samedi 10 mars 2012

Duperies !



 Duperies !

Par Daly Valet
Le Matin : du 9 au 15 mars 2012

Le rideau est loin d’être tombé sur la plurinationalité présumée du président Martelly. Il s’ouvre, au contraire, sur d’autres chambres. D’autres couloirs. D’autres tunnels. Les uns plus obscurs que les autres. Un président de la République qui peine à se faire homme d’État dans une affaire qui le concerne de près. Un ambassadeur américain qui ne se fait pas diplomate étranger de marque dans un dossier qui relève d’institutions haïtiennes. Des acteurs qui semblent n’être pas à leurs vraies places. Ils  n’épousent pas convenablement les rôles qui leur sont assignés dans les textes de loi nationaux et internationaux. En marge de la scène officielle, les mauvais souffleurs sont légion. La qualité du spectacle en pâtit. Du vaudeville. Des sénateurs qui font de la basse politique de boulevard sur une question hautement républicaine. On dirait que, d’un certain grenier et qu’à partir d’antichambres occultes, des mains, à la fois expertes et maladroites, décident de faire de nos dirigeants, de nos institutions et de l’opinion publique, des pantins articulés. Le pays est propulsé dans toutes les directions. Quo vadis,Haïti ?

Aux États-Unis, les Américains diraient  que M. Martelly et l’ambassadeur Kenneth Merten « have some explaining to do ». Autrement dit, ils nous doivent tous deux plus d’explications qu’ils n’en ont fourni lors de leurs prestations télévisées conjointes, ce jeudi 8 mars, au Palais national. La messe n’est pas dite, Messeigneurs des Religions pour la paix ! Il y a, jusque-là, plus d’ombre que de lumière. Toute invective partisane anti-Martelly mise à part, toute homélie dithyrambique pro-Martelly à l’écart, le moment est venu de se poser sereinement les vraies questions.

La vérité est que les documents sont là, et disponibles aux États-Unis, qui établissent, sans équivoque,  que notre président de la République fonctionne en Haïti sous une identité et aux États-Unis sous une autre. Il est Michel Joseph Martelly ici et Michaël Martelly là-bas. Par quelle opération légale M. Martelly a-t-il pu se procurer un autre prénom chez l’Oncle Sam ?  S’il n’est pas un ressortissant américain et qu’il relève exclusivement des lois haïtiennes, pourquoi Kenneth Merten ne s’est-il pas contenté de se déclarer incompétent à se prononcer sur la nationalité d’un citoyen haïtien et de dire que la question n’intéresse que les Haïtiens et leurs institutions ? Est-ce par voie orale  ou écrite que M. Martelly a autorisé l’ambassadeur américain  à se prononcer publiquement  sur sa prétendue nationalité américaine ? Et à quel titre avait-il produit cette demande ? Pourquoi M. Merten,  une fois l’autorisation du Président obtenue, n’a-t-il pas choisi de soumettre sa réponse aux sénateurs, en vue d’un  renforcement des institutions, au lieu de se faire le porte-parole de M. Martelly, devant la presse,  dans une mise en scène? 

M. Merten ne se serait pas prêté à une telle prestation non conventionnelle sans la bénédiction de Washington. Il s’agit d’une orchestration politique qui fait entorse au bon fonctionnement des institutions d’Haïti. La démocratisation voulue par la communauté dite internationale  et la poursuite des agendas politiques  américains ne sauraient  se reposer sur la dépouille de nos  institutions républicaines plutôt jeunes et fragiles. La diplomatie américaine, la présidence haïtienne, le Sénat de la République sont tous sortis diminués de ce mauvais spectacle entourant la  nationalité de Michel Martelly. Quand le  chef d’État d’un pays, fût-il cette Haïti sous domination étrangère, a besoin qu’un ambassadeur  d’un autre pays valide sa parole lorsqu’il s’adresse à son  propre peuple, c’est que la fonction présidentielle s’est décrédibilisée et amoindrie jusqu’au ridicule. Son oui ou son non aurait dû nous suffire sans la caution de parrains internationaux. Si ses mots soulèvent plus de doutes qu’ils n’en évacuent, c’est que l’opinion y perçoit, à l’œuvre, de la malice politicienne.  En d’autres termes, la fonction présidentielle serait à restituer dans son prestige et à réinventer, dans sa noblesse, avec d’autres hommes et d’autres femmes d’État d’une autre stature. M. Martelly a le caractère pour devenir  ce grand président d’un nouveau genre. En dépit des apparences.

Le pays semble s’être embourbé dans une mare à crises. Une crise en chasse une autre. Toutes fabriquées à partir du superflu et résultant de réflexes autoritaires incompatibles avec les exigences de la démocratie et de la loi. Nos dirigeants ne semblent pas avoir pris toute la mesure du drame social haïtien. Ils persistent dans des controverses mineures sans grand intérêt pour l’Haïtien ordinaire qui n’aspire qu’au minimum humain : un toit et de la nourriture. Le président Martelly doit aller au-delà de la simple présentation de ses passeports à la télé s’il veut vraiment qu’il y ait une fin aux débats  et aux préoccupations légitimes autour de sa nationalité. Et s’il tient à soulager, comme il le proclame, la misère de son peuple. Haïti a assez de ces pokers menteurs qui se jouent dans les chancelleries étrangères. Au Palais. Et au Parlement.
D.V.

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