lundi 9 janvier 2017

Une analyse en profondeur de l’échec des partis politiques face à Jovenel Moise.

Une analyse en profondeur de l’échec des partis politiques face à Jovenel Moise.
Reynald Orival
7 Janvier 2017
Quel est l’objectif d’un parti politique ou un groupe allié de partis politiques ? C’est évidemment la prise du pouvoir pour appliquer un programme politique qui vise à faire avancer un pays sur les plans politique, économique, social, éducatif, scientifique, etc. La prise du pouvoir peut se faire aussi dans le but de tirer des profits socio-économiques par un clan, par une famille ou des corrompus alliés au détriment de la grande majorité.
Dans un système démocratique, les élections sont organisées afin de renouveler le personnel politique pour une durée déterminée par la loi. Le processus électoral est régi également par des lois et l’une des lois fondamentales : toujours un gagnant et un ou des perdants.
Par suite de libérations du bureau de contentieux électoral national (BCEN) après l’analyse des demandes des trois partis contestataires des élections du 20 novembre 2015, le conseil électoral provisoire a proclamé avant hier l’entrepreneur Jovenel Moise, “nèg bannan”, vainqueur des dernières élections présidentielles avec un score de 55,60 % .
Pourquoi le groupe des huit partis réunis avait perdu la bataille pour la prise du pouvoir ? Qu’en est il du groupe des trois, Lapeh, Pitit Dessalines, Fanmi Lavalas? Dans Marc 3 verset 24, lit-on dans la Sainte Bible, que si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut subsister.
- La division au sein des partis alliés (le groupe des huit) est un premier élément qui explique la victoire de Jovenel Moise.
Aux élections d’octobre 2015, Jude de Lapeh croyait qu’il arrivait en première position à la place de Jovenel. Jean Charles Moise de Pitit Dessalines et Marise du fanmi lavalas croyaient que les élections étaient truquées. Dans leur subconscience, ils étaient aussi des gagnants. Une conjoncture de mécontentements les avait forcés à se réunir autour d’une table de concertation pour adresser leurs griefs.
a) Dans le fond des choses, ils n’étaient pas sincères entre eux-mêmes. Moise Jean Charles, dans une station de radio de la capitale, avait déclaré qu’il ne soutenait pas Jude Célestin dans toute éventualité d’un second tour entre Jovenel Moise car il pense que Jude Célestin était de même plumage que Jovenel Moise : deux éléments de la classe politique traditionnelle.
b) Quant à Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas, elle faisait cavalier seul en portant ses revendications devant la première version du BCEN. Elle comptait absolument sur la popularité de l’ex-président Jean Bertrand Aristide. Une popularité qui est maintenant en chute libre.
c) Les six autres partis du groupe huit figuraient comme des éléments de renforcement sans grande valeur réelle. L’homme fort de la situation était Jude Célestin puisqu’il arrivait en seconde position pour un second tour. Renforcé par la présence de sept autres partis politiques, il avait tout basculé pour changer les données : nouveau gouvernement et nouvelle institution électorale.
d) Un regroupement de partis politiques unifiés dans l’apparence et très divisés dans le fond jouait en faveur de Jovenel qui gardait son sang froid et accordait plus d’importance à une campagne moderne ou il continuait à vendre sa vision: l’eau, (les rivières), le soleil, les hommes pour la relance de l’agriculture en Haïti avec un slogan: améliorer, corriger et innover.
e) En dernier lieu, une bataille de trois contre un allait, malgré les nombreuses protestations, en faveur de Jovenel Moise. Ce dernier est déclaré le gagnant des dernières élections du 20 novembre 2016. Une mauvaise leçon de la division ! Une grande victoire grâce à la division des opposants. Et comme disait la chanson de l’orchestre Tropical : “Tou sa ki pa bon pou yonn li bon pou yon lòt”, ils ont fait dans leur égoïste la victoire sans équivoque de Jovenel Moise.
- Une stratégie de campagne moderne
Une campagne moderne avec les nouvelles technologies de l’information et des communications, une présence très visible dans la presse haïtienne, une équipe de campagne très dynamique avec l’aide d’un spécialiste international renforçaient la chance de Jovenel Moise de gagner les élections même s’il fallait refaire les élections plus de trois fois.
- Un langage de communication très simple.
Comme il parlait avec son franc cœur d’entrepreneur qui est loin d’être d’un politicien faisant traditionnellement des promesses fabuleuses dans les campagnes électorales pour séduire l’électorat, Jovenel vendait sa vision de “nèg bannan” comme s’il demandait à la population sa chance d’expérimenter son savoir, sa vision et sa détermination de changer Haïti en un vaste champ d’activité économique comme il a fait avec les terres abandonnées de Caracol. Dans ses interventions à la radio, il n’avait jamais critiqué ou dires des médisances sur ses compétiteurs. Il les avait souvent appelés des compétiteurs et non des adversaires. Il prêchait toujours un langage d’abnégation, de respect, de réconciliation et de participation de tous les secteurs du pays. Dans le camp des compétiteurs, c’est pourtant le dénigrement, les dénonciations et les accusations qui étaient leur cheval de bataille dans les émissions des stations de Radios et de Télévisions du pays. Une stratégie sur laquelle ils misaient beaucoup pour acculer Jovenel Moise: Leur principal adversaire ou compétiteur en oubliant qu’ils étaient aussi dans la bataille pour la même position.
