samedi 13 novembre 2010

Vacuum !

Vacuum !
Daly Valet

À entendre parler et déparler ceux qui, plus ou moins capables, aspirent humblement à nous gouverner, et ceux qui, foncièrement incapables, rêvent incongrûment de régner sur nous dans la continuité de l’Haïti à répudier, on dirait qu’ils perdent tous de vue que l’Haïti des secousses sismiques récurrentes, des sans-abris, du choléra et des ouragans tapageurs, a vraiment soif d’idéal. Nos foules et électeurs ont toujours été traditionnellement de grands sentimentaux. Nos options politiques et nos votes ne résultaient pas forcément de délibérations citoyennes rationnelles et bien informées. Et Dieu, nos affairistes politiques les plus futés en ont grassement tiré profit dans la longue durée. Ils ont usé de tous les artifices et expédients pour dérouter la nation, pervertir les appels au peuple, nos grands rendez-vous électoraux, et pour subvertir l’ordre républicain.
Le vide programmatique dans lequel s’inscrit l’actuelle campagne électorale donne froid au dos. On assiste à une trivialisation de l’idée de projets et de débats, de telle sorte que la majorité des candidats semble n’avoir que leur bonne ou leur mauvaise mine à offrir aux électeurs à titre de programmes. Un vacuum qui se lit dans les oppositions binaires factices du type « continuité vs changement». La rupture est-elle vraiment possible entre des cousins complices, accidentellement rivaux ? Le pays n’est pas vraiment mobilisé sur les grands enjeux et clivages structuraux. C’est comme la mort du politique en tant que lieu d’articulation, d’agrégation et de médiation des tensions et contradictions sociétales. Les discussions désertent l’essentiel pour se cantonner dans l’amplification des tapages accessoires autour de la simple prise du pouvoir par des coteries partisanes impatientes. Des coteries qui, à l’analyse, ne paraissent pas suffisamment préparées à mieux gouverner et à effectivement délivrer que celles qu’elles projettent d’évacuer du pouvoir.
Le comportement des élites politiques établies n’en finit pas de décontenancer et d’embrouiller les électeurs. C’est un exercice vraiment fastidieux que de vouloir les situer à l’échelle des idéologies, dans leurs choix et positionnements stratégiques, et par rapport à nos tourments réels de peuple. À la décharge de celles qui se mêlent d’institutionnalisation politique, il faut reconnaitre que le milieu haïtien ne se prête ni matériellement ni culturellement à l’émergence de grands partis porteurs de projets mobilisateurs. D’autant que les mi-lieux d’argent et de pouvoir en Haïti se sont toujours historiquement arrangés par croupions interposés pour confisquer le pouvoir par la ruse, la violence, les fraudes électorales et la corruption. Le financement des campagnes des dix-neuf candidats actuels à la présidence se fait dans une opacité déroutante, voire suspecte et troublante pour certains. L’absence de cadre normatif contraignant se prête évidemment aux extravagances et dépenses électorales incontrôlées. Le jeu de l’alternance politique démocratique et régulière se retrouve comme faussé durant ces joutes électorales aux relents de poker coquin.
Pourtant, en dépit de cet héritage apparemment indécrottable, il va falloir, à nouveau, voter le 28 novembre prochain. Peut-être qu’un vrai leader capable et tourné vers le changement vrai finira par sortir des urnes et se détacher pour notre bien de ces nombreux prétendants au fauteuil présidentiel. Nous vous présentons leurs visions du futur de notre pays dans les pages qui suivent. L’abstention ne saurait être une option. Les fraudes officielles se nourrissent généralement du consentement tacite et de l’apathie d’électeurs démissionnaires. ll va falloir voter. Malgré tout. Malgré ce CEP décrié. Massivement. Sans peur ni complexe. Pour l’autre Haïti.

Daly Valet
Le Matin

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