La rédaction de cet article fait suite á une réunion entre agronomes et techniciens vétérinaires de terrain au sujet du mépris grandissant de la population pour les campagnes de vaccination et aux réponses négatives des éleveurs du département de l’Ouest aux activités de l’ONG vétérinaire ARCH .
Part du secteur agricole dans le PIB de 1995 á 2008 en millions de dollars
1995 : 45.6% (PIB 1995 : 3 000 millions $)\
2002 : 29.25% (PIB 2002 : 3 500 millions $)
2006 : 27% (PIB 2006 : 4 244 millions $)
2008 : 25,9% ( PIB 2008 6.966 millions$)
Contribution du sous secteur élevage dans le PIB agricole
1990 31% du PIB agricole
2008 26 % du PIB agricole en 2008
Ref Sources Statistiques mondiales
Le tableau ci-dessus permet de constater une chute progressive importante de la contribution de la production agricole en pourcentage du PIB national au cours de la dernière décade. La contribution du sous secteur élevage au PIB agricole était de 31% ( Serge Arnoux politique élevage 1990). Si on applique ce pourcentage du sous secteur élevage au PIB agricole en 2008, la contribution de ce sous secteur au PIB agricole s’élèverait a 559.3 millions de dollars américains du PIB agricole, alors que les pertes dues aux problèmes de santé avoisinent les 30 á 40%. (MARNDR Direction Production Animale) .Dans tout pays où l’irrigation n’est pas dominante, comme dans le cas d’Haïti montagneuse á 75%, l’élevage est prioritaire sur l’agriculture parce que l’investissement est moins risqué pour le décollage économique d’une zone rurale. Tel n’en est pas le cas.
« Le rôle de l’élevage comme système d’épargne est aussi primordial. 80% des exploitations agricoles familiales élèvent un total de 4 millions de volailles, 65% des exploitations élèvent des chèvres (2.5 millions de caprins (plus de deux fois les populations caprines réunies de Cuba, République dominicaine et Jamaïque).55% élèvent du gros bétail (1.5 millions de bovins dont environ un tiers de vaches adultes) et 35% détiennent au total près de 1 million de porcs. Pour les années 1997-1998, les pertes annuelles provoquées en Haïti par la Peste Porcine Classique avaient été estimées à environ huit millions de dollars américains. Les pertes annuelles imputables aux parasitoses internes et externes ont été chiffrées à plusieurs dizaines de millions de dollars américains. Selon une étude réalisée en 2000 par une équipe conjointe FAO/MARNDR, les pertes annuelles causées par la Lucilie Bouchère du Nouveau Monde, s’élevaient alors à plus de 19 millions de dollars américains. La déficience organisationnelle et le manque de ressources humaines, de moyens matériels et financiers des services vétérinaires du MARNDR n’ont pas permis d’enrayer des maladies animales de grande importance économique comme la peste porcine classique ou la maladie de Newcastle ou à caractère zoonotique comme la rage et le charbon bactéridien qui provoquent, depuis des décennies, des dégâts considérables dans l’élevage haïtien et qui représentent, dans le cas des zoonoses un risque pour la santé humaine. » Ref Plan d’Investissement agricole MARNDR
Ce bref rappel de statistiques et de vérités animales du pays est pour démontrer le poids du sous secteur élevage dans l’économie agricole d’Haïti et rappeler l’élégance de tout choix de politique en matière d’élevage. Il est important que la communauté internationale, l’Exécutif et le Législatif qui financent et contrôlent les dépenses publiques de l’état accordent leurs violons sur les mesures de politiques publiques de vaccination des animaux en Haïti. Il faut le faire car les choix á l’origine des investissements consentis pour apporter un service pourtant crucial aux besoins des éleveurs haïtiens ne sont pas toujours faits dans l’intérêt de ces derniers. Peut on éviter ces pertes ? Combien représentent toutes ces pertes ? Quel est le cout de la structure de vaccination ?Quel est le prix de la totalité des vaccins obligatoires ? Quel danger constituent ces maladies non traitées sur la santé humaine ?Que représente la différence entre le montant des pertes totales subies par les éleveurs et le cout de l’infrastructure de sante animale. ?Le gouvernement a-t-il choisi effectivement de développer l’économie animale ? Est-il plus profitable de la faire avec des contracteurs ou avec les structures de l’état ? Quelles sont les chances d’exportation de nos produits animaux. ? Si non, le gouvernement a-t-il choisi de produire pour satisfaire la consommation locale ? Quel pourcentage d’emplois ce choix va créer sur le terrain ?Qu’est-ce qui doit être négocié, par rapport au commerce entrant des produits animaux avec la communauté internationale ? A la lumière des ressources naturelles disponibles, quel élevage prioriser , l’élevage bovin ou l’élevage de substitution ( Porcs et poulets) ? Quel est le choix politique cohérent á faire ? S’il s’avère que les pertes au niveau de l’éleveur sont de loin supérieures au cout de l’infrastructure de santé animale, il faut formuler des politiques publiques nouvelles qui permettent de choisir entre la vaccination et l’éradication . Il est créé une sorte de dichotomie entre l’état , l’International et la communauté des éleveurs, l’un ne comprenant pas les décisions ou les réactions de l’autre.
