vendredi 27 janvier 2017

ENTRE RIVALITES, INCONNUES ET MENACES, L'ANNEE 2017 RISQUE D'ETRE CHAUDE A L'INTERNATIONAL


Entre rivalités, inconnues et menaces, l’année 2017 risque d’être chaude à l’international

Fernando ESTIME 

24 janvier 2017, 10:50 catégorie: Tribune4 204 vue(s) A+ / A-
L’année 2017 ne s’annonce pas radieuse à l’international, que ce soit d’un point de vue politique ou économique. Entre les menaces d’attentats commandités ou inspirés par l’État islamique et acolytes, la lutte contre cette même organisation en Syrie et en Irak, la montée des droites nationalistes, les nouvelles orientations géostratégiques de l’administration Trump, la rivalité Chine-USA, une économie mondiale poussive sans oublier des conflits latents en Palestine, au Yémen et en Afghanistan. De fait, entre rivalités, inconnues et menaces, l’année 2017 risque d’être chaude à l’international.
L’inconnue majeure de cette année 2017 est l’orientation géopolitique et géostratégique de la nouvelle administration américaine. N’étant qu’à ses débuts, on ne peut se faire une idée que par les premiers signaux émis et le moins que l’on puisse dire c’est plus « Western » que « Broadway ». En effet, mis à part Reince Preibus, la tête d’affiche de la « Dream Team » à la sauce Trump est constituée de Généraux, d’hommes d’affaires multimillionnaires qui se trouvent être ses amis ou des membres de sa famille et des pointus de l’ultra droite. Autant dire que ce n’est pas fait pour assurer des acteurs en dehors de la « Trumposphère ». Et ce n’est certainement pas sa vision de l’OTAN que le Président juge obsolète, le Brexit dont il se félicite, son protectionnisme affiché et les propos peu diplomatiques et certaines fois impolis qu’il porte sur des dirigeants de pays alliés qui sont de nature à rassurer à Varsovie, à Berlin, à Bruxelles, à Paris ou à Mexico. Autant dire Présidence Trump, dans les grandes capitales, on croise les doigts et on jugera sur pièce.
Autre inconnue de 2017 est la relation Trump-Poutine et au-delà la relation entre les deux puissances géostratégiques. Sous surveillance étroite des démocrates et d’une bonne frange républicaine comme les sénateurs Lindsey Graham, Marco Rubio et John McCain, le président Trump n’aura peut-être pas le loisir de se la jouer copain-copain avec l’homme fort du Kremlin. Pour revenir au président Poutine, en 2016 en bon joueur d’échec avec un sens du timing aiguisé, il a pu avancer ses pions et pousser son agenda avec une habileté extraordinaire tenant compte de la puissance économique objectivement faible de la Fédération de Russie. Poutine est peut-être brutal, mais c’est un fin stratège qui a une vision à long terme de son pays : il veut que la Russie soit respectée. Cette vision est partagée par une majorité de sa population qui s’est sentie humiliée durant la présidence de Boris Eltsine par les Occidentaux et trouve dans le camarade Vladimir, un homme fort de nature à donner toute sa grandeur à la Russie. En outre, Vladimirovitch Poutine dispose d’un autre avantage considérable, il est le seul dirigeant d’une grande puissance à penser qu’il sera au pouvoir en 2024, donc de son point de vue, le temps joue pour lui.
Sur la Syrie, Poutine est en train de réussir un coup de maître, imposer une « Paix Russe » en Syrie ou tout au plus sur la Syrie dite « utile », c’est-adire les grandes villes côtières d’Alep, en passant par Damas jusqu’au fief alaouite où la Russie dispose d’une importante base navale, la seule qu’elle a dans cette région importante qu’est la Méditerranée. Il est utile de rappeler que la timidité des puissances occidentales lui a facilité son coup, lui qui a bien pris le soin d’organiser des fiançailles de raison avec le président turc Erdogan. Car ce dernier, vilipendé en occident en raison de la répression brutale de ses opposants, a trouvé en Poutine un homme qui lui ressemble. D’autant plus que la crainte suprême du président Erdogan est de voir se constituer à sa frontière une entité kurde. Au final, Erdogan se dit que Bachar El-Assad est peut-être un « salopard », mais ce sera de toute manière mieux qu’un État kurde à sa porte alors qu’il est en guerre contre une rébellion indépendantiste kurde en Turquie.
