VILLAGE DE L’ESPOIR
BERNARD ETHÉART
19 AOUT 2012
Le samedi 18 août, le Ministère de
l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR)
invitait à l’inauguration du Village de l’Espoir, 200 unités de logement
construites, grâce à la coopération taiwanaise, à Savane Diane, commune de St
Michel de l’Attalaye, pour des victimes du séisme du 12 janvier 2010. Mais avant
de parler de cette cérémonie, je crois nécessaire d’en présenter le cadre.
La
Savane Diane, c’est environ 20.000 hectares (dans son émission ce matin sur
Radyo Ginen, l’agronome Michel William, qui avait joué le maitre de cérémonie
samedi, disait entre 18.000 et 25.000 carreaux) situés dans la section communale de l’Attalaye,
commune de St Michel de l’Attalaye. Située à environ 400 mètres d’altitude, la
Savane Diane occupe le coin nord-ouest de cette vaste étendue plane (217.600
hectares) qu’est le Plateau Central.
En dépit de sa situation géographique, la commune de St Michel fait partie
du département de l’Artibonite (une des raisons pour lesquelles il est ridicule
de parler des dix « départements géographiques » du pays). Pendant
longtemps, la voie la plus utilisée pour atteindre St Michel était la route qui
le relie à la Nationale # 1 au niveau d’Ennery, mais, depuis quelque temps, une
route qui traverse la chaine des Cahos relie St Michel à Marchand-Dessalines
évitant au voyageur venant de Port-au-Prince d’avoir à faire le grand détour
par Gonaïves et Ennery. Par ailleurs, St Michel est aussi relié à St Raphaël,
sur la Nationale # 3, au nord de Hinche, et à Maïssade, à l’est de Hinche.
En ce qui concerne l’histoire de la Savane, ce matin à la radio Michel
William a évoqué une colonie agricole qui aurait été établie sous la présidence
de Sténio Vincent en faveur de rescapés des vêpres dominicaine ; moi j’ai
surtout entendu parler du projet d’élevage sous la présidence de Dumarsais
Estimé : la Savane était utilisée pour la culture de l’« herbe Madame
Michel » qui servait de fourrage pour les zébus de la ferme de
Papaye ; et puis tout le monde sait que l’agronome Louis Déjoie y
produisait des huiles essentielles avant que le démon de la politique ne
finisse par l’envoyer en exil.
Aujourd’hui, on vient y implanter le Village de l’Espoir, mais ce n’est pas le premier projet
de ce genre. Le 31 Janvier
2003, le Premier Ministre Yvon Neptune lançait, au cours d’une cérémonie
officielle à Débauché, un projet de construction d’un village agricole sur une
partie des terres de la Savane Diane. L’INARA était réquisitionné pour procéder
à l’implantation du village, des parcelles
qui seraient distribués aux bénéficiaires et des voies de pénétration.
L’INARA devait également se préparer pour les interventions devant mener à
l’identification de ces bénéficiaires. Neuf mois plus tard, tout était arrêté
pour manque de fonds, et le second départ du Président Aristide pour l’exil
n’était pas loin. Philippe Mathieu, Ministre de l’Agriculture du gouvernement
intérimaire, parla de former une commission qui lui ferait des recommandations
quant à l’avenir du projet, mais je ne sache pas qu’il y ait eu la moindre
suite.
À
l’origine du projet actuel, il s’agissait d’une intervention à caractère
d’urgence humanitaire visant à relocaliser des personnes victimes du séisme dévastateur
du 12 janvier 2010 et qui s’étaient réfugiées dans la région de St-Michel. C’est
là une initiative qui va tout à fait dans la logique des recommandations que
nous avons faites dans le Plaidoyer
de la FONHDILAC; malheureusement, entre temps la plupart de ces réfugiés sont
retournés à Port-au-Prince et les promoteurs, le MARNDR et la Mairie de St
Michel, se sont trouvés dans la situation d’avoir à identifier d’autres
bénéficiaires, en l’occurrence les populations les plus vulnérables habitant la
Savane Diane.
Pour
le Ministère de l’Agriculture, c’était l’occasion de s’attaquer à la nécessité
de faire du secteur agricole un secteur « rentable, moderne et durable »;
et l’on comprend que le Ministre ait pu dire : « ce que nous lançons
aujourd’hui a la prétention d’inspirer ce que devrait être le modèle
organisationnel du milieu rural et le modèle fonctionnel du secteur agricole
pour les prochaines années, voire les prochaines décennies ».
Et
d’énumérer les interventions prévues : « La Savane Diane représente,
avec le reste du Haut Plateau Central et le Nord-est, l’une des principales
réserves foncières du pays. Le MARNDR entend faire de cette zone un pôle
important de croissance agricole. C’est pourquoi nous avons prévu des
investissements importants dans la région au cours des prochaines années.
Irrigation, lacs collinaires, arboriculture fruitière, école moyenne
d’agriculture, formation d’entrepreneurs agricoles, telles sont quelques
actions prévues et articulées autour d’une valorisation du potentiel régional
que le ministère compte mettre en œuvre dans le cadre de la relance du secteur
agricole ».
Personnellement,
je me suis toujours demandé pourquoi la Savane était sous-exploitée alors que
partout dans le pays les paysans se plaignent de n’avoir pas assez de terre. La
réponse réside dans le fait qu’il s’agit d’une zone relativement sèche. Certes
elle est encadrée par deux rivières qui descendent du massif de Marmelade qui
la borde au nord-ouest : le Bouyaha, au nord, et la Rivière canot, au sud,
qui vont faire jonction à quelques kilomètres à l’ouest de Hinche et former le
Guayamouc, mais le lit de ces cours d’eau est de plusieurs mètres en contre-bas
par rapport au sol du plateau. Si donc on veut faire de l’irrigation, il va
falloir mettre en place des infrastructures, des lacs collinaires, par exemple,
que le Ministre a du reste cités.
En tout cas, il ne fait aucun doute qu’une exploitation rationnelle de
cette vaste étendue peut faire la différence en ce qui concerne notre
production agricole.
Bernard Ethéart
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