samedi 9 avril 2011

Vers une première révision constitutionnelle, 24 ans après

Joseph Chanoine Charles
cjchanoine@yahoo.fr
04/04/2011

Le calendrier de la 49e législature est quasiment arrêté. À partir du 26 avril prochain, le sort des propositions de révision de la Constitution sera définitivement fixé par les nouveaux parlementaires. Les changements, qui doivent être apportés à la loi mère à l’occasion de cette première révision depuis 24 ans, le seront en fonction des modalités fixées aux articles 282 et suivants de la Constitution de 1987.

Les propositions, de l’Exécutif, modifiées, ont été approuvées le 16 septembre 2009 par une 48e législature presque acquise à la cause de René Préval, au cours d’une séance très houleuse. Des propositions votées à la hâte, dans une absence profonde de débats tant au niveau des parlementaires qu’au niveau des différents secteurs de la société. Les thèmes dominants et les articles devant être amendés restent encore peu connus du grand public. Seulement deux semaines restent pour la fin de la première session de cette législature. Les mêmes problèmes risquent de se poser avant le vote des propositions de l’Exécutif. Déjà, plusieurs organisations de la société civile se demandent si on ne risque pas de tomber dans les mêmes pièges. Les parlementaires auront seulement quinze (15) jours pour statuer sur des propositions qui, normalement, devraient faire l’objet de grandes discussions au sein de tous les secteurs de la vie nationale. Une absence de débats profonds est en passe de caractériser le vote de ces propositions. Le temps presse. On joue désormais à la va-vite.

Constitution de 1987 et proposition de révision : analyse comparative

L'équité de genre, la question de la double nationalité, la création d'un Conseil constitutionnel, la réduction du nombre d'élections et la diminution du nombre de seconds tours jugés dispendieux, l’introduction du jus soli, la reformulation ou l'élimination des articles ambigus ou jugés inutiles sont, entre autres, les grandes lignes du projet de révision de la Constitution de 1987 voté par la dernière législature. D’entrée de jeu, il faut dire que, dans le chapitre I, un seul article est modifié. Dans la Constitution en vigueur, cet article stipule que « Haïti est une République, indivisible, souveraine, indépendante, coopératiste, libre, démocratique et sociale ». Dans le nouveau document, il se lit ainsi : « Haïti est une République, indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique et sociale». Seulement un léger changement y est apporté. On ôte le qualificatif coopératiste.

Dans la Constitution de 1987, l'article ayant rapport à la double nationalité s'intitule : « Possède la nationalité haïtienne d'origine tout individu né d'un père haïtien ou d'une mère haïtienne qui, eux-mêmes, sont nés haïtiens et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance ». Désormais, l’article 11 sera lu ainsi dans le nouveau document : « Possède la nationalité haïtienne de naissance tout individu né d'un père haïtien ou d'une mère haïtienne qui, eux-mêmes, n'avaient pas répudié leur nationalité au moment de la naissance de l'enfant ». La question de la nationalité haïtienne d’origine a été tout simplement rayée et des verrous sont donc enlevés pour des compatriotes de la diaspora.

D’autres articles ont également été modifiés dans ce chapitre. Les articles 12.1, 12.2, 13 et 14 qui traitent aussi de la nationalité sont supprimés, dont l’article 12 qui se lisait comme suit : « La nationalité haïtienne peut être acquise par la naturalisation ».

Dans le projet de révision, cet article se lit ainsi : « Tout Haïtien est soumis à l'ensemble des droits et obligations attachés à sa nationalité haïtienne. Aucun Haïtien ne peut, à l'endroit des autorités haïtiennes, faire prévaloir sa nationalité étrangère sur le territoire de la République d'Haïti ».

Au moment où la diaspora réclame son droit de vote et l’acceptation de la double nationalité, l’on se demande encore si les Haïtiens vivant en terre étrangère vont pouvoir intégrer finalement les instances décisionnelles. D’ailleurs, une pétition est déjà lancée pour demander à la 49e législature d’agir vite en vue de leur permettre de participer à la construction de la nouvelle Haïti.

