Document
d’orientation
pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon
une vision haïtienne
Avril
2011
FONDATION HAITIENNE POUR LE DEVELOPPEMENT INTEGRALE LATINO AMERICAIN ET CARIBEEN (FONHDILAC)
DUVAL
24. VAL DES LAURIERS#6
CROIX-DES-BOUQUETS.HAITI.WI.
La
FONHDILAC tient à remercier celles et ceux qui ont rendu ce document possible.
Ce document est le second de la série et se veut être un hommage humble
à la mémoire des trop nombreuses victimes du séisme du 12 janvier 2010. La
fondation tient à manifester également sa gratitude au Forum Agricole Goâvien
(FAG) qui a facilité une validation certaine des communautés rurales et
périurbaines de cet exercice.
DOCUMENT D'ORIENTATION POUR LA REFONDATION DE L'ETAT D'HAITI SELON UNE VISION HAITIENNE
I.
CONTEXTE
La République d’Haïti occupe le tiers
occidental de l’île d’Haïti (Quisqueya) dans la Mer des Caraïbes sur une superficie totale de 27 750 km2.
La population haïtienne était estimée à 10 millions d’habitants en 2010 alors
que le pays ne comptait que 3 millions de personnes en 1950. Cette forte croissance
démographique se traduit en une forte densité d´environ 360 habitants par km2.
Malgré une tendance à l’urbanisation progressive, la population en milieu rural
représente environ 60% de la population totale.
Le pays est administrativement divisé
en dix (10) départements. Parmi ces 10 départements, celui de l’Ouest à lui
seul absorbe 39% de la population totale avec une très forte concentration dans
l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (25% de la population).
Située sur la route des cyclones,
Haïti est régulièrement victime des ouragans. En 2004, elle a fait les frais de
deux inondations majeures suite à des phénomènes climatiques exceptionnels à
Mapou/Fond Verrettes en mai et aux Gonaïves en septembre qui font plus de 4,000
morts. En 2008, elle a été dévastée par quatre tempêtes tropicales
(Fay, Gustave, Hanna, Ike) ayant frappé neuf (9) des dix (10) départements du pays. Ces ouragans
dévastateurs avaient fait, d’après les organisations humanitaires, plus de 800
morts, 800,000 sinistrés, et causé des pertes matérielles estimées à environ 1
milliard de dollars américains (15% du PIB).
En dépit de cette situation, des efforts du Gouvernement et ceux de la
communauté internationale, avaient permis, contre toute attente, à des
résultats surprenants en 2009 (taux de croissance du PIB de 2.9%), le seul PMA
de la région amérique latine et caraïbe (ALC) venait de surprendre tout le
monde dans une année de récession mondiale. Haïti s’est donc replacée sur la
carte mondiale du business.
Malheureusement,
Haïti a subi, le 12 janvier 2010, un violent séisme de
magnitude 7.3, dont l’épicentre se trouvait à 10 Kms de profondeur aux environs
de la ville de Léogâne. Ce séisme a provoqué des dégâts dans plusieurs villes
haïtiennes dont la Capitale,
Port-au-Prince, et l’effondrement de la
quasi-totalité des symboles physiques de l’État (120% du PIB de 2009 selon le
PDNA 2010). Il a été enregistré, selon les autorités compétentes, 316,000 morts, 3,5 millions d’individus en
situation d’urgence médicale, 4,000 amputés, 1,3 million de sans abri. Dans le
cadre du plan national pour la relèvement et le développement national d’Haïti
(PARDNH), il est prévu 34.5 milliards d’USD pour la reconstruction du Pays
durant 22 ans. Ce plan présenté à New York, le 31 Mars 2010, a reçu 9.9
milliards d’USD de promesse de la Communauté Internationale (CI). La continuité
des travaux prévus dans le cadre du document stratégique pour la
croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP2008-2011) et les premières
actions humanitaires et de relèvement dans le cadre du PARDNH, n’ont certes pas
permis de maintenir le taux de croissance du PIB de 2009, mais ont évité un
taux de croissance négatif à deux chiffres (taux de croissance 2010 :
-5.1% ). Des 9.9 milliards d’USD, 37.2%
ont été engagés jusqu’en mars 2011, selon Bill Clinton, dans la cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti
(CIRH). Avec ce taux de croissance négatif, la situation de la population
haïtienne (taux de croissance de 2%) s’est donc aggravée : augmentation de
la pauvreté, insécurité alimentaire, 55% de la population vit dans des
conditions infrahumaines liées à la faiblesse institutionnelle nationale et
locale et aux inégalités spatiales dans l’offre des équipements collectifs
(Guichard Doré in Le Matin du 15 au 21 avril 2011).
De plus, en 2010, Haïti a du faire
face à d’autres problèmes découlant du choléra (plus de 5000 morts depuis
novembre 2010), du cyclone Tomas, des résultats des élections du 28 novembre
2010 (100 M d’USD de dommages) et du 20 mars 2011 (perturbations au niveau de
certaines villes et sur les routes nationales). Malgré tout, lors des journées
de la finance (4-8 Avril 2011) organisées par le Group Croissance et la Banque
de la République d’Haïti (BRH), le Ministre de l’économie et des finances
affirme que, en dépit des perturbations politiques enregistrées au cours du
premier semestre de l’exercice fiscal 2010-2011, le taux de croissance du PIB
de 8.9% prévu sera autour de 8% à la fin de l’exercice, à moins que l’on
enregistre des catastrophes graves avant septembre 2011. D’un autre coté, le
mercredi 4 avril 2011, à la cérémonie d’ouverture de cet événement, le
Gouverneur de la BRH table sur des hypothèses de taux de croissance de 7% du PIB durant les 10 prochaines années
pour passer de 700 USD du PIB per capita à 1400 USD per capita. Et
l’économiste, Charles Clermont, pense qu’avec une politique axée sur le
développement des PME, Haïti pourrait doubler son PIB per capita tous les cinq
(5) ans avec une hypothèse de taux de croissance annuel de 15% du PIB, tous
les six(6) ans avec une hypothèse de taux de croissance de 12% du PIB selon
le Banker, Carl Braun[1],
du Groupe UNIBANK.
