Laurent Lamothe avant la prise du pouvoir du président Martelly continuent à lui rapporter de l’argent en Afrique ou ailleurs, ces montants seront comptabilisés dans le PIB des pays qui hébergent ces entreprises mais devraient gonfler le PNB haïtien tant que le Premier ministre continue de résider officiellement en Haïti. Ces exemples illustrent bien ce qui se passe dans le secteur de la construction en Haïti. Le PIB haïtien peut être gonflé par des revenus et des salaires perçus respectivement par des entrepreneurs et des travailleurs dominicains. Le problème serait cependant atténué si les entreprises dominicaines employaient un nombre plus important de travailleurs haïtiens. Ce qui n’est pas le cas présentement. Le constat que la croissance économique peut ne pas bénéficier au pays qui la réalise a poussé certains économistes à parler de croissance appauvrissante. Une croissance qui, au lieu de contribuer à réduire la pauvreté, ne fait que l’amplifier. Un scénario qu’il faudra éviter à tout prix à Haïti. D’ailleurs, en 2012, le pays avait connu une croissance de 2,8 % pendant que le secteur agricole avait chuté de 1,3 %. On peut donc avoir une croissance qui accroit les inégalités si les autorités ne prêtent pas attention à une répartition équitable du gâteau. Et, en ce sens, elles doivent jeter un regard attentif sur le secteur agricole où la hausse de la production profite mieux aux producteurs haïtiens. On connaît très peu de détails sur les programmes gouvernementaux en faveur du secteur agricole. Sa bonne performance au cours de l’année 2013 résulte en grande partie, selon la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA), des bonnes conditions climatiques : pas de sécheresse, pas d’excès d’eau, pas de cyclones ou de grandes inondations.Et là encore, faut-il le mentionner, le niveau de production agricole en 2013, selon la CNSA, est inférieur de 5% celui de l’année 2009-2010, une année où la production agricole a été très bonne. Pour le moment, on ne saurait dire que la bonne performance du secteur agricole résulte de politiques publiques cohérentes et structurantes qui garantiraient une progression constante du secteur. Aux moindres inondations, on risque de retomber dans les chutes habituelles si les politiques de protection de l’environnement et de conservation de sol se font encore attendre.
Thomas Lalime thomaslalime@yahoo.fr

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lundi 13 janvier 2014

L'ANNEE DE L'AGRICULTURE FAMILIALE


L’année de l’agriculture familiale
Bernard Ethéart
12 janvier 2014

La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) a décidé de déclarer l’anné 2014 « Année de l’Agriculture familiale ». Je n’ai pas encore entendu beaucoup de réactions à cette décision, il faut dire que je viens de passer près d’un mois en dehors du pays, mais je crois que si on lance un débat sur le sujet, nous aurons droit à de belles empoignades et sur ce point nous renouerons avec une vieille tradition.

En effet, depuis qu’Haïti existe en tant que république indépendante, héritant d’une structure économique fondée sur la plantation coloniale, la question du choix entre une politique agricole fondée sur la grande exploitation de type capitaliste ou, au contraire, sur la parcelle familiale a toujours été une pomme de discorde. Pour prendre un exemple récent, je rappellerai toutes les revendications du « secteur démocratique » au départ de Jean-Claude Duvalier, lesquelles ont abouti à faire inscrire le réforme agraire dans la Constitution de 1987.

C’est dans le cadre de ce grand débat que l’historien Michel Hector a clairement exposé les positions des protagonistes dans les premiers jours du nouvel Etat. Au cours d’une conférence ayant pour thème « Le processus historique de différenciations sociales à la campagne » prononcée lors du Colloque : « Les Paysans dans la Nation Haïtienne », qui s’était tenu du 3 au 5 octobre 1986, il présenta la période 1793-1806 comme une étape de transition, au cours de laquelle s’affrontaient deux grandes tendances, deux voies principales de développement :
-          la « voie démocratique paysanne », supposant la distribution de la terre aux cultivateurs, la petite exploitation, la prise en charge de la gestion des plantations par ceux qui y travaillent ;
-          la « voie aristocratique terrienne » prônée par ceux qui percevaient le développement en termes de grandes propriétés appartenant à des féodaux et sur lesquelles travailleraient les paysans en tant que serfs (voir le Nouvelliste du Vendredi 10 – Dimanche 12 Octobre 1986).