Dans le chapitre traitant de la question du droit et des devoirs du citoyen, la Constitution de 1987 formule que : « La réunion des droits civils et politiques constitue la qualité de citoyen ». L’Exécutif propose que l’article 16 soit modifié : « La jouissance, l'exercice des droits civils et politiques constituent la qualité du citoyen. La suspension et la perte de ces droits sont réglés par la loi ». Tandis que l’article 16.1 est supprimé, un nouvel article (17.1) est ajouté dans cette section, prenant en compte la question d’équité de genre : « Le principe du quota d'au moins trente pour cent (30%) de femmes est reconnu à tous les niveaux de la vie nationale, notamment dans les services publics».

La formulation de l'article 18 dans la Constitution de 1987 se lit comme suit : « Les Haïtiens sont égaux devant la loi, sous la réserve des avantages conférés aux Haïtiens qui n'ont jamais renoncé à leur nationalité». Un léger changement a été apporté à cet article qui referme ce chapitre. La nouvelle formulation est la suivante : « Les Haïtiens sont égaux devant la loi sous réserve des avantages conférés aux Haïtiens de naissance».

En ce qui a trait à l’éducation, plusieurs articles sont donc modifiés. L'article 32 - qui stipulait : « L'Etat garantit le droit à l'éducation. Il veille à la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et civique de la population» - devient : « L'Etat garantit le droit à l'éducation. L'enseignement est libre à tous les degrés. Cette liberté s'exerce sous le contrôle de l'Etat». Outre le 32, les articles 32.1, 32.2, 32.3, 32.9 seront modifiés.

Tout le doute tournait autour de la question du mandat des élus et de leurs élections. L’article 134.3 de la constitution en vigueur stipule que « le président de la République ne peut bénéficier de prolongation de mandat. Il ne peut assumer un nouveau mandat qu’après un intervalle de 5 ans. En aucun cas, il ne peut briguer un troisième mandat ». Pour cause, le document final de révision n’a même pas touché à cet article qui, dans le premier projet d’amendement, avait fait couler beaucoup d’encre, car prévoyant un troisième mandat pour le président de la République. L’article 134 relatif à l’élection du président stipule que : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct, à la majorité absolue des votants établie à partir des votes valides conformément à la loi électorale (l’on ajoute votes valides). Si cette majorité n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour. »

L’article 134.4 a été ajouté au document. Il se lit ainsi : A l’ occasion des élections, le candidat le plus favorisé au premier tour n’ayant pas obtenu la majorité absolue est déclaré président dans le cas où son avance sur son poursuivant immédiat est égale ou supérieure à 25 %. Ceci est valable pour sénateurs et députés qui devraient avoir tous un mandat de 5 ans, selon le projet de révision. Le mieux que l’on puisse dire, c’est qu’on risque d’avoir, dans certains cas, des élus dont la légitimité serait peut-être très fragile.

Pour l’adoption de la décision de réviser la Constitution, il est prévu une période spécifique : la première session de la législature ; une formation spéciale : l’Assemblée nationale ; un quorum précis : la présence des deux tiers (2/3) des membres de chacune des deux Assemblées ; un type de majorité : la décision d’adopter l’amendement proposé est prise par un vote à la majorité qualifiée (2/3) des suffrages exprimés. Rappelons que la Constitution, en son article 283, fait obligation aux Assemblées de se réunir en Assemblée nationale pour statuer sur l’amendement proposé dès la première session de la législature suivante, c’est-à-dire la législature ayant suivi celle qui a fait la déclaration. Par ailleurs, le président René Préval, initiateur de ce projet, est le premier à le violer. L’article 132.2 du document fait injonction au président de remettre le pouvoir le 7 février de l’année qui boucle ses 5 ans, quel que soit le mois de la prestation de serment.

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