Lors de la réunion mensuelle du deuxième dimanche du mois
de la FONHDILAC, le 9 avril 2011, les cadres de l’institution, comme ils ont
fait après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, ont pris la résolution
de mettre en place un comité de rédaction pour l’élaboration d’un document
d’orientation qui pourrait contribuer à orienter le pays durant les 25
prochaines années y inclus le quinquennat du nouveau président SEM Michel
Joseph Martelly.
Ainsi, ce changement de gouvernement et de vision
politique a poussé les cadres de la FONHDILAC à réfléchir, suite à leur Plaidoyer pour la refondation de l’Etat
d’Haïti selon une vision Haïtienne, sorti en février
2010, sur ce présent document intitulé : Document d’orientation pour la Refondation de l’ Etat
D’Haïti selon une vision haïtienne, 14 mois plus tard.
Ce document, qui se veut une suite logique du premier sorti d’il y a environ un
an, s’articule autour d’une vision, des objectifs, d’un cadre philosophique,
des principes directeurs, des résultats attendus, des grandes lignes
d’orientation, des actions, d’une stratégie globale de mise en œuvre, du
chiffrage des actions, d’un chronogramme des actions, des risques et de leur
gestion.
C’est
un document basé sur des hypothèses optimistes (8-12% de croissance économique
annuelle et 1% de croissance annuelle de la population) en dépit du fait que
Haïti, pays de surprises négatives mais aussi capable d’exploits les plus
extraordinaires et de résultats les plus surprenants dans des contextes
mondiaux hostiles, puisse faire mentir les plus pessimistes et entrainer ses
fils et filles vers des résultats axés sur une vision d’ensemble assez claire
et des objectifs précis basés sur des hypothèses de travail certes optimistes, mais réalistes
dans un contexte haïtien de réconciliation nationale et d’envie de vivre
ensemble en vue de refaire de notre pays, la
perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbe, et être un pays émergent à l’horizon 2035
II.
LA VISION ET LES OBJECTIFS
La vision de cette Haïti de demain n’est pas
différente de celle exprimée dans le document stratégique national pour la croissance
et la réduction de la pauvreté (DSNCRP 2008-2011). Cette vision a été exprimée
dans le discours de lancement[2]
du PDNA 2010, le 18 février 2010, à Karibe Convention Center, Pétion
ville : Nous partageons un
rêve : celui de voir Haïti comme un pays émergent d’ici 2030, société de
la simplicité, équitable, juste et solidaire, vivant en harmonie avec son
environnement, sa culture et une modernité maîtrisée où l’Etat de droit, la
liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont
établis, dotée d’une économie moderne, forte, dynamique, compétitive, ouverte
et à large base territoriale, où l’ensemble des besoins de base de la
population sont satisfaits et gérés par un Etat unitaire, fort, garant de
l’intérêt général, fortement déconcentré et décentralisé.
Cette vision gouvernementale n’est pas trop
différente de celle déjà exprimée par la société civile tant en Haïti que dans
la diaspora. En tout cas, elle résume bien le texte de plaidoyer de la
FONHDILAC, et sied parfaitement à la vision exprimée par la FONHDILAC et à la
philosophie dégagée dans le cadre de l’approche hexagonale.
Objectif Principal
L'objectif principal du Document
d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision
haïtienne est de formuler des propositions
concrètes aux instances concernées par la refondation de l’Etat d'Haïti, en se
basant sur des réflexions menées de manière participative tant au niveau de la
FONHDILAC qu’au niveau d’autres entités de l’Etat, de la société civile et de
la communauté internationale collaborant avec Haïti, et en profitant au
maximum des expertises et sensibilités
disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Objectifs spécifiques
- Promouvoir les
actions visant la refondation de l’Haïti de demain, plus équitable, fondée
sur le droit, le partage, la solidarité, l'éducation, le respect de
l'environnement et le culte du bien commun;
- Promouvoir la mise en
place d’un système tendant vers
un citoyen responsabilisé[3]dans
une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement
responsable[4] ».
- Promouvoir le
développement d'Haïti par une planification stratégique basée sur
l’humain, le social, l’environnemental, sur l’infrastructurel, et sur une
bonne gouvernance économique, financière et politique, et tenant compte de
l’utilisation efficace des ressources humaines disponibles tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur ainsi que des ressources naturelles à
l’intérieur d'Haïti;
- Mettre en place des
mécanismes permettant une solidarité internationale plus efficiente à
l'égard d'Haïti dans le cadre de la réforme de l’Etat visant une meilleure
distribution de la justice, une meilleure distribution de la richesse du
pays, la déconcentration administrative, la décentralisation et
l’aménagement du territoire selon 4 régions (Nord, Centre, Ouest et Sud),
10 départements, 42 arrondissements, 140 communes et 570 sections
communales.
III.
LE CADRE PHILOSOPHIQUE ET LES
PRINCIPES DIRECTEURS
Approches philosophiques
Le cadre philosophique de ce document
d’orientation s’articule autour des approches participatives, territoriales et
se base surtout sur l’approche hexagonale développée par la
FONHDILAC. « L’approche hexagonale est étroitement
liée aux approches Bassin Versant, territoriale, Cluster, à l’approche
participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la
responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux
local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de
diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement
durable à ces divers niveaux » D’où les principes directeurs retenus.
Principes Directeurs
Dans
le cadre de ce document, nous avons adopté les six principes du groupe GRAHN[5] :
1.
Justice sociale et participation citoyenne : reconstruire une citoyenneté partagée
qui permet à chaque Haïtienne/Haïtien de jouir pleinement de ses droits, sans
aucune forme de discrimination, tout en assumant pleinement ses devoirs envers
la société;
2.
Droit et accessibilité aux services de
base :
reconnaître le droit de tout citoyen à des services de base tels l'éducation,
la santé, l'alimentation, l'eau potable, le logement, et entreprendre les
actions nécessaires visant à terme l'accessibilité de ces services de
base à tous les Haïtiennes/Haïtiens, sans exclusive;
3.