En fait, on peut considérer que la « dispute », pour employer un terme modéré, a débuté avant l’indépendance formelle, le conflit de Moïse Louverture avec son gouverneur général d’oncle avait justement pour origine sur leurs choix opposés sur ce sujet. Par la suite, les positions ont évolué, du moins du côté des tenants de la grande exploitation, leur objectif n’étant plus la grande propriété de type féodal, mais l’exploitation de type capitaliste, si possible avec des capitaux venant de l’extérieur. Je me suis longuement étendu sur le thème dans ma série Evolution de la structure foncière publiée dans Haïti en Marche de février à octobre 2005.

Personnellement, dans un article intitulé Plantation ou Jardin ? publié dans la revue Conjonction (# 145-146, Novembre 1979), j’ai clairement pris position pour la formule « jardin » aussi quand je suis arrivé à l’INARA, je n’avais aucun problème avec l’Article 4 alinéa o du décret du 29 avril 1995 qui stipule que l’INARA a pour attributions de : Favoriser et protéger la formation d’unités familiales d’exploitation paysanne et combattre les grandes exploitations absentéistes.

Je n’ai évidemment pas manqué de me faire critiquer ; je pense particulièrement à Pierre Léger qui m’a fait comprendre qu’il s’opposait à moi parce qu’il était en faveur de grandes exploitations alors que moi je voulais faire une « réforme agraire de petits jardins ». Mais les critiques de l’agriculture paysanne ne viennent pas seulement des gros entrepreneurs capitalistes. On trouve également des techniciens, des agronomes qui la refusent, mais pour d’autres raisons. Récemment un ami affirmait que le secteur agricole ne pourrait pas remplir ses fonctions avec des « peyizan avèk ti bout manchèt » et un ministre de l’agriculture, partant de la même idée réclamait « nouvelle classe d’agriculteurs ».

Cette situation n’est pas spécifique à Haïti. Dans une interview publiée dans la revue de l’Agence Française de Développement (AFD), Zacharie Mechali, expert agronome à l’AFD, après avoir affirmé que « l’entité économique « exploitation familiale», caractérisée par un agriculteur et sa famille qui sont à la fois la force de travail et les propriétaires de l’outil de production, est l’unité d’organisation et de mobilisation du travail/capital optimale pour la production de denrées alimentaires à partir de systèmes vivants (végétaux, animaux, soumis au climat, à l’état des ressources naturelles, etc.) », nous dit : … de manière générale, l’un des phénomènes structurels qui menacent ces agricultures familiales est le manque de connaissance et de confiance des gouvernements, souvent dirigés par des élites urbaines, vis-à-vis des potentialités productives des petites et moyennes exploitations familiales, souvent désignées comme archaïques et relevant plus de politiques sociales qu’économiques.

Ceci dit, il est certain que les paysans haïtiens ne sont pas en mesure, dans les conditions actuelles, de remplir les fonctions que l’on attend d’eux. Il s’agit donc d’identifier les causes de leur manque d’efficience et d’y apporter les correctifs nécessaires. J’ai reçu récemment un document intitulé Répondre aux défis du XXIe siècle avec l’agro-écologie : pourquoi et comment ?, publié par Coordination SUD (Solidarité - Urgence - Développement), une coordination nationale d’ONG françaises de solidarité internationale, créée en 1994 et regroupe plus de 130 ONG qui mènent des actions humanitaires d’urgence et d’aide au développement. Je ne suis pas du genre à accepter sans discussion ce qu’on nous présente souvent comme une solution miracle, mais la lecture du document me fait penser qu’il y a là quelque chose qui mérite l’attention. Je me propose donc de m’étendre un peu, dans les semaines à venir, sur ce concept d’agro-écologie.

Bernard Ethéart

jeudi 9 janvier 2014

BILAN DE L'ECONOMIE HAITIENNE

Bilan de l’économie haïtienne
Le mot de l'association haitienne des economistes
Par Dr Eddy N. Labossière, du comité provisoire de l’AHE 
Le Nouvelliste du 7 janvier 2014
 