A ce moment précis des actions et des réactions des uns et des autres á propos de la vaccination qui reste un choix de politique, il est opportun que tout le commun des mortels soit informé des raisons de ce choix et des nuances fondamentales entre deux méthodes de contrôle de certaines maladies animales : l’éradication et la vaccination . Dans l’éradication il y a élimination complète de la maladie parce que l’animal, élément porteur et vecteur du microbe, est tué et le microbe aussi -Dans une politique de vaccination, le germe de la maladie est toujours présent sur le terrain, parce que le but de la vaccination n’est pas d’éliminer la maladie mais de contrôler annuellement la propagation du microbe en réalisant des objectifs de 97-98% de couverture vaccinale pour réduire considérablement les dégâts économiques.
Il est tout aussi opportun que ces informations trouvent leur écho dans la presse communautaire et nationale afin qu’elles aident les bailleurs de Fonds comme l’OMS, le PNUD, l’UE, L’OIE, aujourd’hui la BID á travers le Programme DEFI et certaines coopérations bilatérales comme la USAID, l’Espagne, le Brésil á affiner leur politiques de financement des campagnes de vaccination de certaines maladies du bétail en Haïti . La FAO et l’IICA qui devraient apporter leur assistance technique au ministère de l’Agriculture dans ce cas précis ne l’ont pas faite .Elles ont plutôt adopté une politique de survie qui les oblige á renoncer á leur vocation légale de coopération technique pour devenir de simples agences d’exécution ou de gestionnaires des fonds de petits projets bloquant ainsi les services appropriés du MARNDR dans leurs objectifs de planification et leurs devoirs de résultats.
Depuis un certain temps, á différentes époques de l’année et suivant la disponibilité de l’aide humanitaire, le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural annonce la réalisation de campagnes de vaccination contre certaines maladies du bétail, dont la rage , le charbon bactéridien, la Peste porcine classique et la maladie du New Castle pour ne citer que ces dernières. Le MARNDR aurait sacrifié la méthode de l’éradication par orgueil, par refoulement mêlé d’un sentiment de culpabilité et aurait décidé de ne pas dire la vérité aux éleveurs sur la vaccination.
Le MARNDR est á l’origine de la création des groupements de défense sanitaire connus sous le sigle de « GSB » qui sont des groupements communaux d’éleveurs formés non seulement pour encourager le développement de l’élevage mais surtout pour pallier au déficit de cadres intermédiaires dans la direction de la santé animale. Le MARNDR a toujours souhaité que les autorités locales des collectivités territoriales viennent en aide á ces GSB pour les faciliter la tache.
En terme de financement traditionnel , après l’USAID, l’OMS,L’UE qui financent les campagnes de vaccination sur la base de projets , entre aujourd’hui en scène la BID á travers le Programme DEFI . Apres le séisme du 12 Janvier , a émergé une Nouvelle ONG , ARCH, qui travaille sous la tutelle du ministère de l’Environnement et qui gaspille annuellement un million de dollars dans la santé animale. Il y a aussi l’ONG Veterimed dont le propriétaire est le Secrétaire d’Etat á la production et á la santé animale.