Continuité des actions positives : identifier, valoriser et poursuivre les
bonnes initiatives qui ont cours dans le pays, en évitant de faire table rase
des expériences édifiantes pour repartir de zéro;
4.
Arrimage avec le pays intérieur comme
manifestation de la solidarité nationale : prendre en compte les aspirations et
les préoccupations de la société civile haïtienne afin de contribuer à la
réalisation de celles-ci et de les porter au devant de la scène internationale;
5.
Urgence compatible avec le long terme : régler les problèmes urgents d'aujourd'hui en
ayant recours à des solutions intelligentes et responsables qui n'hypothèquent
pas l'avenir du pays;
6.
Développement durable : privilégier les choix de reconstruction
et de développement qui préservent les générations futures.
Auxquels, nous
ajoutons les principes directeurs définis par la FONHDILAC en relation avec les axes fondamentaux de
l’approche hexagonale :
Axe humain
Le principe
fondamental est la satisfaction des droits humains fondamentaux en référence à
la déclaration universelle des droits de l’homme, la constitution de 1987 et les objectifs du
millénaire pour le développement.
Axe socio-culturel
Au niveau
de cet axe, nous avons deux principes
fondamentaux
1.
Participation-responsabilisation
2.
Promotion et Protection de la
culture nationale
Axe environnemental
Le principe
fondamental est le développement durable, exploitation
« conservatrice » des ressources naturelles.
Axe infrastructurel
Au niveau
de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux :
1.
l’aménagement du territoire doit
respecter le principe du développement durable
2.
les investissements doivent être
répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire (déconcentration
économique).
Axe économique et financier
Le principe
fondamental est l’accès équitable aux biens et services résultant des activités
de production et de distribution.
Axe politique
Le principe fondamental est une répartition équitable, socialement
(principe démocratique) et géographiquement (décentralisation, déconcentration
administrative), de la participation de
la population aux décisions et de leur mise en œuvre.
En référence, au cadre philosophique et aux principes directeurs retenus et
développés, on peut s’attendre à des
résultats tels détaillés au point 4.
IV.
LES RESULTATS ATTENDUS
Les résultats attendus le sont eu égard à
l’approche hexagonale. L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la
démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour
l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre
naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre
économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable
et démocratique. D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le
capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le
capital financier et économique et le capital politique. Ce qui peut se
schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux
à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de
manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et
économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une
gouvernance économique régulatrice et incitatrice, et le système politique
pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système
global.
En clair, le résultat final se traduira
par la mise en place d’un nouveau système favorisant une Haïti émergente
et moderne à l’horizon 2035 axé sur :
(i)
Le capital humain comme tenant et
aboutissant du processus de développement local et national avec un taux de
croissance de population en deçà de 2% ; Ce qui se traduira par une masse
critique de gens éduqués (90% de la population) tant au niveau primaire (100%),
secondaire (100%), universitaire (70%) et professionnel (100%), en bonne
santé disposant de services de santé,
d’eau potable, d’électricité, de communication, d’emploi (90%) à leur portée et leur permettant de
satisfaire leurs besoins primaires (se nourrir, se loger, s’éduquer, se
divertir) ;
(ii)
Le capital
social comme
élément fondamental du système social et
de socialisation (60% de la population regroupés dans des associations)
; en promouvant sa force culturelle, l’haïtien se regroupe en société selon sa
religion, son métier, ses intérêts, ses champs de compétences, de
loisirs ;
(iii)
Le capital
environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique
d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; l’haïtien procède à la
régénération de son environnement naturel (25% de forêt primaire ajouté au 29%
de couverture végétale actuelle[6])
qu’il perpétue avec amour à l’intérieur de ses organisations sociale, culturelle,
écologique, économique et politique, en réseaux entre elles et avec des
organisations de mêmes types au niveau de la caraïbe, de l’Amérique Latine et
du monde ;
(iv)
Le capital
physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain
regroupé en société ; avec l’aide de la
communauté internationale, l’Etat d’Haïti, à travers ses gouvernements, procède, à partir d’un excellent plan
d’aménagement du territoire, à la réhabilitation, la construction des équipements (logements (70%), bâtiments
administratifs (100%), scolaires (100%), universitaires (4 grandes universités
dans 4 régions), sanitaires (70%), industriels (50%), commerciales (50%) et
touristiques (40%), réseaux d’irrigation (100%), de routes (100%), d’eau
potable (100%), d’électricité (90%), de télécommunications (70%), etc.
(v)
Le capital financier
et économique ( taux de croissance du PIB
8-12% par an, PIB 2035 :
3.5-4500 USD/Hab., à partir
de la bonne gouvernance et avec l’appui de
la communauté internationale dans un premier temps, et du secteur privé tant
haïtien qu’étranger, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre
d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer
à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le
système et le perpétuer, et
(vi)
Le capital politique comme cadre
fondamental de planification, de conception, de coordination, d’incitation,
d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance, s’oriente vers une
Haïti compétitive exploitant à fonds ses richesses naturelles en les
répartissant de manière la plus équitable possible grâce à une politique de
décentralisation et de déconcentration administrative basée sur les
potentialités des différentes régions du pays et d’une vingtaine de pôles de
développement.
V.