I- Introduction. Il est toujours indiqué au mois de décembre de chaque année, d’établir un bilan sur les faits et événements d’une année qui s’achève afin de savoir où on en est, le chemin parcouru et surtout ce qui reste comme chemin à faire et en osant faire des recommandations dans un pays très instable comme Haïti. Un tel exercice est d’importance à court terme car nous permettant de faire le point sur les priorités et objectifs fixés dans le domaine économique par les responsables pour la période 2012- 2013, et de mettre en évidence les réalisations, les contraintes rencontrées qui ont empêché l’atteinte de certains objectifs préalablement fixés. D’abord concernant le classement global par pays dans le domaine du développement, Il semble qu’Haïti en général, n’a pas été un bon élève. En effet, selon les indices d’évaluation du Transparency International et le Doing Busness de la Banque Mondiale, Haïti garde toujours la même place d’après le classement des deux organisations. Selon le Transparency, le pays fait du surplace en maintenant sa 163ème place sur 177 pays dans le classement suivant l’indice annuel de perception de la corruption. Pour sa part, le Doing Busness, Haïti le plus mal classé dans la Caraïbe, ayant classé 177ème sur 189. Sur le plan touristique, Haïti est désormais présente sur la carte touristique mondiale selon le dernier classement mondial des compétiteurs des sites touristiques du Forum Economique Mondial. Une très bonne nouvelle pour les autorités quoique 140e sur 140 pays, de reconnaitre Haïti comme une destination touristique avec une disponibilité seulement d’environ 3000 chambres contre 60 000 chambres chez son voisin Dominicain. Le Forum Economique Mondiale (FEM) classe Haïti à la 116 place sur un total de 124 pays dans son rapport intitulé « The Global Energy Architecture Performance Index report 2014 ». Ce rapport précise qu’Haïti est le seul pays de la région qui fait face à des défis d’accès à l’énergie aussi importante avec environ 30% ayant accès à l’électricité. Ces classements de 2013 traduisent en clair qu’Haïti est très en retard dans son développement économique par rapport aux autres pays de la région. Quant à l’évolution des indicateurs macroéconomiques et les fondamentaux de l’économie, ce bilan va nous permettre de les apprécier, bien que, certaines informations soient encore indisponibles et autres aient un caractère provisoire. II- Evolution des indicateurs macroéconomiques. En 2013, un taux de croissance du PIB de 4,3 % est réalisé contre 2,8% en 2012. Ce taux de croissance qui est au-dessous de l’objectif fixé ( 6,5%) est très décevant, car l’exercice 2012-2013 devrait être une année plus performante, vue les multiples mesures qui ont été prises sur le plan fiscal, et l’absence des perturbations cycloniques. Les chiffres disponibles pour une évaluation quantitative du budget 2012-2013 concernent la performance sur le plan Macro-économique du gouvernement. Citons entre autres: - Un taux de croissance du PIB de 4,3% est atteint en 2012-2013, contre 2,8% en 2011-2012, il reste cependant en dessous de la prévision initiale de 6,5%; - un taux d’inflation d’environ 4,5% en juin 2013 contre 7,5% en juillet 2012; - le taux de chômage reste très élevé environ 60% de la population active, on n’a pas pu retrouver les traces des 400,000 emplois que le gouvernement déclare avoir créés ; - un taux de change qui s’est stabilisé autour de 43,90 gourdes pour 1 dollar américain en 2013 contre 42.30 gourdes en 2012; - les recettes publiques ont augmenté en termes réels, c’est-à-dire le taux de croissance des recettes fiscales est supérieur à celui de l’inflation, mais la pression fiscale n’a pas dépassé les 10%, la plus faible de la zone Amérique Latine; - l’équilibre budgétaire n’a été maintenu contrairement à l’année dernière, un déficit de 8,7 milliards de gourdes base caisse a été enregistré ; - au 30 juin 2013, les réserves de change ont été environ de 1.85 milliards de dollars américains contre 1,8 milliards de dollars américains en juin 2012 ; - le volume de crédit accordé à l’économie en 2013 par les banques est en croissance d’environ 20% ; - le déficit de la balance des paiements perdure depuis plus de trente années, 1,8 milliards en 2013 contre 1,6 milliard en 2012 ; - le transfert de la diaspora octobre 2013 se chiffrait à environ 1,9 milliard de dollars Américains ; - les investissements ont eu une croissance réelle de 6,02% ; - les investissements directs des étrangers ont augmenté de 7% - la consommation des ménages toujours en croissance de 8% ; - les exportations qui se sont améliorées avec une croissance de 3,5%. Ces résultats globalement positifs sur le plan de la macro-économie contrastent avec la situation difficile que confronte le peuple haïtien. Plus d’un million de gens vivant une situation d’extrême pauvreté. Un taux de croissance de 4,3% du PIB, un volume aussi faible des investissements, une