L’Eradication une méthode de mauvais gout politique
Il est écrit plus haut qu’il existe une certaine dichotomie entre le MARNDR et la communauté des éleveurs á propos du choix politique de la vaccination comme techniques de contrôle de certaines maladies du bétail á grande importance économique . Dans ce choix , l’état a sacrifié la méthode de l’éradication au profit de la vaccination sans pouvoir exprimer clairement sa décision . Les bénéficiaires potentiels en viennent á s’y désintéresser parce que ,disent ils, la vaccination discontinuée de leurs animaux et organisée sans calendrier annuel fixe ne correspond pas aux leçons apprises des campagnes antérieures. De plus pendant que se fait une campagne de vaccination, les animaux meurent d’autres maladies pour lesquelles l’état n’offre pas de vaccins. Ces campagnes improvisées de vaccination les laissent un arrière gout d’amalgame technico-politique.
De fait ,le ministère de l’Agriculture après l’échec cuisant du projet de Développement de l’élevage porcin, PDEP, devenu plus tard (PRP) projet de Repeuplement Porcin, avait préféré la vaccination á l’éradication en raison du souvenir amer que charrie ce choix après le massacre des cochons créoles atteints de la peste porcine africaine. Le PDEP a échoué pour la raison bien simple qu’il n’y avait pas prévu de nourriture pour donner á manger aux porcs et parce que l’éleveur haïtien n’avait pas droit au crédit agricole pour acheter á l’étranger les ingrédients de base de la nourriture comme l’ont fait la Jamaïque ou la République Dominicaine. Rappelons aussi que l’enveloppe budgétaire du Bureau de Crédit Agricole, BCA, n’a jamais dépassé les 2% des besoins en crédit des agriculteurs et que le BCA a été phagocyté dans ses beaux jours par l’USAID qui lui demandait de laisser tomber au profit de plus gros prêts agricoles le crédit aux petits éleveurs , remboursé avant la PEPADEP á 96% dans l’embouche bovine et dans l’engraissement des porcs.
Les gouvernements haïtiens ultérieurs reconnaissant qu’ils avaient embarqué la population des éleveurs dans une plaisanterie de mauvais gout dans l’éradication des cochons créoles vivent depuis 1982 un sentiment d’orgueil, de refoulement et de culpabilité qui les fait cultiver une peur bleue de l’éradication , en adoptant la pratique de la vaccination sans en posséder les moyens . La communauté des éleveurs une fois embarquée dans le choix politique de la vaccination mal implémenté , esquisse après plus de vingt ans d’application, une lassitude compréhensible pour cette méthode de protection des animaux correcte . Elle n’y va pas par quatre chemins pour signaler aux agronomes apres le seisme du 12 janvier que la vaccination des animaux en ce temps de chômage et de misère n’était pas leur priorité # 1, que des kits d’alimentation répondraient mieux á leurs problèmes de tous les jours.
Face á ces commentaires étrangement curieux. un état normal dont la mission est d’apporter les services á la population, se doit de les questionner, de l’analyser afin d’apporter les redressements que de droit. En guise de réponse l’Etat a récidivé en autorisant ARCH á opérer dans les mêmes conditions et en parallèle avec le MARNDR.
Quelle est la logique dans la réaction de l’éleveur ?
Du point de vue de la communication, l’analyse de la réaction de l’éleveur est plus que logique et elle découle des politiques suivies par le gouvernement et la communauté internationale dans la Santé Animale. Le gouvernement tout en réfutant, politiquement parlant, l’éradication, n’a pas non plus objectivement opté pour la vaccination parce qu’á date, le gouvernement n’a jamais alloué au budget national un montant annuel pour la vaccination permanente des animaux . N’ayant pas les ressources internes pour faire marcher le service de la vaccination , elle a opté pour ne pas diffuser l’information critique sur la vaccination. « Une des formes les plus pernicieuses d'agonie de notre culture, écrit Pierre Raymond Dumas, c'est l'amnésie collective dont le principal terreau est l'ignorance des masses. Si l'on veut casser cette régression et propulser cette renaissance, il faut instruire la grande majorité et créer une véritable élite dirigeante dans notre pays. « Le MARNDR devrait œuvrer á créer cette élite dans le secteur agricole.