LES GRANDES ORIENTATIONS
Les grandes orientations
stratégiques de ce document
d’orientation s’articulent autour des grandes lignes suivantes :
(i)
Une politique de
population et de développement des
ressources humaines axée sur le
respect des règles de la vie
associative, de la gestion financière et économique, et de la vie politique,
sur le respect de l’environnement et des infrastructures mises en place avec et
pour la population, et se basant sur un taux de croissance avoisinant 1% au
lieu de 2% actuellement, sur une politique sanitaire visant la couverture
sanitaire de tout le pays depuis la section communale la plus reculée jusqu’au
niveau de la ville , sur une politique de sécurité alimentaire et
nutritionnelle visant la satisfaction des besoins de la population en la
matière jusqu’au niveau de souveraineté alimentaire le plus élevé possible et
tenant compte des aspects sanitaires, éducatifs, environnementaux, agricoles,
culturaux, économiques et financiers ;
(ii)
Une politique de
mise en place d’un système social plus équitable basé sur l’éducation visant
la compétitivité, en passant par la scolarisation universelle, le nouveau secondaire, l’université, tenant
compte de la culture haïtienne avec des ouvertures sur l’extérieur, en
particulier la Caraïbe, l’Amérique Latine, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique du
Nord, l’Asie et le monde, et promouvant
une vie associative riche et bien régulée par une gouvernance sérieuse et
incitative, des structures de gestion de l’environnement, des infrastructures,
des structures de participation à la vie économique et à la vie politique avec
des investissements importants dans le système social ;
(iii)
Une politique
de protection de l’environnement et des ressources naturelles axée sur l’éducation au respect de
l’environnement, sur la gestion des risques et désastres, sur la participation de la population et de ses
organisations à la gestion de l’environnement, sur sa réhabilitation totale,
sur la promotion de l’écotourisme, du tourisme culturel, sur la mise en place des structures de gestion de
l’environnement tant au niveau étatique, que des collectivités territoriales et
de la société civile, et sur des investissements importants au niveau de l’environnement ;
(iv)
Une politique
d’aménagement du territoire agressive
axée sur l’éducation au respect des infrastructures, sur la
participation des structures sociales, de la société civile, des collectivités
territoriales et étatiques dans la gestion des infrastructures, avec un zoning
strict des aménagements (logements,
routes, irrigation, eau potable, hôpitaux, etc.) respectueux des normes
environnementales, tenant compte de la nature
montagneuse de la République d’Haïti et de la situation de la vulnérabilité de
l’environnement haïtien et de ses nombreux risques et des investissements
importants y relatifs ;
(v)
Une politique
économique et financière visant un système financier et économique non
inflationniste (taux d’inflation < 10%), protectionniste au même niveau que
la Caraïbe sur certains aspects et libérale
sur d’autres aspects, basée sur
des grands choix économiques et financiers,
sur l’harmonisation des politiques fiscales (taux de taxation autour de
15%) et monétaires (taux de change autour de 40 HTG pour 1 USD) et des taux de
crédit incitatifs et favorables au développement des petites et moyennes
entreprises (PME) et une couverture d’assurance à toutes épreuves couvrant tous
les risques auxquels fait face le Pays Haïtien. Tout ceci est soutenu par
une éducation économique et financière à
la base, une incitation à la vie économique, à la priorisation de la protection
de l’environnement, à la répartition équitable des infrastructures sur tout le
territoire national ;
(vi)
Une gouvernance
politique visant le bien être de la population haïtienne et axée sur
l’éducation politique de la population, sur sa participation à la vie
politique, à la gestion de l’environnement, à la gestion des infrastructures, à
la gestion des ressources financières, sur la déconcentration administrative,
sur la décentralisation à partir de 4 régions, des 10 départements et des 42
arrondissements, sur une justice équitable , sur la reforme de l’Etat, sur la
répartition des richesses eu égard aux potentialités de chaque région et des
pôles de développement susceptible de garantir une croissance soutenue du PIB
autour de 8-12% sur une période de
25 ans.
VI.
LES ACTIONS
De ces grandes orientations
découlent les actions suivantes articulées autour des ressources humaines comme
tenants et aboutissants du processus de développement durable. Partant de la
gouvernance politique qui englobe l’éducation politique, la participation à la
vie politique, à la gestion de l’environnement, des infrastructures, des
ressources financières, les politiques d’Etat axées autour des six axes et
exprimées dans le tableau suivant en termes d’éducation, de gestion, de
respects des normes et des règles du jeu établies et en termes
d’investissements publics et privés, ne visent qu’au renforcement du cadre de vie de l’Haïtien et de ses
associations. Toutes les actions exprimées dans ce tableau et articulées autour
des six axes sont autant de politiques publiques à renforcer et à mettre en
œuvre pour aboutir à l’Haïti de
demain rêvée par tous les haïtiens.
Croisement des axes en 36 éléments satellitaires ou actions à
entreprendre/à consolider
A
|
B
|
C
|
D
|
E
|
F
|
||
Axe Humain
|
Axe Social et Culturel
|
Axe Environ-nemental
|
Axe Infra-structurel
|
Axe Economique
et Financier
|
Axe Politique
|
||
I
|
Axe Humain
|
Les ressources humaines
|
Socialisation
|
Éducation au
respect de l’environnement
|
Éducation au
respect des infrastructures
|
Éducation
économique
|
Éducation politique
|
II
|
Axe Social et Culturel
|
Participation à
la vie associative
|
Système social
|
Participation à
la gestion de l’environnement
|
Participation à
la gestion des infrastructures
|
Participation à
la vie économique
|
Participation à la
vie politique
|
III
|
Axe Environ-nemental
|
Respect de l’environnement
|
Structures de
gestion de l’environnement
|
Ressources
naturelles
|
Aménagement
respectueux de l’environnement
|
Priorisation de
la protection de l’environnement
|
Gestion de
l’environnement
|
IV
|
Axe Infra-structurel
|
Respect des
infrastructures
|
Structures de
gestion des infrastructures
|
Structures de
protection de l’environnement
|
Aménagement du territoire
(4 Régions, 10 dpts, 42 arrondissements, 570 sections communales
|
Répartition
équitable des infrastructures
|
Gestion des
infrastructures
|
V
|
Axe Economique
et Financier
|
Respect des
règles de la vie économique
Investissements
dans l’éducation
|
Structures de
participation à la vie économique
Investissements
dans la vie associative
|
Investissements
protecteurs de l’environnement
|
Investissements
dans les infrastructures (Logements, routes, irrigation, EP, Electricité,
NTIC, ports, Aéroports,etc)
|
Le système économique et financier
|
Gestion des
ressources financières
|
VI
|
Axe Politique
|
Respect des règles
de la vie politique
Politique de
développement des ressources humaines
|
Structures de
participation à la vie politique
Régulation de la
vie associative
|
Politique de
protection de l’environnement
|
Politique
d’aménagement du territoire
|
Définition des
grands choix économiques et financiers
|
La Gouvernance
|
VII.
