mercredi 22 décembre 2010

Nos Voeux !

Nos Voeux !
par Daly Valet

C'est Noël ! Avec ses surprises. Ses plaisirs interdits. Ses péchés mignons. Ses heures d’enivrement permises. Ses fanaux aux mille couleurs. Ses cadeaux. Ses retrouvailles en famille. Ses chansons circonstanciées qui refusent de vieillir. Ses guirlandes de fleurs. Ses sapins flamboyants. Ses crèches qui nous transportent dans le mystère de la nativité. Ses salons endimanchés. C’est toute une époque. Elle excite. Elle envoûte. Bon gré, mal gré.

C’est Noël ! Et c’est aussi Haïti. La même depuis un certain temps. Dans tous ses états. Empêtrée qu’elle est dans les méandres caverneux de la mal gouvernance. Il y a l’Haïti d’hier avec ses misères et ses délices et celle d’aujourd’hui qui semble n’avoir, à offrir à son peuple, que les crises politiques à répétition, le black-out systématique, son cholera importé et ses pénuries de toute sorte. Pénurie d’essence en pleine saison de Noël ! Nos dirigeants ? Ceux-là qui sont justement payés par les contribuables pour penser, planifier, prévoir et résoudre des problèmes semblent avoir abdiqué. La délicate tâche de gouverner parait les dépasser, trop occupés sans doute dans les petites besognes de la basse politique. Haïti est comme devenue le monde de l’absence. Des absences, dirions-nous. Il nous manque un peu de tout pour être un pays ou pour en redevenir un.

Papa et maman n’ont apparemment pas les mots pour nous expliquer le crash. La déchéance. Ils ont connu une Haïti, certes pauvre et modeste, mais qui est loin de ressembler à celle qu’on livre, par les temps qui courent, en pâture aux renards, aux vautours et à la risée du reste du monde. La boîte noire du crash est peut-être quelque part. Dans notre culture. Nos mœurs. Nos valeurs. Notre système éducatif. Nos politiques. Notre vision du monde et de la patrie. Les générations présentes doivent se retrousser les manches et se serrer la ceinture pour aller la récupérer. Sans ce travail savant de repérage, de déchiffrement, la mère-patrie peinera encore longtemps à se relever de ses déboires.

Le plus dur défi pour un peuple martyr, c’est de pouvoir se libérer des démons aux origines de sa descente aux enfers. Nous ne saurions faire l’économie d’une profonde introspection, d’un retour critique sur nous-mêmes, si nous nous proposons vraiment d’édifier enfin un vrai pays. La grande catharsis est inévitable. Tout grand nettoyage requiert un grand déballage préalable. Le marronnage, le faire-semblant ne peuvent plus continuer à donner forme à nos paroles et à nos actes.

Que n’avions-nous galvaudé et perverti ? Que reste-t-il d’authentique dans notre compréhension et notre mise en pratique des idées de nation, de communauté, de démocratie, d’élection, de construction et de reconstruction, de modernisation, de gestion, de dirigeants, de ville, de salubrité, de république et de souveraineté ? De la caricature. Rien que de la caricature aberrante.

Nous devrons d’abord commencer par être sérieux avec et envers nous-mêmes avant de pouvoir bien saisir le sérieux des grandes idées de la modernité. Ça fend le cœur que les fêtes de fin d’année nous surprennent abasourdis, anxieux, peureux, enveloppés de mauvais draps, affamés et sans un toit pour des milliers d’entre nous depuis le séisme. Pourtant, pour la santé de l’esprit, fêter entre amis, en famille et célébrer le Ciel, s’imposent comme une exigence du moment. Malgré tout. Fêter à sa façon. À la mesure du portefeuille personnel et familial.

Il faudra surtout faire la trêve entre nous, passer l’éponge là où il le faut, pour le renouveau. Même s’il se révélera un exercice pénible de vouloir sourire de gaieté de cœur et de se laisser aller sans se grincer les dents à la bonhomie et l’humeur bon enfant de Papa Noël, il faudra sourire quand même. Et se dire tous en chœur: joyeux Noël !

D.V.

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