Voici un exemple d’informations critiques á destination des bénéficiaires qui devait être prêché par les animateurs de terrain :
-L’éradication est la méthode de choix pour détruire une maladie á virus. L’état haïtien ne peut pas l’envisager parce qu’il ne dispose pas des moyens financiers pour repeupler le pays après le vide sanitaire créé.
-La communauté internationale soucieuse de protéger le commerce du cheptel des pays donateurs pratique une politique de confinement de la maladie dans les limites du territoire et ne serait pas favorable au développement de ces élevages dans la partie Ouest de l’ile d’Haïti .
-La vaccination consiste á injecter annuellement dans le corps de l’animal le germe inoffensif de la maladie pour l’en immuniser
-Lorsqu’on choisit la vaccination ,on choisit de cohabiter pour toujours avec le microbe et par voie de conséquence on choisit de soustraire la production filière du cheptel national au commerce extérieur qui n’accepterait pas l’importation du microbe en territoire étranger ( interdiction d’exportation des tapis faits de peau de bœufs et de cabris, du commerce des œufs, de la viande de porcs, en raison des spores de la maladie du charbon, du virus de la grippe aviaire et de celui de la Peste Porcine Classique )
- Le but de la vaccination n’est pas d’éliminer la maladie mais de contrôler la propagation du microbe en réalisant des objectifs de vaccination de 97-98% pour réduire considérablement les dégâts économiques..
-Le pourcentage de 1-á 2 % d’animaux non vaccinés chaque année suffit pour re-contaminer le troupeau national á cause de l’élevage libre , de la circulation non contrôlée des animaux dans les marchés publics du pays, de l’état de dégradation de nos bassins versants , si la vaccination n’est pas répétée chaque année sur une base régulière..
La vaccination á cause de ces contraintes lourdes á lever est une activité essentielle de l’état, et comme telle, elle devrait être permanente, régulière et programmée chaque année au budget du MARNDR
-La vaccination rendue permanente et obligatoire, puis reconnue comme une activité de santé vétérinaire hautement payante pour les éleveurs , devrait après un certain temps être fournie dans le privé par des associations d’éleveurs ou de corps vétérinaires .
_L’absence de crédit á la production animale et la peur de dire la vérité aux éleveurs font que le privé a peur d’investir dans les infrastructures de production et que l’Etat vient á endosser une activité rentable pour laquelle il n’a pas les moyens de sa politique
-L’Education des éleveurs sur la vaccination est devenue une activité surveillée et temporaire abandonnée aux caprices des ONG qui envoie des messages non décodables par les éleveurs. (ARCH, Veterimed).
Après le désastre du 12 janvier 2010, la communauté internationale tout en mettant en garde le MARNDR contre une résurgence en bloc des maladies traditionnelles de l’élevage et l’apparition de nouvelles maladies dues aux conditions non contrôlées de circulation des hommes ,du commerce international et de détérioration de la vie , continue d’appliquer la même politique de financement des ONG. Elle complique le problème au lieu d’aider á sa solution. Comme le gouvernement ne veut pas fixer les règles du jeu, la communauté des éleveurs prend la décision de forcer le MARNDR á trancher. Au lieu d’exploiter positivement l’émergence de ces maladies post séismes pour reformuler sa politique de production et de santé animale , le gouvernement a pris la décision partisane de renforcer la secrétairerie d’état á la production et á la santé animale pour coordonner l’aide de la communauté internationale. Il a plutôt ravivé les rivalités internes entre les cadres techniques qui travaillent mieux avec la direction générale qui coordonne toutes les activités techniques au sein du MARNDR.
michelwilliam1000@hotmail.com
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