LA STRATEGIE DE MISE EN OEUVTRE
La stratégie de mise en œuvre du nouvel Etat d’Haïti selon une vision
haïtienne, tout en s’inspirant de certaines propositions de réformes de l’Etat glanées ça et là et de
certaines pratiques en cours au niveau de l’actuel Etat d’Haïti pour faciliter la transition et
la continuité, se base sur deux points
importants à notre avis : A) la réorganisation de l’Etat d’Haïti, et B) la
gestion des grandes catégories d’actions.
A.
La réorganisation de l’Etat d’Haïti
Pour la mise en œuvre de l’ensemble
des actions ou politiques publiques décrites plus haut, il faudrait procéder
par une réorganisation profonde de l’appareil étatique et gouvernemental. La
constitution de 1987 modifiée, le plan stratégique de sauvetage National
(PSSN), les travaux de réformes de la commission Nationale de reforme
administrative (CNRA), les travaux du Groupe de Réflexion et d’Action pour une
Haïti Nouvelle (GRAHN), les Travaux des diverses commissions présidentielles,
les travaux de la société Civile et du secteur privé Haïtien pourront
contribuer à la mise en œuvre de ce document d’orientation.
Le regroupement des ministères selon leurs missions et attributions
L’ensemble des services de l’Etat
seront regroupés en onze (11) grands ministères : (i)Le Ministère de l’intérieur, de la défense
nationale et des collectivités territoriales,(ii) le Ministère des affaires
étrangères, de la coopération externe et des Haïtiens vivant à l’Etranger,(iii)
le Ministère de la planification, de l’Aménagement du Territoire, de la
fonction publique, (iv) le Ministère de l’économie, des finances, du commerce
et de l’industrie, (v) le Ministère des travaux publics, transports et Communications, (vi) le
Ministère de l’éducation Nationale, de la jeunesse, des sports et des Services
civiques,(vii) le Ministère de la Santé publique, de la population et de la
condition Féminine, (viii)) le Ministère de l’Agriculture, des Ressources
Naturelles, de l’environnement et de la pêche, (ix) le Ministère de la culture,
de l’Information et du Tourisme,(x) le Ministère des affaires sociales,
humanitaires, des cultes et de l’emploi. (xi)
Le Ministère de la justice et de la Sécurité publique
Les secrétaireries d’Etat
Chaque Ministère sera subdivisé en
secrétaireries d’Etat. Les ministères actuels regroupés sous le label d’un un autre ministère seront dirigés
automatiquement par un Secrétaire d’Etat. Chacun des services de l’État se retrouve déconcentré au niveau
des 10 départements et des 42 arrondissements avec tout le personnel et l’équipement nécessaire
pour faire fonctionner le service au niveau local et satisfaire les besoins de
la population concernée en la matière.
Ce mode d’organisation de l’Etat permettrait un
fonctionnement optimum jusqu’à l’adaptation finale qui correspondrait à la vision
de changement du nouveau pouvoir. Le changement ne devrait pas être seulement
un changement de certaines personnes, mais aussi et surtout un changement de
mentalité et de structure organisationnelle de l’Etat avec obligation de
résultats périodiques et finaux.
L’organisation des Collectivités Territoriales
en 4 régions et 42 arrondissements
Les collectivités
territoriales seront regroupées dans 4 régions Nord, Centre, Ouest et Sud et
administrées au niveau de 42 arrondissements regroupant communes et sections
communales avec 20 grands pôles de développement bien équipés , dotés de tous
les services de base (hôpitaux, écoles, centres de formation professionnelle,
industries, centres de loisir, etc.), et entourés de villes satellitaires
tampons bien dotées elles aussi, mais à un degré moindre que les
arrondissements, ainsi de suite jusqu'au niveau des sections communales. Les 4
régions seront dotées de 4 campus universitaires garantissant l'avantage
compétitif de notre pays dans des domaines bien spécifiques.
B.
La mise en œuvre des grandes catégories d’actions de l’Etat
Pour y parvenir, la nouvelle
administration, issue des élections, tout en contrôlant, de manière stricte, la
question d’insécurité, devrait s’atteler à quatre (4) grandes catégories
d’actions. Il en sera de même pour toute nouvelle administration durant les 25
prochaines années avec les mêmes
catégories d’actions, mais un peu différentes du point de vue thématique d’un
quinquennat à l’autre. Peut-être que l’on n’aura plus besoin d’une grande
concertation nationale (réf.7.B.3) après la première qu’aura organisée cette
nouvelle administration issue des élections
du 20 mars 2011. De toute manière, attardons-nous sur les 4 catégories
d’actions.
1.
La gestion des actions d’urgences
Les actions d’urgences
se regroupent en actions liées au choléra, le déplacement des sans abri dans
des endroits décents, en attendant de les héberger définitivement dans des
logements dignes de ce nom au niveau des pôles développement, de préférence
loin de Port-au-Prince, d’où nécessité d’un travail de recensement très sérieux
des sans abri et de leurs lieux d’origine et de ce dont ils disposaient avant
le séisme ; la préparation de la saison cyclonique 2011 avec plan de
contingence, la poursuite des travaux de protection des villes contre les
inondations périodiques, l’assainissement des villes, des villages, la
réparation des rues, des routes de pénétration, des pistes rurales,
l’enlèvement des débris dans les zones affectées par le séisme, le curage des
drains et des canaux, etc. ; la préparation des campagnes agricoles de
printemps, d’été et d’hiver en s’appuyant sur le plan préparé par le ministère
de l’agriculture, le cluster agriculture pourrait grandement aider, le
traitement des ravines, des rivières, des versants, la mise en place des
structures biologiques et mécaniques, etc. ; la création d’emplois
temporaires dans les domaines d’assainissement , d’adoquinage de rues,
d’irrigation, de conservation de sols et de l’eau, d’enlèvement des débris, de
construction de logements sociaux, etc. Il faudrait que les travaux
d’urgences aient des liens de continuité avec les actions durables.
2.
