vendredi 18 février 2011

Outrage !

Le Matin, 18 au 24 fév. 2011
Par Daly Valet

De l’innommable. De l’arrogance. La sélection nationale haïtienne des moins de dix-sept ans humiliée, agressée, et expulsée de la Jamaïque manu militari. Ils sont jeunes, talentueux et promis à un bel avenir dans le monde du football. Avec ces prodiges, Haïti pouvait enfin espérer se frayer une voie d’honneur sur la scène du football international et renouer avec ses succès d’antan. Ils servaient Haïti mais, hélas, Haïti les desservait.
En prenant l’avion pour Montego Bay aux fins de participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde U-17, ils ignoraient qu’ils transportaient avec eux, dans leurs bagages, sur leurs visages et dans leur sang, tous les stigmates de leur pays malade et en décomposition. Ils ont été traités comme des pestiférés venus des bas-fonds moyenâgeux du sous-développement crasseux et infect. Les officiels Jamaïcains ont osé. Oui, ils ont osé ! Leurs peurs irrationnelles du choléra, et d’autres épidémies sévissant actuellement en Haïti à l’état endémique, les ont conduits à des mesures de précaution sanitaire réservées généralement à des animaux contaminés. Ils sont allés jusqu'à la déraison infâme et indigne dans le mauvais traitement qu’ils ont réservé à nos jeunes frères haïtiens, temporairement présents chez eux pour défendre les couleurs d’Haïti dans cette compétition sportive. Il y a, en vérité, une résonance nazie dans ces mesures appliquées contre des humains au nom d’un certain « hygiénisme ». Les joueurs haïtiens ont été littéralement mis en quarantaine, subi des examens médicaux forcés pour dépistage de maladies contagieuses. un certain moment, les autorités de la Jamaïque entendaient même faire « désinfecter » les membres de la délégation haïtienne.
Ce fut le comble de l’outrage, mardi 15 et mercredi 17 février, pour les envoyés haïtiens. Il devrait y avoir normalement un prix à payer par la Jamaïque, au double plan diplomatique et économique, pour cet affront fait à Haïti, une nation sœur voisine et de surcroit membre de la CARICOM. Il faudrait, pour cela, une diplomatie et une économie haïtiennes, à la fois dynamiques et fonctionnelles, qui pesaient d’un certain poids dans l’espace caribéen. ce double niveau, Haïti est à refaire. Elle n’est plus ce qu’elle a été dans les relations internationales: un petit pays, mais une nation fière d’elle-même, de ses prouesses historiques, et de ses contributions humanistes à la civilisation universelle.
Quand un État n’a plus que ses misères et ses maladies à exporter, il faut s’attendre à ce que ses ressortissants subissent l’humiliation des autres et fassent l’objet de toute forme de stigmatisations en terre étrangère. Si le choléra est certes d’origine importée, sa genèse s’inscrit avant tout dans nos convulsions politiques, ces luttes intestines pour le pouvoir qui nous valent les interventions militaires étrangères à répétition, dans le marasme socioéconomique, et dans la décrépitude de nos structures sanitaires. Autrement dit, il faut repenser ce pays dans toutes ses coutures. Son prestige dans ses rapports à l’international en dépend largement. Si la dignité blessée ne s’indemnise pas, les pleurnicheries de poule mouillée ne compenseront rien non plus.

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