Le réseautage des associations d’irrigants (2)
Bernard Ethéart
HEM, Vol. 25, # 46 du 07-13/12/2011
La semaine dernière, j’ai terminé mon
article sur l’atelier organisé par la Fondation Haïtienne de l’Irrigation
(FONHADI) le vendredi 25 novembre sur le thème du réseautage des associations d’irrigants lié au transfert de la gestion
des systèmes d’irrigation (voir HEM Vol. 25 # 45 du 30/11-06/12/2011) en
signalant qu’il ne s’est encore jamais trouvé un Ministre de l’Agriculture pour
présenter au Parlement un projet de loi sur l’organisation et le fonctionnement
des associations d’irrigants.
J’avais également mentionné que la
méthodologie élaborée par le Programme de Réhabilitation des Petits Périmètres
Irrigués (PPI 1), un programme du Ministère de l’Agriculture, pour la
structuration des dites associations, n’a été adoptée que du bout des lèvres
par la Direction des Infrastructures Agricoles (DIA) du MARNDR. Cela pose le
problème de la position pour le moins ambigüe du Ministère à ce sujet.
En principe, au niveau des
dirigeants, on est d’accord avec le transfert de la gestion des systèmes
d’irrigations aux associations d’irrigants ; cela va dans le sens du
« désengagement » du Ministère, devenu très à la mode à partir du
retour du Président Aristide en 1994. J’entends encore Philippe Mathieu, alors
Directeur Général Adjoint, proclamer à tout moment, avec sa vois de stentor,
que le Ministère doit devenir un ministère normatif et que les actions de
terrain seront le fait d’opérateurs spécialisés.
Cela faisait aussi l’affaire de
certains cadres du ministère qui se sont dépêchés de créer des « boites de
techniciens », souvent avec un label ONG, prêtes à signer des contrats
d’exécution avec le ministère ou les grandes organisations finançant des
projets d’irrigation. Mais, d’un autre côté, l’idée de confier des responsabilités
à des associations de paysans dérange ; cela va à l’encontre d’une vieille
tradition de confiscation du pouvoir, de tout pouvoir, par une certaine
catégorie sociale ; sans parler de la crainte de certains cadres
intermédiaires de perdre leur job si les paysans « deviennent trop
forts ».
En fait, ce ne sont que des combats
d’arrière-garde. Le principe de la participation-responsabilisation, qui guide
tous ceux qui appuient les associations d’irrigants fera son chemin même si
cela déplait à quelques uns. A la Villa Mamika, selon la liste que j’ai pu
obtenir et qui n’est peut-être pas complète, ils étaient plus de 80
participants dont une quarantaine venus de 7 départements : Nord-Ouest
(5), Nord (4), Artibonite (14), Centre (1), Ouest (5), Sud-Est (5), Sud (8).
Quand on sait que de nombreuses zones
n’ont pas pu être touchées, souvent parce que les organisations ne sont pas
encore bien solides ou simplement pas connues des organisateurs, on peut
imaginer quel potentiel cela représente ; et c’est là qu’apparait une
autre cause de la réticence ; la cause politique.
Le sénateur de l’Artibonite, Willy
Jean-Baptiste, lui-même agronome, spécialiste en gestion des systèmes
d’irrigation, et qui a été Directeur de l’ODVA, a cité des chiffres. 20.000
hectares irrigués dans la plaine de l’Artibonite, avec des parcelles de moins
d’un hectare, cultivées par un paysan à la tête d’une famille de 6 à 7
personnes, on peut calculer quelle population et combien d’électeurs potentiels
cela représente ! Vous comprenez maintenant pourquoi l’Artibonite est une
zone politiquement « chaude ».
Mais revenons aux associations
d’irrigants. Au cours des réunions préparatoires de cet atelier, les membres de
la FONHADI se sont penchés sur les services que l’association peut offrir à ses
membres :
-
Des
services pour une meilleure valorisation de l’eau :
o
accès aux
intrants (engrais, semences, pesticides …),
o
machinisme
(attelage, motoculteur, tracteur ...) pour faciliter le travail de la terre,
o
regroupement
de la production,
o
transformation
de la production,
o
commercialisation,
recherche de marchés …. ;
-
Un
service de gestion des exploitations agricoles (travailler sur la rentabilité
de la production) ;
-
Des
actions de plaidoyer pour un meilleur accès aux intrants, pour davantage
d’investissement de l’Etat, un meilleur accès au crédit …
Dans l’idée
des membres de la FONHADI, les associations seraient encore plus efficientes
si, au lieu d’agir chacune de son côté, elles conjuguaient leurs efforts en se
regroupant en fédérations régionales. Il en existe déjà dans l’Artibonite, dans
le Sud-Est, dans la zone goâvienne, sans parler de la grande Association des
Irrigants de la Plaine de l’Arcahaie. C’est là un premier niveau de
« réseautage » ; l’objectif est d’étendre ce mouvement à l’ensemble
du pays.
Et comme on
ne se refait pas, je ne peux m’empêcher de reprendre ce slogan que j’avais
lancé à l’issue du colloque sur le « Transfert de la gestion des systèmes
irrigués en Haïti » en juin 2004 (voir Conclusion du colloque sur l’irrigation, HEM Vol 19 # 12 du
20-26/04/2005), « Irrigants de tout
le pays unissez vous ! »
Pour finir
une bonne nouvelle : le nouveau Secrétaire d’Etat à la Production Végétale
du MARNDR, l’agronome Fresner Dorcin, qui était présent à l’atelier, a promis
son appui pour faire avancer le dossier de la loi sur les associations
d’irrigants.
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