Une autre grande inconnue géostratégique de 2017 sera la relation sinoaméricaine. En effet, Donald Trump a déjà franchi une ligne rouge aux yeux de Pékin en acceptant de s’entretenir au téléphone avec la présidente de Taïwan, province rebelle aux yeux de la Chine populaire. Entre les présidents Trump et Xi, on est déjà parti pour un « No love lost », d’autant plus que ce ne sont pas les sujets de discordes qui manquent. En effet, il y en a un paquet : des disputes territoriales en mer de Chine, l’explosion des dépenses militaires chinoises et la modernisation accrue de son armée avec pour objectif avoué de rivaliser les Américains dans le Pacifique ; sans oublier les menaces de guerre commerciale de Trump et sa volonté d’imposer de lourdes taxes aux produits chinois dans le cadre d’une politique protectionniste assumée. On semble parti pour un sérieux bras de fer entre les administrations américaine et chinoise. Mais dorénavant, Trump est prévenu, les Chinois ne se laisseront pas marcher sur les pieds, car ce n’est pas le genre de la maison. L’empire du Milieu ne se laissera pas faire. De fait, cela risque de chauffer dans le Pacifique et en mer de Chine du Sud. À Davos, le président chinois a donné un avant-goût en faisant la leçon à Trump. En effet, le président de la République populaire de Chine, qui se trouve être également le secrétaire général du Parti communiste, l’un des 5 pays encore officiellement communistes donc, s’est posé comme le défenseur du libre échange et a tiré à boulet rouge sur Trump et sa politique protectionniste. Il y va sans dire que le décor est planté. La Chine attend Trump la main sur la gâchette.
En Haïti, le président Jovenel Moïse présidera pour les 5 prochaines années la destinée d’un pays en urgence chirurgicale où tout est à reconstruire. Le nouveau gouvernement va récupérer un pays qui vient de perdre plus de 20 % de son PIB en raison de la tempête Matthew alors qu’Haïti se relevait déjà difficilement des dégâts du séisme de 2010. Pour ne rien arranger, la monnaie nationale est en train véritablement de devenir un « Zorèy Bourik ». En effet, il faut près de 70 gourdes pour acheter 1 dollar américain. Quid du fonctionnaire qui a le même salaire de 25 000 gourdes qu’il avait en 2012 ? La réponse est simple, il a perdu 50 % de son pouvoir d’achat. Certains me diront au moins, il lui reste encore du pouvoir d’achat contrairement au 70 % de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars américains par jour. Comme dit le dicton « chen grangou pa jwe », donc de facto le nouveau gouvernement n’aura pas d’état de grâce. Comme quoi, les mauvaises nouvelles déjà reçues ne suffisaient pas, il fallait donc ajouter une autre, Haïti avec tous ses problèmes aura une croissance négative de -0.6 % cette année. Autant dire que la migration de nos jeunes vers le Chili, le Brésil avant la tentative coûteuse et périlleuse d’atteindre l’eldorado USA n’est pas prêt de s’achever.
D’un point de vue économique, le dernier rapport sur les perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international présenté le 16 janvier 2017 ne projette pas une année reluisante. En effet, le FMI prévoit une croissance mondiale modérée de l’ordre de 3.4 % et que sa dynamique évolue ; et donc de fait, les prévisions risquent encore d’être révisées à la baisse. La croissance chinoise qui pèsera sur de nombreux autres pays, notamment les pays émergents et les pays en développement qui exportent des produits de base devraient se situer en 6 et 6.5 % en 2017. Cette croissance sera de l’ordre de 1.6 % dans la zone euro et de l’ordre de 4.5 % dans les pays émergents et en développement.
Avec les sorties de récession russe et brésilienne et un sursaut américain, la croissance mondiale sera donc plus forte en 2017. L’essentiel du rebond tient à l’amélioration des perspectives économiques chez certains grands pays émergents et la prévision d’une croissance plus robuste aux États-Unis. En effet, les réductions d’impôts et le plan de relance massif dans les infrastructures promises par l’administration Trump devraient tirer vers le haut la croissance américaine, selon les prévisions du FMI, qui sera de 2.3 % en 2017 et 2.5 % en 2018. Mais l’institution de Bretton Woods prévient immédiatement que les facteurs de risques et de vulnérabilités susceptibles de faire dérailler ces prévisions sont légions à commencer par un regain de protectionnisme notamment aux États- Unis et les niveaux de dettes publiques et privées élevés dans certains pays importants, le flou qui entoure le Brexit… Comme l’a si bien rappelé le chef économiste du FMI, le très respecté, Maurice Obstfeld : « la seule certitude est que l’incertitude a augmenté ». 2017, on y est, autant croiser les doigts et espérer le meilleur.
Fernando ESTIME
Politologue, spécialiste des
Relations internationales
Professeur, Directeur de
Recherche à la LIDGA

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