dimanche 17 avril 2011

La 49ème Législature Face à ses Responsabilités Historiques

Par Guichard Doré

Les sièges vacants au Sénat de la République viennent d'être comblés et la Chambre des Députés a été complètement renouvelée aux dernières élections législatives. Dans quelque jours, le Parlement Haïtien va élire les bureaux des deux branches du pouvoir législatif. Les parlementaires vont prendre une décision importante dans un contexte historique qui demande beaucoup de lucidité et un sens de compromis pour assurer le bon fonctionnement de l'institution parlementaire. Tout laisse à croire, au regard du besoin du pays, il est nécessaire à ce que les pouvoirs publics entretiennent de meilleures coopérations et évitent des conflits au sommet de l'État. L'approche structuro-fonctionnaliste est plus que jamais nécessaire afin d'assurer la bonne marche de l'État. Le Parlement ne sera pas productif s'il est en conflit avec le Président de la République. Le travail parlementaire sera limité sans une franche collaboration avec le Chef de l'Etat.

L'arithmétique parlementaire au vu des résultats publiés par le Conseil Électoral Provisoire (CEP) permet de constater qu'il n'y a pas de parti majoritaire au Parlement. Sur le plan strictement juridique, le Parti Lespwa est différent du Parti INITE, juridiquement il est impossible d'assimiler INITE à Lespwa. Toute chose étant égale par ailleurs, la majorité parlementaire est toujours actée par une décision d'une juridiction compétente en ayant recours au résultats des élections. Au vu des résultats publiés par la juridiction électorale, il n'y a aucun parti qui détient une majorité absolue au Parlement. A défaut d'une majorité parlementaire qui est l'expression directe des urnes, il y a automatiquement une majorité présidentielle même si des blocs politiques peuvent être constitués au Parlement. Aujourd'hui, une réalité demeure c'est que la majorité fonctionnelle à la 49ème législature ne peut être que présidentielle. Tel est l'esprit de nos institutions comme l'a si bien noté la jurisprudence parlementaire et gouvernementale depuis 1988. Dans les conditions actuelles, il revient au Président Michel Joseph Martelly d'entreprendre les démarches pour constituer une majorité au Parlement. Le Premier Ministre choisi hérite de la majorité constituée par le Président de la République au Parlement. Donc, le Président choisit son Premier Ministre.

Contrairement à ce que j'ai pu lire dans les journaux et entendre à la radio haitiens, les résultats des élections législatives et sénatoriales ne créent pas une situation de cohabitation au niveau du pouvoir exécutif mais bien de coopération. Pour qu'il ait cohabitation au niveau du pouvoir exécutif, il faut qu'il ait un parti qui possède la majorité absolue à la fois à chambre des député et au Sénat de la République. Tel n'est pas le cas. Les résultats des législatives et sénatoriales donnent lieu à une situation de coopération entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le terme cohabitation est fort et ne correspond en rien à la réalité parlementaire en Haïti. Il va avoir au Parlement, une majorité fonctionnelle qui ne peut qu'une majorité présidentielle. Tel est l'esprit de nos institutions tracé par la Constitution de 1987.

Un travail parlementaire ordonné par l'exécutif
La maigre production du travail parlementaire des cinq dernières législatures me porte à penser qu'il est nécessaire à ce que les présidents des deux chambres du corps législatif sont des parlementaires qui sont en harmonie avec le Président Michel Martelly, ce pour assurer le bon fonctionnement des institutions républicaines. En 1991, dominé par deux présidences hostiles au président de la République, le Parlement était improductif et a versé dans des actions politiques regrettables. Le régime politique actuel parce qu'il est dit semi-présidentiel exige une meilleure relation entre le Parlement et l'exécutif. Selon l'esprit et les lettres de la loi-mère, il y a des correspondances institutionnelles qui sont constitutionnellement énumérées entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ne serait-ce que pour respecter la Constitution, la collaboration entre l'exécutif et le législatif est nécessaire. L'entêtement ou l'idée de blocage apparaît, dans ce cas d'espèce, comme une volonté affichée de paralyser la vie politique.