exportation en croissance seulement de 3,5 % malgré la chute continue de la gourde et un taux de croissance insignifiant du crédit en 2013, n’ont pas été en mesure de réduire le niveau de pauvreté dans le pays, même avec un volume de transfert de la Diaspora atteignant encore en 2013 les 2 milliards de dollars américains. Le chômage en 2013 est resté à son plus haut niveau quoique accompagné d’ une baisse de l’inflation qui a permis aux agents économiques de conserver une bonne partie de leur pouvoir d’achat. En 2013, la consommation des ménages a crû de 8%, mais cette augmentation a été un moteur de croissance pour l’économie Dominicaine pas pour celle d’Haïti, puisque aujourd’hui nous importons chez le voisin Dominicain pour plus de 2 milliards de dollars Américains de produits et services à fin de satisfaire environ 30% de notre demande interne.
Notons également que l’économie a dû faire face à des chocs externes et internes tels: l’augmentation quoique très faible du prix des matières premières et des produits alimentaires, la croissance aussi faible du prix du baril de pétrole sur le marché international, la crise financière mondial, les séquelles des quatre cyclones et ouragans qui ont frappé le pays en 2008 et les deux cyclones de 2012. Du point de vue économique et social, la vie de nos compatriotes en 2012-2013 comme en 2011-2012 n’a pas vraiment changé, en dépit des légers progrès réalisés dans le domaine du social avec les programmes mis en place par le gouvernement. La vie chère frappe un nombre de plus en plus grand de personnes dans toutes les catégories sociales ; quant au chômage, en particulier chez les jeunes de plus de dix-huit années, le taux n’a fait qu’augmenter d’une année à une autre (avec environ 200,000 par année). En définitive, nous sommes encore très loin de la réduction de la pauvreté dans ce pays où 70% de la population vit toujours avec moins de 2$ US par jour. III- Les finances publiques : La politique fiscale, budgétaire, monétaire du gouvernement, et la balance des paiements. Finances Publiques - Pour l’exercice 2012-2013, les recettes totales perçues par les administrations fiscales et douanières s’élèvent à 44,6 milliards de gourdes contre 42,3 milliards pour la même période de l’exercice 2011-2012, soit une hausse de 5%. Néanmoins, par rapport aux prévisions de recettes, un manque à percevoir de près de 14% est constaté. La pression fiscale n’est que de 10% en dépit de la répression fiscale d’un gouvernement incapable de maximiser les recettes fiscales. - Pour leur part, les dépenses totales atteignent 54,2 milliards de gourdes contre 61,2 milliards prévues, soit une sous exécution autour de 7 milliards de gourdes. Pour l’exercice, les dépenses courantes ont cru de 14% en comparaison avec l’exercice fiscal 2011-2012. Ceci résulte principalement de l’augmentation des « traitements et salaires » (+20%), des dépenses de « fonctionnement » (+2%), des dépenses de « subvention et transfert » (+20%) et des versements d’intérêts (+13%). - Les dépenses d’investissement financées sur les ressources domestiques dans le cadre du Programme d’Investissement Public (PIP) sont estimées à 13,4 milliards de gourdes contre 18 milliards prévus pour cet exercice, mais en hausse de 9% rapport à l’exercice antérieur. Ce faible taux d’exécution s’explique, entre autres, par des recettes fiscales plus faibles que prévues et par un décaissement tardif de l’appui budgétaire programmé pour l’exercice. Par ailleurs, les dépenses effectives reflétées par les mouvements sur les comptes de projets s’élèvent à 12,9 milliards de gourdes, soit 72% du montant prévu au budget initial. - Mais, pour soutenir l’investissement public et contenir le déficit du Trésor, les décaissements sur les ressources du fonds Petro-caribe ont été accélérés. Ils totalisent 15,6 milliards de gourdes, soit 80% du montant prévu dans le budget. Ces dépenses sont toutefois en hausse de 50% par rapport à l’exercice précédent. - Le solde des transactions courantes est maintenu positif à 5.1 milliards de gourdes soit 1,1%du PIB en raison des réductions des dépenses courantes non prioritaires. Ceci a permis de dégager des ressources pour financer les dépenses en capital. - Les finances publiques affichent un solde global négatif d’environ 8,7 milliards de gourdes en base caisse. Le financement provient d’une réduction des avoirs de l’Etat dans ses comptes à la BRH (hors comptes spéciaux) à hauteur de 2,2 milliards de gourdes, d’émissions nettes de billets du Trésorerie de 4,7 milliards et d’appuis budgétaires de 3,8 milliards de gourdes. A noter que les paiements d’amortissement de la dette externe et d’obligations à long terme ont été respectivement de 185 millions et 1.8 milliards de gourdes. La politique Monétaire - La position extérieure est restée confortable à la fin du mois Septembre 2013 avec des réserves officielles brutes de l’ordre de 1.8 milliards US$, soit environ 6 