La gestion des actions durables et structurantes
Certaines actions sont en cours d’exécution au
niveau des grands chantiers routiers, d’irrigation, d’eau potable,
d’électricité, de constructions d’écoles, de centres administratifs, de santé,
d’universités, de centres de stockage. Le Gouvernement a intérêt à poursuivre
ces actions, à mettre en œuvre les études, à faire d’autres études, à réaliser d’autres projets. Le plan national
d’éducation, le plan national d’investissement agricole, le plan national de
sécurité alimentaire, le plan directeur de vulgarisation, les travaux des
diverses commissions, les 74 projets approuvés par la CIRH, les réformes
entamées au niveau de l’Etat, au niveau
du système bancaire, au niveau du système d’assurance, les projets de lois, les
décrets, la reforme constitutionnelle, tous ces travaux, toutes ces actions
devront se faire dans un souci de
continuité de l’Etat. Il a été programmé un certain nombre d’actions dans le
cadre de la CIRH dont le mandat arrive à
terme en octobre 2011. Cette structure devra être remplacée à cette date par
une agence de développement d’Haïti (ADH). Il ne faudra pas trop se battre avec
la communauté internationale par rapport à cette entité. On pourrait facilement
renégocier tout cela au moment de la création de l’Agence de développement.
3.
La grande concertation nationale
Haïti dispose
d’un ensemble de plans dont le PARDNH, le PSSN, le GRAHN, les plans de la
société civile, du secteur privé, la
grande concertation devrait en faire un plan consensuel sur 25 ans, s'attaquer
à l'inégalité sociale, la justice, la déconcentration administrative, la
décentralisation à partir des arrondissements, l'aménagement du territoire,
l'axe capitale tel que proposé par la FONHDILAC, la mise en place de
cette agence de reconstruction en lieu et place de la CIRH avec droit de regard
et d'appui de la communauté internationale, les nouveaux amendements de la constitution, la réforme de l’Etat, sa réorganisation pour lui
permettre d’être plus performant, le modèle de décentralisation pour Haïti par
rapport aux arrondissements, les 20 pôles de développement à mettre en place
dans le cadre de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, leur
découpage, celui des quatre régions, les villes Tampons par rapport aux pôles
de développement, la validation d’un ensemble de dossiers sur lesquels Haïti
n’a pas encore de consensus, etc.
Cette concertation nationale qui viserait
le regain de confiance entre les haïtiens, la réconciliation nationale, devrait
être inclusive, semi souveraine, car elle ne doit pas remettre en question les
résultats des élections qui ont mis en place la nouvelle administration ni
toute la constitution de 1987, car cette constitution est aussi une conquête
démocratique et traduit une certaine vision de l’Haïti de demain par rapport à
cet Etat prédateur mis en place après 1806. Les résultats de cette grande
concertation nationale seront dans la mesure du possible d’application
immédiate, sauf le plan consensuel qui devra prendre en compte le plan
quinquennal de la nouvelle administration.
Ce plan stratégique sera suivi d’un ensemble
de plans opérationnels qui seront exécutés par les ministères regroupant un
certain nombre de secrétaireries d'Etat et/ou organismes autonomes sous tutelle
de ces ministres avec des structures déconcentrées et décentralisées couvrant
tout le pays.
4.
L’Organisation des élections municipales, sénatoriales
partielles et indirectes
La Nouvelle administration aura à
organiser des élections au cours de cette année en vue de renouveler le tiers
du Senat, la mise en place de nouveaux maires élus, des CASECs et des
institutions prévues pour la mise en place des Collectivités Territoriales
(CT). L’amendement constitutionnel prévoit comment mettre en place le CEP
permanent, une fois fait, il faudrait rapidement procéder à la mise en place de
ce nouveau CEP et le Conseil Constitutionnel prévus par les amendements. La
nouvelle administration pourrait, par la suite, procéder à l’organisation des
élections sénatoriales, municipales et indirectes telles que prévues par les
amendements constitutionnels.
Il faut noter et souligner que le
Nouveau Pouvoir aura à organiser durant sa dernière année de Mandat de 5 ans,
les élections générales telles que prévues par les amendements et qui
pourraient être confirmés et même renforcés par la grande concertation semi souveraine avec des résolutions
d’application quasi immédiate.
Quant aux autres quinquennats qui
viendront après, les élections générales se feront durant la dernière année de
la présidence selon le « calendrier harmonisé » prévu par les
amendements actuels et peut-être par d’autres issus de la Grande Concertation
du Premier quinquennat.
VIII.
LE CHIFFRAGE, LE FINANCEMENT
Dans notre
exercice de chiffrage, nous nous inspirons des réflexions et estimations faites par des
professionnels aussi bien haïtiens qu’étrangers. La proposition d’érection
d’une ville universitaire de 50,000 habitants près de Ganthier se chiffre à 6
milliards de dollars américains. Le document d’orientation sur Gonaïves reste
dans ces ordres de grandeur. Le DSNCRP a prévu pour sa part 4.3 milliards de
dollars américains sur trois ans. Ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, nos projections pour la construction de cette
nouvelle Haïti ont été de 40 milliards de dollars américains sur une période de
10 années. Ce qui correspond à des investissements moyens de 4 milliards par
an.
Maintenant
que nous prévoyons la mise en œuvre du document d’orientation sur une période
beaucoup plus longue de 25 ans au lieu de 10 ans, il faudra revoir à la hausse
les chiffres. Le Plan Stratégique de Sauvetage National (PSSN) a prévu 100
milliards USD sur une période de 25 ans. Le Plan d’action pour le Relèvement et
le développement National d’Haïti (PARDNH) a prévu 34.5 milliards d’USD sur 22 ans.
Naturellement,
on aurait tendance à se baser sur le montant de financement négocié par le
pouvoir actuel et sur lequel il a déjà des promesses de 9.9 milliards d’USD
dont 37.2% auraient été décaissés et engagés dans le cadre de la CIRH.
Toutefois, il serait plus réaliste de revoir les chiffres à la hausse et les
situer au niveau du PSSN, soit 100 milliards, qui correspondent au montant
prévu par la FONHDILAC par extension.