Si le parlement est un lieu crucial de production des décisions contraignantes sous forme de législation ordinaire (loi) et constitutionnelle (révision de la loi-mère), il ne peut faire l'économie d'une collaboration franche avec le pouvoir exécutif notamment au Président de la république qui a un pouvoir réglementaire (décret d'application des lois, arrêtés, circulaire, notamment celle autorisant à publier les lois au Journal Officiel ect). Les lois d'origine parlementaire, au-delà des sensations médiatiques, peuvent ne pas avoir tous les effets recherchés si l'exécutif n'est pas complètement impliqué dans la défense de ces lois. La loi Benoit sur le salaire minimum, la loi Bastien sur les frais scolaire sont des exemples pour montrer les limites des lois d'origine parlementaire si l'exécutif ne supporte pas ces textes. Aucun suivi jurico-administratif n'a été fait pour la loi Benoit sinon que payer les ouvriers le salaire fixé dans la dite loi, la loi Bastien sur les frais scolaires n'a pas été appliquée.

L'agenda parlementaire est défini par le pouvoir exécutif, contrairement à ce que l'on aurait pu penser. Le Parlement n'est productif sur le plan législatif que s'il est en harmonie avec le Chef de l'État. Dans la mécanique de production des textes législatif, le Chef de l'État apparaît comme un Chief Legislator en présidant le Conseil des ministres qui est le haut lieu de la prise des décisions de l'État. Étant donné que l'on gouverne que par la loi, le pouvoir exécutif a une prééminence sur le calendrier du travail parlementaire. Les agendas législatifs et gouvernementaux sont globalement dérivés des décisions prises en conseil des ministres.

Une coopération pour le progrès de nation
En grande partie, le Parlement et le l'exécutif sont responsables du processus politique et de la fixation de priorités relatives aux politiques publiques. Des politiques publiques bien élaborées exigent des productions législatives et des décisions gouvernementales à la hauteur des enjeux de la construction du pays. Au moins 120 projets de loi importants susceptibles de contribuer à la réforme de l'État et au développement économique et social sont déjà identifiés. La 49ème Législature a du travail important qui l'attend.

Si le contrôle juridictionnel du Parlement sur le travail gouvernemental est inscrit dans les mœurs politiques, mais un contrôle inapte est de nature à envoyer des mauvais signaux à la population qui attend une collaboration franche entre les deux institutions co-détentrices de la souveraineté nationale afin d'assurer la sauvegarde des institutions républicaines. Pour mener à bien cette législature, les Parlementaires doivent se faire accompagner par des experts de haut niveau pour les aider dans les travaux de commission.

L'émergence de la démocratie de l'opinion
La démocratie de l'opinion que l'élection de Michel Martelly a instituée en Haïti peut aider la population à apprécier le travail parlementaire eu égard aux projets de lois arrêtés en Conseil des Ministres qui pourraient être communiqués à la presse. Les activités parlementaires et les initiatives législatives d’origine gouvernementale ou législative sont fortement corrélées entre elles. Non seulement, ces associations sont significatives pour les mouvements verticaux de production législative, mais elles le sont également pour les liens plus horizontaux de proximité thématique des différentes initiatives législatives ainsi que pour ceux de contrôle juridictionnel du gouvernement par le parlement avec les décisions du conseil des ministres.

Les sondages d'opinion, les études politiques et sociologiques pourraient largement utiliser dans les prochains mois avec la démocratie de l'opinion qu'instaure la présidence de Michel Joseph Martelly. Cette démocratie de l'opinion constitue, à n'en pas douter, un pas salutaire vers la modernisation politique du pays. Elle va permettre d'apprécier le travail du couple institutionnel exécutif-législatif si le quinquennat de Martelly fait appel au Think tank ( Centre de Réflexion) pour la formulation des politiques publiques et si la présidence de Martelly se situe dans une logique de coproduction législative pour les lois demandant un compromis entre les forces politiques notamment la loi sur le parti politique et la loi électorale.

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