Une attitude qui apportait de l’eau au moulin de Jovenel Moise. Ses poignets de main cordiale aux supporteurs de Jude Célestin qui s’apprêtaient à le chahuter avaient créé plutôt de l’admiration chez certains. L’absence des autres compétiteurs dans le débat organisé par le secteur économique avait permis aux indécis de se balancer dans le camp de Jovenel. Une autre répétition (cette fois-ci en douceur) de l’action d’Henry Christophe de ne pas abandonner la ville à l’ennemi.
- Une mobilité sur le terrain
Disposant de grands moyens économiques que ses adversaires unifiés en apparence très divisés dans le fond, Jovenel Moise était le candidat qui arrivait à parcourir tous les grands quartiers, toutes les sections communales, toutes les villes du pays pour vendre à la population sa vision et sa grande détermination à vouloir changer les choses en Haïti. Ses propres moyens économiques et l’aide de ses supporteurs/ alliés venant de plusieurs secteurs de la société civile avaient donné à Jovenel Moise un avantage considérable sur ses compétiteurs. Ces derniers étaient limités dans ses déplacements pour raison économique.
- Un héritage du PHTK de l’ex-président Michel Martelly
Les compétiteurs de Jovenel Moise avaient voulu lui rendre la vie difficile, voire impossible, du fait qu’il fut choisi par l’ex-président Michel Martelly. Dans un premier temps, ses détracteurs le faisaient passer pour un gérant de la plantation de banane de Michel Martelly. Un quidam de la province sans une bonne éducation. C’est un inconnu de la politique haïtienne, disaient-ils. Il n’a jamais milité sur le béton (les incessantes manifestations de rue). On voyait en lui le prolongement de la gouvernance de l’ex-président Michel Martely, tant décriée par l’opposition des partis politiques non alliés. Tournant le négatif en positif, Jovenel Moise a su profiter du mot “nèg bannan” que ses adversaires/compétiteurs avaient utilisé dans un sens péjoratif pour le critiquer, le diminuer. Un nom qu’il avait assumé avec élégance et qui devenait un slogan fort. Cela lui avait permis de s’identifier à la classe des paysans. Un atout majeur qui lui avait valu beaucoup de votes dans cette tranche de la population. Là encore la Bible a raison de dire “la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle”…
- Un modèle de famille réussie
Dans l’histoire du passé politique haïtien, pour occuper une haute position dans l’administration publique, il faudrait être un homme ou une femme marié et avoir un foyer convenable et solide. Du directeur du Lycée national au président de la République, il fut un temps jusqu’à François Duvalier, les cadres supérieurs ou directeurs de l’administration publique étaient obligés de respecter ce simple noble principe : hommes ou femmes mariés. C’était l’étiquette même de notre société.
Pour certains, Jovenel Moise offrait un retour vers les valeurs morales et sociales ou la famille est un rempart solide de la société. Un modèle de couple de 23 ans de mariage à suivre qui croit dans l’avenir du pays en éduquant et élevant ses enfants avec une femme responsable en Haïti. Un autre atout qui jouait en faveur de Jovenel Moise.
Si aujourd’hui l’entrepreneur Jovenel Moise (le Dumarsais Estimé du temps moderne, pour plus d’un) a gagné les élections, ce n’est pas la victoire définitive. C’est plutôt le commencement d’une grande bataille contre la corruption généralisée, l’injustice normalisée et le taux très élevé de chômage dans tout le pays et une consommation excessive des produits alimentaires venant de l’extérieur.
J’espère que le nouveau président Jovenel Moise élu aura l’intelligence et la capacité de choisir des hommes intègres, aimant réellement Haïti et valables, pour faire parti de son équipe. Car le tambour après le bal sera extrêmement lourd pour un mandat de cinq ans.
Quand aux 190 partis politiques enregistrés et reconnus par l’état haïtien, le moment est venu de faire la politique une autre façon, plus moderne, en vous regardant dans un miroir d’audit et de la conscience pour revoir la façon rétrograde que vous utilisez, depuis 1986, pour continuer à mener la barque du pays vers la mauvaise direction. Celle des Duvalier était mauvaise c’est pour cela que le brave peuple, en 1986, avait mis fin à ce règne des tontons macoutes.
Aujourd’hui, cette affaire de réunir cinq ou dix personnes autour d’une table ou sous un “poto elektrik” pour créer un parti politique doit être mise dans dans les annales de l’histoire. Offrons plutôt aux pays cinq grands partis politiques, bien organisés avec des membres endocrinés et éduqués dans une vision diversifiée de développement économique, social, culturel pour que le pays connaisse un lendemain meilleur.
Et aux prochaines élections de 2022, le taux de participation des électeurs pourra passer de 21% à plus de 80%. Et rétablir la confiance des électeurs ! Qu’en dites-vous les politiciens des partis politiques ?

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