jeudi 3 novembre 2011

L'IRRATIONALITE D'UNE DECISION

L’irrationalité d’une décision
Jean Erich René
erichrene@bell.net
2 novembre 2011

L'arrestation du député Arnel Bélizaire par le Parquet de Port-au-Prince a déclenché une brûlante polémique. La subtilité des règles régissant l’immunité parlementaire échappe à plus d’un dans ce contexte politique voué à l’anarchie. Nos parlementaires seraient-ils d'insensés défenseurs corporatistes d'un membre de la Chambre Basse ou du moins veulent-ils défendre un principe sacrosaint ?

La capture du Député du Nord, à l’aéroport international, remet en cause la loi sur l’inviolabilité des parlementaires, compte tenu des articles: 114, 114.2, et 115 de la Constitution de 1987



Article 114:
Les membres du Corps législatif sont inviolables du jour de leur prestation de serment jusqu'à l'expiration de leur mandat, sous réserve des dispositions de l'article 115 ci-après.
 
Article 114.2:
Aucune contrainte par corps ne peut être exécutée contre un membre du Corps législatif pendant la durée de son mandat.
Article115:
Nul membre du Corps législatif ne peut, durant son mandat, être arrêté en matière criminelle, correctionnelle  ou de police pour délit de droit commun, si ce n'est avec l'autorisation de la Chambre à laquelle il appartient, sauf le cas de flagrant délit pour faits emportant une peine afflictive et infamante. Il en est alors référé à la Chambre des députés ou au Sénat sans délai si le Corps législatif est en session, dans le cas contraire, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire ou extraordinaire
.
L’immunité n’empêche pas la mise en examen d’un parlementaire. Toutefois il faut l’autorisation du Bureau de la Chambre à laquelle il appartient pour le placer sous contrôle judiciaire, selon l’Article 115 de la Constitution de 1987.
Le député Arnel Bélizaire ne jouit-il pas de l’immunité parlementaire à l’égal de ses pairs ? L ‘immunité parlementaire est un régime dérogatoire visant à protéger tous les membres de l’Assemblée contre tout abus dont ils pourraient être l’objet suite à des opinions émises dans l’exercice de leurs fonctions. Aussi la notion d’irresponsabilité leur confère une couverture légale pour les propos prononcés au cours des débats au Parlement.  
Précisons tout de suite que l’immunité parlementaire ne concerne que les actes et les discours relatifs à son mandat. Le parapluie de l’immunité n’est pas fonctionnel pour les autres actions et déclarations du parlementaire. D’ailleurs quelle que soit l’étendue de protection qu’accorde l’immunité parlementaire, elle ne dépasse pas les limites des règlements de l’Assemblée. Il est vrai que le Parlementaire en fonction jouit d’une immunité permanente, mais il est aussi un membre à part entière du Corps Social. Il a la double obligation de respecter ses codes en vue de garantir l’ordre public.

En matière criminelle et correctionnelle nous sommes dans le domaine de l’ordre public. En une telle occurrence, les autorités judiciaires sont compétentes en  matière de  demande de mise en veilleuse de l’immunité parlementaire qui ne saurait servir de gomme à effacer ni de liquid paper. Elle a été tout simplement insérée dans la Constitution par le Législateur en vue d’empêcher que la session soit troublée à tout bout de champs par l’action pénale car le quorum est de rigueur. Toutefois les conditions d’intervention du Judiciaire dans les affaires du Législatif sont clairement définies par la loi.
 Il est vrai que selon l’article 115 de la Constitution l'immunité couvre toute la session mais elle n’est pas permanente. Dans le cas présent du Député Arnel Bélizaire le Commissaire du Gouvernement comme représentant de la Société aurait dû  toucher le Bureau de la Chambre Basse dans le strict secret afin que la question soit analysée par ses collègues. Le Bureau peut accepter ou rejeter la requête du Chef du parquet de Port-au-Prince. Si le cas y échet, l’immunité du député Arnel Bélizaire serait levée et l’accusé serait livré à la Justice. Dans le cas contraire la Cour d’Appel serait saisie de la question pour trancher le litige.
L’arrestation du Député Arnel Bélizaire, selon les procédures employées par le Commissaire du gouvernement pue l’arbitraire et reflète virtuellement
l’image de l’hostilité du Chef de l’État Michel Martelly contre le Parlementaire du Nord. Cette chronique était annoncée d’avance si l’on tient compte des menaces proférées sur les ondes par le Président de la République qui comme un Lion rugissant  déclarait à l’entendement de tous : « Si quelqu’un  ose manquer des égards au Chef de l’État, il ne sortira pas du Palais national. »Il est donc clair et évident que le Commissaire du Gouvernement n’a pas suivi les prescrits de la loi. Il n’a fait qu’obéir aux injonctions du Chef de l’Exécutif.
A l’ère de l'Internet le bâillonnement de la presse et  la pratique dictatoriale deviennent obsolètes. La chute des dynasties les plus coriaces du Moyen Orient devrait solliciter l’attention des incrédules. En Haïti depuis 1987 nous vivons sous l’égide d’un régime constitutionnellement démocratique. Que les couche-tard se frottent les yeux pour se rendre compte de la lueur du jour qui vient de se lever pendant qu’ils rêvent encore de chambardement. Le député Arnel Bélizaire est un membre d’une corporation protégée par la Constitution Haïtienne pendant toute la durée de la gestion législative. La procédure à employer, en cas de flagrant délit est clairement indiquée par la loi.