D’autant que, selon les hypothèses de taux croissance annuel du PIB (8-12%)
prévues par la FONHDILAC, il faudra des investissements annuels (APD, publics
et privés) de l’ordre de 4 milliards d’USD/an pour soutenir cette croissance
sur une période de 25 ans pour faire d’Haïti, « un pays émergent et moderne » à l’horizon de 2035.
IX.
LA DUREE
La mise en
œuvre de la refondation de l’Etat
d’Haïti se fera en trois phases : l’urgence sur 6 mois, le relèvement sur
18 mois et la reconstruction sur 23 ans subdivisés en périodes quinquennales.
Dans la réalité, les trois phases ne sont jamais aussi séquentielles et
rigides. En effet, à cause de la vulnérabilité du pays, durant au moins les dix
premières années de la reconstruction, l’Etat aura à gérer les urgences
annuelles liées aux intempéries, et même au-delà, il y aura toujours des
urgences à gérer. C’est pourquoi, il faudra des phases parfaitement imbriquées,
articulées et intégrées de façon à former un tout cohérent conduisant au
développement durable de notre pays. Ce calendrier doit tenir compte des
investissements prévus dans le cadre du DSNCRP, du PARDNH, des investissements
des secteurs privés haïtiens et étrangers, de la diaspora haïtienne. Une
période de 5 à 7 ans serait suffisante pour atteindre la vitesse de croisière,
si nous arrivions à bien gérer les risques inhérents à une telle entreprise
aussi ambitieuse de refonder un Etat, et pas n’importe lequel, le plus
imprévisible de tous et aussi le plus surprenant.
X.
LES RISQUES ET LA GESTION DES RISQUES EN GUISE DE
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Avec l’Etat d’Haïti actuel, les risques en temps
normal se retrouvent à chaque pas. Dans le cas qui nous concerne de promouvoir
la mise en place d’un nouvel Etat, la refondation de l’Etat d’Haïti selon une
vision haïtienne, il faudra les multiplier par 4 sinon plus. Aussi allons-nous
sélectionner quelques uns qui pourraient surgir à n’importe quelle phase du
processus de refondation de l’Etat.
La gestion des risques et désastres
Haïti fait face à des risques cycloniques et
sismiques, car elle est sur la route des cyclones et basée sur un réseau de
failles sismiques susceptibles de provoquer des tremblements de terre assez
violents (7, 8 de magnitude) et d’éventuels tsunamis. Son degré de dégradation
environnementale la rend encore plus vulnérable. Ces données doivent être prises
en compte dans les politiques publiques. C’est pourquoi, chaque année, dans le
budget de la République, les fonds pour la mise en œuvre d’un plan annuel de
contingence doivent être inscrits pour gérer ces risques jusqu’à ce que le pays
atteigne un niveau de développement qui tienne compte de ces données et qui
permettent, une fois le niveau de vulnérabilité jugé assez réduit, de diminuer
proportionnellement les coûts prévus pour manager ces risques et désastres.
Donc, il faut éviter de refaire pareil.
Tentation de refaire pareil
Dans le cas
d'Haïti dévastée, il ne peut s'agir seulement, ni d'abord, de reconstruction
technique d'infrastructures et de structures. Il s'agit fondamentalement de
reconstruction politique et sociale orientant la reconstruction économique et
technique. Ce serait gaspiller l'aide internationale et toute la solidarité
citoyenne partout mobilisée à tous les niveaux, si l'on se contentait de
refaire une copie neuve sur papier vélin de la société d'avant le séisme.
Dans cette
perspective, il ne suffit point de déclarer dans des discours politiquement
corrects qu'on reconnaît et respecte la souveraineté d'Haïti. Il faut le
montrer dans la pratique et les formes d'aide. C'est d'autant plus nécessaire
que l'État haïtien, fragilisé avant le séisme, s'est quasiment effondré après
le séisme. Ainsi blessé presque à mort, il est devenu une proie facile pour
tous les États forts tentés de se conduire en redresseurs d'États fragiles. La
nouvelle administration devra être très vigilante dans ses rapports avec ses
partenaires de la communauté internationale.
Les rapports avec la communauté internationale
L'extrême
fragilisation du gouvernement Bellerive et de l'État pourrait faire croire à
certains qu'Haïti n'a plus les moyens de s'autogouverner dans le court terme.
D’où la CIRH. Nous n’avons pas de problème avec cette entité au sein de la
FONHDILAC, surtout si elle constitue une sorte de garantie pour la communauté
par rapport à notre réputation de corruption. Nous insistons aussi pour la mise
en place d’un Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FMB) unique tel que souhaité par le gouvernement Bellerive, mais
mis en place comme un fonds en plus. Tel n'est pas notre point de vue, car nous
voulons avoir des relations équilibrées
avec la communauté internationale telles que prévues par les principes de la
déclaration de Paris. Le peuple haïtien n'a besoin d'aucun «consortium» de pays
amis pour gérer la crise à sa place, ce qui mettrait entre parenthèses la
souveraineté d'Haïti. Même si
l’expertise technique ainsi que l’appui financier de ces pays demeurent incontournables. Donc, ni protectorat
déclaré, ni tutelle déguisée! La refondation de l’Etat d’Haïti exige des
rapports harmonieux, mais aussi équilibrés entre partenaires.
La lenteur de l’Etat à décider
Pour avoir
une chance de réaliser ce rêve de refonder Haïti, l’Etat doit se départir de sa lenteur proverbiale. Il est
impératif que l’Etat Haïtien entame des démarches pour sauvegarder l’intérêt
collectif en mettant en place cette Agence de développement d’Haïti qui pourrait remplacer la CIRH en octobre 2011. Ce faisant, il
éviterait que les haïtiens, individualistes invétérés, en l’absence de l’État,
ne recommencent à construire n’importe comment comme ils le font déjà, selon le
« common sense » et en fonction purement de leurs intérêts
égoïstes, il donnerait un signale fort à la CI sur son intention d’investir
dans le durable. Dans le cas contraire, un travail de sensibilisation auprès
des trois (3) pouvoirs de l’Etat devrait être entrepris par tous ceux qui se
retrouvent un tant soit peu dans ce document d’orientation et qui y adhèrent
même informellement.
La résurgence des vieux démons de division
Durant les
premières heures après le séisme, la solidarité entre haïtiens a été vantée par
les observateurs étrangers. Beaucoup de gens se sont sacrifiés pour sauver
d’autres frères et sœurs. Avant l’arrivée des secours, on a partagé même un
morceau de pain. Mais, depuis quelque temps, on sent venir la division. Avec la
période électorale, on est retombé dans les vieux démons de division. Le pays
paie les pots cassés. La bataille pour le pouvoir a fait des morts et des
dégâts estimés à plus de 100 M d’USD. Avec les premiers décaissements sur les
milliards de dollars de promesses
d’aide, la proclamation définitive des résultats des élections du 20 mars 2011,
les blessures de division risquent de prendre du temps pour se cicatriser. D’où
la nécessité de cette grande concertation nationale pour nous réconcilier avec
nous-mêmes . Il faut à tout prix arriver à gérer cette montée de la division en
nous concentrant sur l’essentiel, la reconstruction du pays, la refondation de
l’Etat d’Haïti.
La mainmise d’un petit groupe avec l’appui de la
communauté internationale
La
communauté internationale (CI) a sa clientèle en Haïti, un petit groupe qui le plus souvent voit ses intérêts avant ceux du pays. Il faut
qu’elle change sa façon d’opérer pour se mettre à la hauteur de l’évènement et
s’ouvre un peu plus sur d’autres catégories de gens. Les gens de bien qui
veulent voir changer les choses pour de bon doivent se liguer contre ce petit
groupe. Et la CI doit faire l’effort aussi de s’ouvrir à d’autres groupes qui,
certes, ne maitrisent pas son jargon mais qui ont les compétences et
l’honnêteté nécessaire pour accompagner cette refondation de l’Etat dans le
sens de la collectivité.
La lutte hégémonique entre les grands pour des
raisons économiques et géostratégiques
Ce séisme
montre déjà la volonté des grands de se battre pour avoir le leadership de la
refondation/reconstruction. Cette bataille entre les grands pourrait
compromettre cette reconstruction ou la conduire dans des directions opposées à
cette vision à l’haïtienne. Les haïtiens doivent faire preuve d’intelligence
pour tirer le meilleur parti pour Haïti dans cette lutte des grands. Selon
certains experts, il est de plus en plus sûr que notre sous sol dispose de
certaines matières assez rares et même du pétrole ; en tout cas, notre
pays est placé dans une position stratégique par rapport au reste de la Caraïbe
et de l’Amérique Latine. Il nous faudrait avoir une conscience informée de
notre réalité pour bien négocier cette solidarité internationale conduite par
les grands de ce monde ou tout au moins la gérer pour le mieux.
La barrière constitutionnelle
La
constitution de 1987 pourrait constituer une barrière sur certains aspects liés
à la refondation de l’Etat suivant la vision dégagée. Il faut voir cette
refondation au-delà du prisme de la Constitution de 1987. Il faudrait, si
nécessaire, soit la modifier, soit la changer. Même si en tant qu’élément de
notre lutte démocratique, il serait préférable de l’amender dans le cadre d’une
grande concertation nationale semi souveraine au lieu de la changer pour
préserver son coté symbole.
L’amélioration de l’image du pays
L’image du
pays n’a cessé de se dégrader au cours de ces dernières 25 années. Les agences
internationales dans leur évaluation périodique continue à considérer Haïti
comme un endroit à risque de plus en plus élevé. Ces considérations ne sont pas
sans conséquences sur la gestion de la collaboration avec les bailleurs de
fonds. Les conditions se durcissent, rendant du coup la mise en œuvre des
projets et programmes de développement plus compliqués à se mettre en œuvre
dans des délais convenables. Un
effort sensible au niveau de la gouvernance s’avère être aussi important qu’urgent. Des actions visibles visant la
réduction de la corruption et/ou tout au moins sa perception, par exemple, seraient de grande utilité pour amorcer un
changement positif de l’image que nous portons au monde.
La résistance au changement
La
résistance au changement va être l’obstacle le plus difficile à gérer, selon
Charles Cadet, l’ex-responsable de la très sérieuse Commission Nationale de la
Réforme administrative (CNRA) qui avait fait des propositions pertinentes et
innovantes pour la restructuration et la refondation de l’Etat, oubliées
jusqu’à cette minute dans les tiroirs de l’administration de l’Etat. Il
faudrait plus qu’un simple groupe comme la FONHDILAC, mais l’adhésion de la
Nation Haïtienne pour porter cette vision de la
refondation/reconstruction/construction de l’Etat d’Haïti qui doit redevenir, à
terme, La perle des Antilles ou
l’exception culturelle de la Caraïbe, et rentrer dans le cercle des pays émergents à l’horizon 2035.
FONHDILAC. Avril 2011.
www.fonhdilac.webs.com
[1] Carl Braun à l’émission de Magazine Economique de Kesner Pharel sur Radio
Métropole avril 2011. Il croit qu’il
faudrait à Haïti une « révolution de croissance » sur une période
assez longue.
[3] J R Jean-Noël, Approche Participative défis et
exigences : un citoyen responsabilisé est un citoyen informé, sensibilisé,
sachant communiquer, motivé, formé, faisant partie d’une association qui, elle-
même, est en réseau avec d’autres structures tant nationales
qu’internationales. Un accès à la citoyenneté avec des droits et des devoirs
vis-à-vis du pays.
[5] Groupe de réflexion et d’action pour une nouvelle Haïti basé au
Canada
[6] Incluant les 1.5% de forêt primaire actuelle. Ce qui porterait à
54% la couverture végétale du pays. Rappelons qu’Haïti est un pays à vocation
forestière (51% de sa superficie devrait être couverte de forêt avec des pentes
supérieures à 40%). Entre 10 et 40%, on pourrait pratiquer l’agroforesterie,
entre 0 et 10%, l’agriculture irriguée en utilisant les méthodes traditionnelles et modernes sur
au moins 400,000 ha.