Branlebas de
combat pour la biodiversité
Bernard Etheart
Cette semaine je
vais revenir au thème qui était au point de départ de ma collaboration avec Haïti en Marche, l’environnement. Mais il ne s’agira plus de changement climatique,
comme cela a été le cas dans la plupart de mes papiers, mais de biodiversité.
Ce n’est pas la première fois que
j’aborde ce thème ; je vous renvoie à deux séries publiées en 2017 et
2018 : Protégeons notre
biodiversité (1) HEM Vol. 31 # 18 du 17-23/05/2017, (2) HEM Vol. 31
# 19 du 24-30/05/2017, (3) Vol.
31 # 20 du 31/05-06/06/2017 ; La
biodiversité menacée (1) Vol. 32 # 35 du 12-18/09/2018, (2) Vol. 32 # 36 du 19-26/09/2018, (3) Vol. 32 # 37 du 26/09-02/10/2018, (4) Vol.
32 # 38 du 03-09/10/2018.
Mais cette fois-ci il y a quelque chose de changé. Il
semble, en effet, que, au niveau des décideurs on a commencé à comprendre que
la perte de la biodiversité représente un danger au moins aussi menaçant que le
changement climatique, ce qui expliquerait ce que j’appelle le « branlebas
de combat » et qui se traduit dans cinq « rendez-vous »
1.
La semaine
de l'IPBES. A ce sujet je
dois signaler que je ne sais pas exactement comment se développe le sigle
IPBES. Dans la documentation que j’ai
utilisée pour ce papier j’ai trouvé deux « traductions » : groupe d'experts internationaux spécialisés sur la
biodiversité, celle-ci fait penser au GIEC et pas mal de gens disent
que l'IPBES est à la biodiversité ce que le GIEC est au changement
climatique ; l’autre « traduction » se lit Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la
biodiversité et les services éco-systémiques.
2.
Le G7
environnement, qui doit se tenir début mai, à Metz (Moselle)
3.
Le G7 général, fin août à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques)
4.
Le congrès
de l'UICN, en juin 2020 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
5.
La COP 15, fin 2020, en
Chine.
Avant
d’entrer dans le détail de ces différentes rencontres, voyons quel est le
problème. Pour Florence Roussel (26 avril 2019) « Nous sommes face à une extinction massive et très rapide des
espèces sur l'ensemble du globe, et les activités humaines en sont les
responsables par la destruction des habitats, les pollutions, la
surexploitation des ressources, la prolifération des espèces envahissantes et
le changement climatique ». Et elle ajoute : « Et cette fois, pas de risque de faire face à
une forme de scepticisme contrairement au climat (elle fait allusion aux
climato-sceptiques) : les
scientifiques sont catégoriques ».
1. La semaine de l'IPBES
A partir du
lundi 29 avril, les scientifiques de 132 Etats membres de l'IPBES se sont retrouvés
au palais de l'Unesco à Paris.
Ils avaient six jours pour se mettre d'accord sur un rapport auquel ils travaillent
depuis plusieurs mois. Ce document regroupe l'ensemble des connaissances
scientifiques sur la question de la biodiversité et surtout son état de
dégradation à l'échelle mondiale. Et le constat des scientifiques est sans
appel : "La nature décline globalement à un rythme sans précédent
dans l'histoire humaine et le taux d'extinction des espèces s'accélère".
Au bout
d’une semaine de travail, le groupe
d'experts internationaux spécialisés sur la biodiversité (IPBES) a publié, le lundi 6 mai, son
rapport sur l'évaluation mondiale de la biodiversité. Le rapport attire l’attention
sur cette extinction des espèces qui est quasi exclusivement liée aux activités
humaines.
L'érosion continue de la biodiversité est en
premier lieu due aux changements d'utilisation des sols occasionnés par
l'agriculture, en lien, notamment, avec l'augmentation de la consommation de produits animaux.
"Plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées
pour l'alimentation et l'agriculture ont disparu en 2016. 1.000 races de plus
sont menacées", cite le document. Plus d'un tiers de la surface
terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant
destinées à l'agriculture ou à l'élevage. Les impacts de la production
intensive sont aussi pointés.
Les facteurs
directs de la perte de la biodiversité sont, en premier lieu, les changements
d'usages des terres et de la mer (modification des habitats) principalement
liés au développement de surfaces agricoles et/ou au détriment des surfaces
forestières ; puis vient l'exploitation des ressources naturelles
notamment illégale (pêche, chasse, etc). Ces deux facteurs représenteraient
plus de la moitié des impacts recensés.
À cela
s’ajoute le fait que les zones urbaines ont connu une croissance de 100 %
depuis 1992, et la pression sur les espaces naturels s'accroît en conséquence.
Les autres
facteurs en cause sont le changement climatique qui "intensifie"
la perte de biodiversité. On évoque d’autres facteurs tels les polluants
(engrais, pesticides, déchets industriels ou déchets plastique) et l'augmentation
du nombre des espèces exotiques envahissantes.
On cite
beaucoup l’impact de l’agriculture, mais il faut bien comprendre de quelle
agriculture il s’agit. Certes, aujourd’hui, plus
d'un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en
eau douce sont destinées à l’agriculture ou à l’élevage ; depuis 1970, la
production agricole a progressé de 300 % ; en parallèle 23 % des terres
ont vu une réduction de leur productivité en raison de la dégradation des sols.
Le rapport parle d’une expansion de
l’agriculture qui s’est faite au détriment de la forêt tropicale intacte, en
particulier en Amérique Latine et en Asie du Sud-Est. Une agriculture aussi
génératrice d’environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais il souligne que les
petites exploitations agricoles (inférieures à 2 hectares), qui contribuent à
environ 30 % de la production agricole et à l’offre alimentaire mondiales sur
35 % des superficies agricoles, et bien plus en Afrique, sont garantes d’une
biodiversité riche, tandis que 68 % des capitaux étrangers allant aux secteurs
du soja et de viande bovine (principale transformation de l'Amazonie)
transitent par des paradis fiscaux et que les pays de l’OCDE apportent leur
soutien à hauteur d’environ 100 milliards de dollars à un type d’agriculture
potentiellement nocif pour l'environnement.
Bernard Ethéart
Lundi 13 mai 2019
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