mardi 6 avril 2010

Exiger un contenu haïtien minimum dans tous les projets d’investissement publics

Un principe et une mesure de base en vue de s’assurer que la construction de la nouvelle Haïti se fasse par, avec et pour le bénéfice de tous les Haïtiens :

Exiger un contenu haïtien minimum dans tous les projets d’investissement publics
Daniel Altiné
Port-au-Prince, le 4 mars 2010

La Construction de la nouvelle Haïti sur les 10, 15, 20, 25 prochaines années, c’est d’abord et avant tout une affaire d’argent et d’investissements. Beaucoup d’investissements. Déjà, le chiffre de 14 milliards USD est avancé par la BID ; d’autres estimations confirment le niveau d’effort colossal à faire, dans le cadre d’un véritable Plan Marshall prôné pour Haïti tant par les haïtiens que par la communauté internationale. Les investissements seront majoritairement publics, exécutés soit par le secteur public, soit par les ONG nationales et internationales, ils seront également privés.

Quel que soit le mode d’exécution ou les promoteurs de ces projets d’investissements, avec lucidité, nous reconnaissons tout de suite que trois (3) principes de base suivants doivent nous guider :

Les haïtiens doivent être en amont du processus de définition du plan de construction de la nouvelle Haïti. Il s’agit d’une affaire nationale et c’est à nous haïtiens qu’incombe la tâche sacrée de le faire, même si les voisins et les étrangers s’agitent. A cet effet, il nous faut mobiliser nos ressources humaines les plus qualifiées de l’intérieur et de la diaspora et prendre résolument le leadership du processus de définition de ce plan ;

Ces investissements doivent être faits selon un nouveau modèle d’organisation et de gestion du pays, capable d’impulser une nouvelle dynamique de développement économique et social, et fondé sur deux valeurs centrales : i) le développement régional et local comme vecteur d’intégration nationale dans la nouvelle Haïti ; et ii) la revendication du cadre «régional et local » comme espace d’organisation, de planification et de gestion des services sociaux de base à la population ;

La construction de la nouvelle Haïti doit se faire au bénéfice des haïtiens, aux sens figuré et littéral du terme. A ce propos, nous devons exiger, d’abord et avant tout, que ces investissements, se chiffrant en dizaines de milliards, soient pertinents économiquement et socialement, aient des effets multiplicateurs et produisent des effets sur tout le territoire national au niveau économique et social. Au sens littéral, nous ne croyons pas être impudiques d’exiger que tous les projets d’investissements exécutés dans le pays après le 12 janvier 2010 aient un contenu haïtien minimum de 50%, c’est-à-dire que chaque dollar dépensé, au titre d’un projet d’investissement dans le cadre de la construction, le soit dans des ressources ayant son origine en Haïti.

Le contenu haïtien minimum de 50%

En ce qui concerne ce dernier principe, il convient de rappeler que, dans tous les pays du monde, les périodes d’effort massif d’investissement public sont l’occasion de développer des ressources humaines et matérielles, et des capacités techniques nationales, de mobiliser des ressources financières, d’utiliser des capacités ou ressources non utilisées, et de créer massivement des emplois, bref de créer des richesses au bénéfice des populations. En vue d’atteindre leurs objectifs, les gouvernements mettent en œuvre comme politique de base le contenu national minimum en vue de s’assurer que l’effort d’investissement aura le maximum de retombées économiques et sociales, régionales et locales, dans les pays.

A titre d’exemple, rappelons que le Québec a mis à profit les investissements faramineux dans les projets de développement de l’hydroélectricité à la Baie James et dans le Grand Nord québécois, à partir de la fin des années 1960, pour développer ses capacités et devenir un des leaders mondiaux dans le secteur énergétique, avec des retombées extraordinaires sur l’économie et la nation québécoises, pour le grand bond visionné par les pères de la révolution tranquille.

Dans cette perspective, il est tout à fait judicieux d’exiger, considérant le taux de chômage effarant affectant les jeunes et les femmes en Haïti, que la population haïtienne obtienne sa part du gâteau de la construction. Dans le cas contraire, nous courons le risque de voir que, sur chaque dollar dépensé pour la construction du pays, 90% retourne à l’étranger, avec peu d’impact pour nos régions, nos hommes, nos femmes, nos jeunes et nos enfants.

Il est donc du devoir et de la responsabilité de nos dirigeants de faire du principe de contenu haïtien minimum une mesure de politique et un critère à part entière d’évaluation ex ante et de sélection des projets d’investissements publics ou des projets tout court, avec les critères classiques de pertinence, de rentabilité économique, financière et sociale.

La nécessité d’une loi de contenu minimum haïtien de 50%

A cet effet, nous demandons au Parlement Haïtien de se rendre utile, de codifier ce principe dans un projet de loi et de voter au cours des prochaines semaines, afin de baliser toutes ces conférences qui se tiennent actuellement sur la construction d’Haïti, une Loi portant sur le Contenu Minimum Haïtien de 50% que tout investissement et tout projet, généralement quelconque, qu’il soit d’investissement ou non, humanitaire ou autre, exécuté après le 12 janvier 2010 dans le pays, doit respecter. Le Gouvernement haïtien a alors un outil puissant qui lui permet d’accepter ou de refuser tout projet qui n’atteint pas ce seuil de contenu haïtien minimum de 50%. Une telle Loi vaudra plus que ces fameuses Commissions machin chwèt, inutiles, qui sont l’apanage et la spécialité de nos Honorables Sénateurs de la République et Députés du Peuple. En outre, ce sera un nouveau champ de contrôle de la construction du pays par le Parlement, dans la mesure où ils peuvent interpeller tout Ministre ou Agent de l’Exécutif qui aura accepté l’exécution d’un Projet illégal, c’est-à dire ne respectant pas le critère du contenu haïtien minimum de 50%.

Vous serez alors surpris de voir les ONG et autres bailleurs internationaux faire correctement leurs devoirs en lieu et place de leurs projets opportunistes qui n’ont souvent rien à voir avec l’amélioration des conditions de vie de haïtiens.

Maintenant qu’il existe, en la personne de l’ex Président Américain Bill Clinton, un Coordonnateur Général de l’aide internationale pour la construction d’Haïti, il convient d’avoir en face cette Loi portant sur le Contenu Minimum Haïtien de 50% qui pourra redonner aux dirigeants haïtiens, un certain pouvoir de décision relativement aux projets d’investissements publics et humanitaires à accepter et exécuter pour le bien-être de la collectivité.

Port-au-Prince, le 4 mars 2010


Daniel Altiné
M.Sc. Gestion, Economie Appliquée
M.B.A., Finance et Economie de Gestion
Recteur a.i
Universite de la Concorde
ci-devant CCHEC - CUMES
124 Avenue Christophe, Port-au-Prince, Haiti

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