mois d’importations contre 5.8 prévus. Le crédit au secteur privé continue de croître rapidement à un rythme annuel de plus de 20%, mais la croissance de la masse monétaire demeure très modérée (3.7% de septembre 2012 à juillet 2013). La politique du taux d’intérêt sur les bons BRH n’a pas changé depuis janvier 2011, mais le 01 février 2013, la Banque Centrale a légèrement resserré la politique monétaire en augmentant de 5 points les taux de réserve sur les passifs en gourdes et en monnaies étrangères. Ainsi la base monétaire a cru de 14%, un peu au-dessus de l’objectif du programme (10.9%). - Pendant l’exercice fiscal 2012-2013, la BRH a intervenu en maintes reprises à la vente sur le marché des changes. En effet, la Banque Centrale a vendu 120 millions de dollars sur le marché pendant l’exercice contre 1 million de dollar à l’achat. Ces interventions ont contribué à maintenir la stabilité du taux de change. Au 30 septembre 2013, le taux de change était de 43.7429 gourdes pour 1 dollar. Ceci correspond à une dépréciation annuelle de la gourde de l’ordre 3.4% en 2013 contre 3.5% en 2012. Balance des Paiements - Sur les trois premiers trimestres de 2012-2013, les exportations se sont fortement redresséesen affichant un taux de croissance de 19% par rapport à la même période de l’exercice précédent. Ceci résulte d’une augmentation de la demande américaine et de l’augmentation des capacités de production consécutive notamment à l’ouverture de nouveaux parcs d’industries. De leur côté, les importations sont reparties à la hausse en 2012-2013 et enregistreraient une augmentation de 5% sur les trois premiers trimestres. Ces éléments auraient contribué à maintenir stable le déficit commercial (+0.1%) en 2012-2013. - Toutefois, en 2012-2013, les transferts courants seraient en baisse de près de 9% réduisant ainsi notre capacité à financer le déficit commercial. Ce repli des transferts courants s’explique par la diminution de l’aide externe de 36% en dépit d’une hausse de 10% des transferts reçus de la diaspora. Ainsi, un déficit du solde courant de 391 millions dollars aurait été enregistré sur les 3 premiers trimestres 2012-20013, soit une hausse de 66% par rapport à la même période de 2011-2012. - Le compte des opérations financières afficherait une baisse de 29% résultant d’un recul des IDE de 7% et des autres investissements de 37%, le tout conjugué à une lenteur au niveau des décaissements (-4.07%). Sur les trois premiers trimestres de l’exercice, le solde de la balance des paiements afficherait un déficit de 410 millions de dollars financé par une baisse de presqu’autant des réserves nettes de changes. Ces réserves resteraient quand même à 1,8 milliards de dollars Américains. La mise en œuvre du programme avec le FMI est globalement sur la bonne voie. Tous les repères quantitatifs seraient en ligne avec les objectifs du programme, sur la base des chiffres encore provisoires de l’exercice. En conclusion. La politique fiscale, en 2013 comme en 2012 la répression fiscale a été bien forte mais les recettes fiscales n’ont pas augmenté dans les proportions souhaitées, puisque la pression fiscale est restée inférieur à 10% du PIB. Le gouvernement n’a pas été capable d’améliorer la gouvernance au niveau des organes responsables de la gestion de ses recettes. Environ 60% des recettes de l’Etat n’ont pas été captées à cause de la corruption, de la contre bande, des fraudes fiscales et du Dumping fiscal. La politique budgétaire du gouvernement a toute aussi été catastrophique avec des choix budgétaires souvent inappropriés. Le choix de faire fonctionner vingt ministères avec un budget aussi faible, nous parait être contre-productif. Les allocations budgétaires devraient en toute priorité allées vers le secteur agricole et le secteur touriste, qui sont les deux moteurs de croissance de l’économie Haïtienne. 
La politique monétaire de la BRH, avec comme finalité la stabilité des prix, a donné en 2013 de très bon résultat, puisque l’inflation en septembre 2013 est tombée à 4,5% le plus bas niveau depuis environ dix années. IV- L’évolution des 3 secteurs de l’économie haïtienne : primaire, secondaire et tertiaire. L’économie haïtienne a affiché en 2012-2013 une croissance de 4,3% du Produit Intérieur Brut(PIB). Toutefois, contrairement aux prévisions où l’on tablait sur une hausse de 5,8%, l’augmentation du PIB s’est révélée moins robuste par rapport à l’exercice 2011-2012 où il avait atteint une hausse de 5,6%. Cette décélération en 2012-2013 est consécutive à l’évolution mitigée des principaux secteurs d’activité économique. a- Baisse de la production agricole. La valeur ajoutée de la banche agriculture, sylviculture, élevage et pêche a enregistré en 2012-2013 une chute d’environ 3% contre une croissance de 1,1% en 2011-2012. D’après les informations fournies par le MARNDR, hormis la production de quelques cultures de rente comme le café qui a stagné en 2012-2013 et la