« L’économie
verte » (9)
Une
agriculture moderne
Bernard ETHEART
La semaine dernière, une erreur s’est glissée
au moment de la mise en page du journal (voir HEM Vol. 27 # 13, du 17-23/04/2013) et le titre imprimé est celui de la
semaine précédente. Le vrai titre était « L’économie verte » (8) Gare
à l’accaparement des terres. Il
s’agissait d’une mise en garde contre ces « investisseurs » qui n’ont
rien d’autre en tête que de tirer profit des opportunités que leur offre notre
« naïveté » pour développer des cultures qui répondent à leurs
propres besoins, au détriment d’une agriculture « nationale ».
On peut évidemment se poser la question de
savoir ce qu’est une agriculture nationale. Je pense que la réponse
serait : une agriculture qui nous permet de faire face aux grandes
priorités auxquelles nous sommes confrontés :
-
La
sécurité alimentaire,
-
La
création d’emplois,
-
La
protection de l’environnement.
Quand on sait que un des facteurs de la
sécurité alimentaire, est la disponibilité des aliments, et qu’on ajoute à cela
le fait que notre agriculture couvre tout juste la moitié des besoins du pays,
on arrive tout de suite à la conclusion logique qu’il y a urgence à augmenter
la production d’aliments. A partir de là, on permettra au non-agronome que je
suis de faire appel à une équation d’un haut cadre du MARNDR selon laquelle la
production est fonction de productivité x
superficie + réduction des pertes.
Pour le non initié cela veut dire que, si nous
voulons augmenter la production, il nous faut soit augmenter la productivité de
l’agriculture, soit augmenter les surfaces cultivées, mais à tous les coups
réduire les pertes.
Quand on parle de productivité, les bons esprits
se lancent immédiatement dans une critique de notre agriculture
« archaïque » et réclament, avec des trémolos pathétiques, une
modernisation de l’agriculture en vue de l’intensification de la production. Mais
qu’entendent-ils par modernisation ?
La modernisation consisterait à importer des
modèles dont on dit à tort qu’ils auraient prouvé leur efficacité ailleurs.
Moderniser ce serait établir de vastes entreprises agricoles consacrées à la
culture d’un seul produit, avec une forte mécanisation, et utilisant des
intrants industriels : engrais et pesticides chimiques, semences
génétiquement modifiées, etc, et on cite les résultats de cette
« révolution verte » tant en vogue il y a quelques années.
Seulement voilà, ils sont quelque peu en
retard de phase, car de plus en plus d’études font la preuve que cette
« agriculture industrielle » n’est peut-être pas ce qu’il y a de
mieux. Certes la révolution verte est arrivée à accroitre les rendements, mais
au prix d’une utilisation massive d’intrants chimiques qui ont eu des
conséquences désastreuses sur l’environnement, à commencer par le sol cultivé
qu’ils ont appauvri.
Ce sont sans doute les dégâts causés par
l’agriculture industrielle sur l’environnement qui ont conduit à chercher un
autre modèle ou, pour employer un terme à la mode, un autre paradigme, et ce
nouveau modèle c’est « l’agroécologie ». Nous n’aurons pas la place pour
trop nous étendre sur le sujet, mais je voudrais citer quelques passages d’une
interview de Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l'Inra (Institut National
de la Recherche Agronomique), au lendemain du Salon de l'agriculture à Paris (Actu-Environnement, 06 mars 2013) :
L'agro-écologie recouvre plusieurs sens. Ce terme est apparu
dans les années trente, pour définir une nouvelle discipline scientifique, au carrefour entre
l'agronomie et l'écologie. Quelques décennies plus tard, dans
les années soixante, en réaction à la révolution verte, à l'intensification, à
la spécialisation et à l'industrialisation de l'agriculture, l'agro-écologie a
été redéfinie, notamment en Amérique latine, comme un mouvement social, une
révolution nécessaire des pratiques.
Je tiens à
citer aussi ce passage pour les partisans de la monoculture de plantation :
La
monoculture et l'hyperspécialisation exacerbent en effet les problèmes de
ravageurs, les maladies… Il faut réintroduire les rotations, la diversité des
espèces, y compris dans une même parcelle ou dans un même élevage…
Et enfin
cette phrase pour ceux qui pensent que refuser l’agriculture industrielle c’est
revenir à l’agriculture archaïque : Ce n'est pas un retour vers le passé.
L'objectif est de mieux comprendre les
systèmes biologiques afin d'améliorer les pratiques mais aussi
de mettre à la portée des agriculteurs des technologies modernes.
Cela fait maintenant quatre ans que j’ai consacré
deux articles à la modernisation de l’agriculture (voir HEM Vol. 23 # 31 et 32) ;
je ne crois pas avoir alors utilisé la formule, mais depuis lors je ne cesse de
répéter : la modernisation de l’agriculture, ce ne sont pas les tracteurs
ou les intrants chimiques, elle commence dans la tête de l’agriculteur.
Cela suppose un gros effort dans la formation
des agriculteurs et je reprends mon cadre de référence qui indique la place de
la formation et de l’exercice de la profession d’agriculteur.
|
Axes
|
A
|
B
|
C
|
D
|
E
|
F
|
|
Paliers
|
Humain
|
Socio-
Culturel
|
Environ-nemental
|
Infra-structurel
|
Economique
et Financier
|
Politique
|
I
|
Humain
|
Droits Individuels
|
|
|
|
Formation des
agriculteurs
|
|
II
|
Social et Culturel
|
|
Système
Social
|
|
|
|
|
III
|
Environ-nemental
|
|
|
Environne-ment
Naturel
|
|
|
|
IV
|
Infra-structurel
|
|
|
|
Environne-ment
Aménagé
|
|
|
V
|
Economique
et Financier
|
Emplois dans
l‘agriculture
|
|
|
|
Secteur
Agricole
|
|
VI
|
Politique
|
|
|
|
|
|
Gouver-nance
|
Bernard Ethéart
HEM Vol. 27 # 14 du 24-30/04/2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire