Contradictions
et Paradoxes
Me Serge H. Moïse
Barreau de P-au-P.
22-01-12
Il y a si longtemps, beaucoup trop
longtemps maintenant que nous suivons les mêmes sentiers qui ne nous mènent
nulle part. Et bon an mal an nous
persistons dans les mêmes voies, incapables d’en explorer d’autres probablement
plus salutaires.
S’il est vrai que tous les chemins
peuvent conduire à Rome, il paraît tout indiqué de changer d’itinéraire lorsque
celui emprunté ne semble pas le meilleur pour le pèlerin plus ou moins avisé.
Ces notions élémentaires de sagesse
n’ont pas l’air de faire recette dans notre petit coin jadis paradisiaque des
caraïbes. Les observateurs se perdent en conjectures depuis des décennies et
n’arrivent pas à comprendre qu’avec tant de gens de qualité évoluant tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières, ce qui serait partout ailleurs
très simple, affichent dans notre société tant de complications et de manière exponentielle.
Le droit chemin est souvent le plus court et le plus simple à parcourir.
Qu’à cela ne tienne, nous préférons de loin les détours inutiles. Serait-ce que
dans notre culture de marronnage, ce qui est clair, net, limpide et transparent
fait simpliste et terre à terre et que pour avoir fière allure, il faille coûte
que coûte tout maquiller au nom de la sacrosainte politique mal comprise par la plupart de nos politiciens eux-mêmes.
A l’heure actuelle, dans les pays émergeants, les pays avancés ou
développés on ne parle que de création d’emplois. Le président américain
luttant pour sa réélection au prochain scrutin mise sur l’augmentation du taux
d’embauche. En France, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Turquie. Dans
tous les pays d’Afrique de l’Amérique latine et bien sûr de la zone caraïbéenne
on ne parle que de création d’emplois pour amorcer le virage vers le
développement durable. Ils ont compris que le développement est d’abord humain.
« La personne avant toute chose » disait une campagne
publicitaire dans l’un de ces pays qui pourrait nous servir de modèle.
Constat plutôt bizarre, noyés dans une situation endémique d’un taux de
chômage d’environ soixante dix pour cent de la population active, nous refusons
de faire de la lutte contre le susdit chômage notre priorité absolue comme nous
le suggèrent la situation elle-même, mais plusieurs représentants de pays amis
à vive et intelligible voix.
Le (NPD) nouveau parti démocratique de tendance sociale démocrate comme
son nom l’indique, prépare sa rentrée parlementaire à la chambre des communes
du Canada en faisant de la création d’emplois son cheval de bataille.
En Haïti, le gouvernement en parle du bout des lèvres quant à nos
honorables sénateurs et députés, il faut croire qu’ils ont d’autres chats à
fouetter car on ne les entend pas souvent à ce sujet.
Plus triste encore s’avère l’attitude de nos intellos toujours à tous
les micros à s’écouter parler de tout et de rien, sauf de l’essentiel. Le
superficiel semble être d’un attrait irrésistible pour nos experts de la
verbomanie qui n’ignorent certes pas qu’en l’absence de la création
d’emplois à travers tout le pays ; parler de santé, d’éducation, de décentralisation, de
justice et de sécurité demeurent simplement des énoncés de vœux pieux, mais
qu’importe, eux aussi ont d’autres chats à fouetter.
Tant que les petits chèques de la
diaspora vont continuer à affluer régulièrement, tant que les ONG vont distribuer de l’eau
potable et un repas chaud à nos laissés pour compte, la création d’emplois sera
pour un futur pas trop lointain. On en reparlera, on inventera de beaux slogans
aux prochaines élections et plus ça changera, plus ça sera pareil comme
d’habitude.
Le grand changement, ce qui est d’ailleurs urgent, serait de rééduquer
nos analystes et penseurs auxquels nous
reprochions de trop parler et de ne rien faire et qui nous disaient il y a
quelque temps : « penser c’est agir » comme tout pouvait se
régler de manière exclusivement abstraite.
C’est à se demander dans quelle mesure nos « trop biens
scolarisés » ne constituent pas un obstacle majeur au développement de ce
petit pays qui a tant d’une éducation en adéquation avec son histoire et sa
culture, mais avant tout de pouvoir subvenir aux besoins primaires de ses
ressortissants dans la dignité et la liberté que seul le travail honnête et
valorisant peut procurer. Il n’y a là, rien de bien sorcier!
Moïse - hélas, aucun lien de parenté avec le soussigné - fut sauvé des
eaux, recueilli, élevé avec soin et amour chez le pharaon, un peu comme nous en
diaspora. Il y a reçu une si bonne éducation qu’il a compris qu’il se devait de
ne jamais oublier les siens. Il a tant et si bien fait que son nom demeure
gravé dans toutes les mémoires quelques deux mille ans après sa mort.
Les connaissances les plus pointues, la magie de la technologie moderne,
les pays amis n’arriveront pas à nous sortir de cette terrible impasse si nous
ne nous décidons pas, avec la volonté la
plus farouche, à prendre notre destin en main de manière inclusive et dans
l’intérêt de toute la collectivité. Faisons mentir les propos cinglants du
colonel John Russel qui insinuaient du temps de l’occupation que l’homme
haïtien, quelle que soit sa formation, avait la mentalité d’un gamin de sept
ans. Pour y parvenir nous aurons à plancher sur la nature profonde de nos
véritables problèmes et sinon éliminer, du moins atténuer sensiblement l’impact
négatif de nos sempiternels contradictions
et paradoxes.