filière manque qui a cru de 20%, la production de la majorité des autres denrées de consommation de base a fortement diminué au cours de cette période. Cette chute est due grandement aux effets néfastes des rudes sécheresses que le pays a connus en 2012 et aussi au passage de l’ouragan Isaac qui a ravagé des champs de plantations et détruit de nombreuses infrastructures agricoles. La branche des Industries Extractives, une composante du secteur primaire a enregistré une augmentation de 4,2% de sa valeur ajoutée, grâce à l’effet induit de la tendance haussière du secteur de la construction en 2012. Cette hausse est insuffisante pour arrêter le secteur primaire dans sa chute en 2012-2013. b- Hausse des industries manufacturières du secteur secondaire. La branche des Industries Manufacturières continue de croitre en 2012-2013 au rythme de 7% contre 18% en 2011. L’accroissement quoiqu’un peu faible observé au niveau de cette branche résulte particulièrement des Industries de Fabrication de Produits Alimentaires, de Boissons et de Tabacs dont le taux de croissance a atteint environ 14 % en 2012-2013. Dans le même temps les Industries de Fabrication des Produits Textiles, d’Habillement et de Cuir, qui sont constituées en grande partie l’Industries d’assemblage, ont affiché une croissance de plus de 2%. De plus les Industries de fabrication de produits minéraux non métalliques ont connu une croissance de 6,6%. En définitif, mise à part la branche des Industries de produits chimiques qui a fléchi de plus de 3%, toutes les autres branches de secteur Manufacturier ont donc concouru à la croissance du secteur secondaire en 2012-2013. De plus, la valeur ajoutée du secteur de la construction, s’est encore améliorée en 2012-2013 en affichant une croissance de 5,3% contre 9,3% en 2011-2012. c- Croissance du secteur tertiaire. La production des services de production et de distributions de l’électricité et de l’eau a fortement augmenté en 2012-2013, soit une hausse de plus de 15% par rapport à 2011-2012. Les plus, les entreprises fournissant les services marchands se sont bien comportées en 2012-2013. Cette croissance a été fortement influencée par la branche Commerce, Restaurent et Hôtel avec une croissance de 3,7% de la valeur ajoutée. Cette croissance s’explique notamment avec la construction de nouveaux hôtels à Port-au-Prince et Pétion-ville. La branche Transports et Communications a de son coté, enregistré une hausse de 4,9% en termes réels, les entreprises offrant des services communications (téléphonie) dominent cette branche. V- Evaluation de la performance des Ministères et des Organismes autonome. Pour l’exercice 2012-2013, le budget total financé par le trésor public a été de 42 milliards de gourde, 24 milliards sont utilisés pour le fonctionnement de l’administration publique et 18 milliard servant au financement du PIP. D’une façon très pédagogique nous avons été ministère par ministère analysé les programmes et projets exécutés ou en exécutions au cours de la période 2012-2013 Notre objectif était donc de mettre en relief les réalisations du gouvernement au cours de l’année fiscale. Nous avons pris comme critère d’analyse les priorités fixées par le gouvernement à savoir les cinq E, qui sont : l’Education, l’Etat de Droit, l’Energie, l’Environnement, l’Emploi. De plus nous étions à la recherche d’activités structurantes dans le cadre des programmes et projets exécutés, capable de faire croitre le stock de capital disponible de l’économie, arrivé à une accumulation du capital substantielle et qui engendrerait dans la durée la croissance et le développement économique et social de la nation. L’analyse des programmes et projets des vingt ministères révèle seulement deux ministères exécutent des activités structurantes en relation avec les priorités définies par le gouvernement. 1- Le ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle, avec deux projets : scolarisation des enfants (Fonds National d’Education) avec une enveloppe de 352 millions de gourdes et le projet d’appui à la rentrée scolaire de 374 millions de gourdes ; 2- le ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural, avec son programme de subventions de Fertilisants et amélioration de la productivité des cultures et des sols de 212 millions de gourdes et un programme de subventions des semences de 80 millions de gourdes. En conclusion. Si dans le domaine de l’Education de progrès ont été réalisés en 2012-2013, les quatre autres priorités du gouvernement n’ont pas vraiment progressées au cours des deux dernières années. Les dépenses d’investissements ont été faites dans des projets non porteurs de valeur ajoutée significative. Environnement : il suffit d’analyser les projets et le budget du ministère de l’environnement, il n’y a pas un véritable programme de reboisement et de protection des bassins versants Etat de droit : le gouvernement était censé réaliser en 2013, des élections, au