Nous refusons de nous constituer l’avocat du diable. En toute justice nous nous demandons vraiment si le Député Arnel Bélizaire au faciès si avenant serait vraiment le monstre que la Justice haïtienne nous présente.
D’ailleurs les actes qu’on lui reproche sont antérieurs  à sa fonction et détachables de son mandat à peine commencé. Lors de son ballotage le fait d’être reçu par l‘Assemblée est une présomption d’innocence. De plus, le CEP qui était chargé de passer au peigne fin les dossiers des candidats devrait avoir contrôlé son certificat de bonne vie et mœurs. Le prévenu est innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité. Bizarre! Cette cabale a éclaté à partir de son altercation avec le Président Michel Martelly au Palais National.
La loi du Talion n’existe plus. Personne n’a le droit de se faire justice. Le député Arnel Bélizaire est accusé d’être un criminel, un détenteur illégal d’armes et patati et patata. Est-il le seul repris de justice de la série des évadés du Pénitencier National? Pourquoi ses camarades de geôle qui ont pris la même tangente que lui tels que  l’ex-PM Yvon Neptune et l’ex-Président Prosper Avril  ne sont pas poursuivis? Au contraire le Président Michel Martelly a sablé le Champagne avec le Général Avril tout en réservant le fiel et le calomel à son compagnon d’infortune Arnel Bélizaire. En agissant de la sorte le Président Michel Martelly ternit sa politique de réconciliation nationale qu'il vient juste d'initier à cause de ses sautes d'humeur. De plus, mentionnons qu’Arnel Bélizaire après sa fuite à Santo Domingo est retourné en taule pour purger sa peine conformément aux prescrits de la loi.

Le coté à la fois triste et révoltant de ce cas d’espèce c’est que la libération du Député Arnel Bélizaire est le résultat d’une intervention concertée des deux Ambassades étrangères les plus influentes d’Haïti en brandissant les mots du Droit en sa faveur. Le Député Arnel Bélizaire est un élu du peuple,  à part entière, comme Michel Martelly. Le parlementaire échappe à toutes poursuites  civiles et pénales sauf en cas de  levée de son immunité pour les crimes dûment constatés par le Parlement. L’anarchie n’est jamais payante. Le 28 juillet 1913 le Président Vilbrun Guillaume Sam avait la tête tranchée par une foule en délire. La veille, le 27 juillet, son impétueux Général Charles Oscar était victime de la vendetta populaire. En effet, tous les cavaliers qui ne suivent pas les règles de l’équitation peuvent être désarçonnés.
 Fort heureusement la démocratie joue en faveur de tous. Le Président Michel Martelly, s'il ne veut pas que sa monture  bronche doit s'entourer de conseillers plus compétents et plus sérieux que ce groupe de copins qui amalgament pouvoir et autorité. Selon Max Weber : « Les formes historiques et institutionnelles de l’exercice de l’autorité varient en fonction des sociétés : “Dans un système féodal, elle repose sur le hasard de la fortune et de la naissance. Les sujets s’interrogent sur la rationalité des décisions de leurs supérieurs et dénoncent la rationalité instrumentale  au nom d’une rationalité des fins » (M. Weber, Économie des sociétés)
Jean Erich René
2 novembre 2011

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