sénat et dans les mairies. Rien n’a été fait. Emploie : l’emploi n’a pas vraiment progressé, même dans le secteur de la sous-traitance avec environ 30,000 emplois, nous sommes encore loin des 190,000 emplois de ce sous-secteur des années 90. Energie : on a eu que des lampadaires, pas une bonne gestion des batteries qui les accompagnent, pas de grand programme de construction ou de réhabilitation et de production d’énergie électrique. Le gouvernement a voulu investir dans tous les secteurs avec de très faible dotation budgétaire par programme et projet, alors qu’il aurait été préférable d’investir dans trois ou quatre grands projets, en relation avec les priorités du gouvernement, et capable de placer l’économie nationale sur un sentier de croissance stable et régulière sur le moyen et long terme. VI- Relation commerciale d’Haïti avec : la République Dominicaine, le Venezuela(petro-caribe), les USA, le CARICOM, l’APE. - Les relations commerciales de la République d’Haïti avec la République Dominicaine sont très inégales. En effet, en 2013 le déficit de la balance commerciale du pays avec la R Dominicaine est d’environ 1,5 milliards de dollars Américains. Les dominicain exportent vers Haïti à la fois des produits agricoles de toute sorte et aussi des produits manufacturés avec un fort pourcentage de valeur ajoutée (fers, ciments, produits pharmaceutiques, agro-alimentaires etc.,). Haïti n’exporte que quelques produits agricoles. Il convient de noter qu’une bonne partie du commerce entre ces eux pays est informelle. Avec des exportations vers Haïti de plus de 2 milliards de dollars Américains en 2013, Haïti demeure pour la République Dominicaine leur premier marché d’exportation. Les produits Dominicains sont souvent de mauvaise qualité, très peu de contrôle de la qualité est réalisé en douane par les autorités Haïtienne, De plus la contrebande est de règle dans les échanges le long de la frontière de 350 km, sur les 35 points de passage seulement une dizaine est contrôlée par les autorités Haïtiennes. Les exportateurs Haïtien ont du mal à exporter leur produit vers la République Dominicaine, ils doivent faire face à la fois aux barrières tarifaires, non tarifaires, et des obstacles au commerce. Le moment est venu pour les gouvernements des deux pays de relancer pour de bon la commission mixte, afin d’arriver à un véritable accord commercial favorable aux deux pays et une union douanière. L’objectif est de développer le commerce transfrontalier, d’arriver à une certaine forme d’intégration des deux économies et d’être en position de force dans le cadre du commerce régional et même mondial à plus long terme. - Les relations commerciales d’Haïti avec le Venezuela sont un peu plus équilibrées dans la mesure où ce pays nous livre du pétrole à des conditions préférentielles dans le cadre de l’accord petro-caribe. En décembre 2013 la dette d’Haïti dans le cadre de cet accord s’élève déjà à 1,9 milliards de dollars Américains. Sur base de troc, le gouvernement Vénézuélien demande à Haïti de lui rembourser à l’aide de produits agricoles. Haïti ne sera pas capable de profiter de cette opportunité étant donné la faiblesse de notre production agricole et de plus le MARNDR ne dispose pas de fonds suffisant dans le budget reconduit pour l’exercice 2013-2014, pour faire des investissements afin de faire augmenter la production agricole. Nous sommes inquiets concernant la gestion de ce fonds par le gouvernement, d’abord par manque de transparence et de plus les choix budgétaires du gouvernement ne sont pas toujours appropriés dans le cadre de l’allocation des fonds du programme petro-caribe. Une grande partie du fond est investie dans le sociale, dans le programme ”ti maman chéri, aider peuple etc. ”, avec une absence totale de transparence. Notre souhait est que les fonds petro-caribe soient investis dans les secteurs porteurs ou dans des filières porteuses de l’économie nationale. Ainsi, Haïti sera en mesure de rembourser ce prêt à son échéance. - L’intégration d’Haïti à la CARICOM. Haïti est aujourd’hui en 2013 un membre à part entière de la communauté économique de la Caraïbes, au cours de cette année 2013, Haïti a occupé la présidence tournante de cette institution régionale. Cependant beaucoup de questions restent encore sans réponse concernant les intérêts du pays à appartenir à la CARICOM. 1- Haïti peut-il profiter des échanges commerciaux avec les autres pays de la Caraïbe faisant partie de la CARICOM, étant donné la faiblesse de notre capacité de production de biens et de services ? 2- Haïti va-t-il finalement adopter et s’aligner sur les tarifs extérieurs communs élevés appliqués par les autres pays de la CARIOCOM ? 3- A cote de la libre circulation des biens et services entre les pays de la CARICOM, qu’en est-il de la libre circulation des personnes ? - Dans le cadre de l’APE. Haïti a-t-il intérêt à signer l’accord de partenariat économique avec l’UE ? la réponse à court terme nous parait-il est non. Notre structure productive est très faible, notre capacité de production de bien et service, même dans des filières agricoles est insignifiante. Dans un tel contexte que va-t-on offrir en terme de bien et service exportable. Haïti doit donc prendre son temps pour refaire et remembrer son secteur agricole en attirant les investisseurs tant nationaux qu’internationaux vers les filières agricoles porteuses telles que le café, le cacao, le vétiver et autres fruits et légumes, développer des avantages compétitifs, avant de signer l’APE. - Les relations économiques avec le grand voisin du Nord. Les relations économiques d’Haïti avec les Etats-Unis datent de plusieurs années. Les Etats-Unis est le premier partenaire économique d’Haïti. Le pays exporte vers les Etats-Unis des produits agricole en particulier les mangues Francisques et les produits textiles, des produits automobiles(Parts), venant des parcs-industriels qui emploient environ 30,000 ouvriers en 2013, dans le cadre de la loi Hope II. Rappelons que dans le cadre de cette loi Hope II, Haïti exporte des produits d’habillements et des pièces pour automobiles vers les USA, sans payer des droits de douanes. En 2013 Haïti a exporté vers les Etats-Unis pour environ 300 millions de dollars de produits. Les Etats-Unis exportent vers Haïti, en grande partie des produits manufacturés tels, voiture, moteurs, appareils électro-ménagers, certains produits de l’agro-industrie et de l’agriculture (le riz). Le déficit de la balance commerciale d’Haïti avec les Etats-Unis est d’environ 1,8 milliards de dollars Américains en 2013. VII- Conclusion. L’année 2012-2013 n’a pas vu Haïti faire ce saut quantitatif et qualitatif de son économique vers plus de bien être pour la population. Certains des fondamentaux de l’économie se sont améliorés en finances publiques et en politique monétaire, mais le pays n’a pas pu progresser en passant d’un point A à un point B, avec un PIB à deux chiffres et porté par un secteur agricole qui serait en très forte croissance. Le secteur agricole qui est censé nourrir la population est toujours en chute libre ceci depuis plus de dix années. Le secteur secondaire a eu une certaine progression grâce à la construction de parcs industriels, la hausse des activités manufacturières et la hausse des activités de construction. Le secteur tertiaire en forte progression, mais encore c’est une tertiairisation mal engagée, puisque dominée par des activités à très faible valeur ajoutée. Plus d’un tiers de la population vit en situation de pauvreté dont plus d’un million en extrême pauvreté. Dans les ministères et organismes un budget de 44 milliards a été exécuté, mais les projets mis en œuvre ont été que du saupoudrage, et ne sont pas de nature à engager la nation sur la voie de la croissance et du développement durable. Toutefois l’AHE constate en 2013 quelques réalisations du gouvernement, telles : la réhabilitation et la construction de routes, de places publiques, l’installation de lampadaire dans quelques rues, un appui à l’agriculture par la subvention des engrais, le projet de scolarisation des enfants qui se poursuit, et quelques petits projets dans les secteurs : Environnement, touriste, et la justice. L’AHE n’a pas pu retrouver les traces des 400,000 emplois que le gouvernement dit avoir créés en 2012-2013. L’AHE déplore la gestion non transparence du fonds Petro-Caribe dont la dette envers le Venezuela s’élève déjà en 2013 à plus de 1,9 milliards de dollars. VII- L’AHE recommande, si nous voulons faire d’Haïti un pays émergent à l’horizon 2030. a- La préparation et le dépôt d’un budget rectificatif au Parlement des Janvier 2014, ce budget ferait une place spéciale aux investissements en particulier dans le secteur agricole ; b- La mise en place d’une politique fiscale plus efficiente et une politique budgétaire plus responsable, plus transparente ; c- La politique monétaire doit effectivement arriver à la stabilisation des prix ; d- Une trêve entre les protagonistes (exécutif et le législatif) ; e- L’exécutif de concert avec le législatif fait des préparatifs pour une conférence nationale au mois de mai 2014 ; f- Mise en place d’un conseil électoral permanent en 2014 ; g- Préparation d’un plan décennal de croissance économique et de développement avec tous les secteurs et sans exclusion ; h- La mise en œuvre d’un plan économique anticyclique afin de faire face aux chocs ; i- Mise en place d’une stratégie commerciale de substitution à l’importation des produits Dominicains ; j- La création d’une banque d’investissement ou de développement ; k- Renforcement de la structure sécuritaire et judiciaire du pays ; l- En gros, le renforcement de la gouvernance : politique, institutionnelle, économique et sociale. L’AHE est prête pour accompagner l’Etat Haïtien dans l’implantation de ces recommandations.

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