LE CAPITALISME AUTORITAIRE (3)
BERNARD ETHEART
LUNDI 1ER
AVRIL 2019
Dans ma deuxième
chronique (Le
capitalisme autoritaire (2) HEM. 33 # 11 du 27 mars 2019) j’ai avancé que c’est dans les
années 80 que « les grands de ce monde » se sont lancés « à
l’assaut de l’État ». Deux personnages étaient alors aux commandes
dans leurs pays respectifs : Margaret Thatcher, première ministre en
Grande Bretagne du 4
mai 1979 au 28 novembre
1990,
et Ronald Reagan, président des États-Unis du 20 janvier 1981 au 20 janvier
1989.
On peut cependant se poser la question à
savoir : comment le « thatchérisme » ou le
« reaganisme » sont-ils arrivés à devenir le « mode de penser
dominant », si je peux m’exprimer ainsi ? La réponse nous invite à
laisser le domaine de l’économie pure pour nous aventurer dans le monde des
concepts philosophiques ; car « thatchérisme » et
« reaganisme » seraient des expressions du « néo-libéralisme ».
Mais avant de parler de
« néo-libéralisme », je crois bon de dire un mot du « libéralisme » : une doctrine
de philosophie politique et morale fondée sur la liberté et
la reconnaissance de l'individu et sur l’idée que chaque être humain possède
des droits fondamentaux qu'aucun
pouvoir n'a le droit de violer.
Adam Smith (1723-1790), considéré comme l'un des principaux théoriciens du libéralisme économique, est
au point de départ d’une théorie économique, et de l’école
libérale dite « classique », qui se constitue alors comme une pensée
cohérente englobant tous les domaines de l’action humaine étudiés à cette
époque.
Le fondement de la pensée libérale est
une théorie du droit selon laquelle chaque être humain est seul maître de
lui-même et possède des droits
fondamentaux et inaliénables qui découlent de sa
simple existence et sont inhérents à la nature humaine, indépendamment des
structures sociales dans lesquelles il est (ou n'est pas) inséré. Ces droits
sont le droit à la liberté
et le droit à la propriété.
Dans le domaine économique, le libéralisme défend notamment
l'initiative privée, la libre concurrence
et son corollaire l'économie de marché ; il est
ainsi « sur la longueur d’onde » du système capitalisme.
Sur le plan social et politique, le libéralisme veut limiter les
obligations imposées par le pouvoir
et plus généralement le système social, telles que la morale, au profit du
libre choix et de l'intérêt de chaque individu indépendamment des autres.
Mais revenons aux années 80. Certains
documents que j’ai pu consulter parlent de la « révolution conservatrice »
que connaît le monde à la suite de la phase de récession s'ouvrant avec les
deux chocs
pétroliers et la crise du keynésianisme.
J’ai évidemment un problème avec cette contradiction inhérente à la formule de « révolution
conservatrice », mais ce n’est pas le moment de s’y attarder, mieux vaut
parler de « celui par qui le mal est arrivé », je veux parler de Milton Friedman.
Milton
Friedman (31
juillet 1912 – 16 novembre
2006
est considéré comme l'un des économistes les plus influents du XXe siècle. Deux de
ses œuvres ont particulièrement touché le grand public : d'abord son livre
Capitalisme et liberté,
publié en 1962, puis sa série d'interventions télévisées réalisées en 1980,
intitulée Free to Choose (en français La
Liberté du choix).
Dans Capitalisme et liberté, (il
s'en vendra plus de 400.000 exemplaires en dix-huit ans) il explique sa théorie
selon laquelle la réduction du rôle de l'État dans une économie de marché est le seul
moyen d'atteindre la liberté politique et économique. Plus tard, dans La
Liberté du choix, Friedman cherche à démontrer la supériorité du libéralisme économique sur
les autres systèmes économiques.
Ses idées se diffusèrent progressivement
et furent prises en compte par les milieux politiques dans les années 1980 et ont
directement ou indirectement inspiré les politiques économiques de nombreux
gouvernements à travers le monde, notamment ceux de Ronald Reagan
aux États-Unis,
de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, d'Augusto Pinochet au Chili,
de Mart Laar en Estonie, de Davíð Oddsson en Islande et de Brian
Mulroney au Canada.
On s’accorde généralement sur le
fait que, à travers son engagement dans le débat public, il joua un rôle
important dans la réactivation des idées libérales dans un contexte où les
économies keynésiennes triomphaient. Comme l’a dit un observateur, qui n’était
pourtant pas toujours d’accord avec lui : « Dans une période où le marxisme et l'interventionnisme étatique
dominaient les esprits, Friedman a joué, à contre-courant, un rôle absolument
irremplaçable ».
Pour finir, signalons que, d'après
lui, le libéralisme est le remède aux problèmes de développement : « La solution
théorique, nous la connaissons. La clé du développement dépend :
1) de la présence d'un État de droit ;
2) du respect de la propriété privée ;
3) de l'existence d'un régime de libre entreprise (c'est-à-dire,
fondamentalement, la liberté des prix, des salaires et des contrats) ; et
4) de la capacité à contenir les pouvoirs de l'État.
État de droit, propriété privée, marchés libres et État limité
sont les ingrédients nécessaires pour qu'un processus durable de croissance et
de développement puisse s'enclencher. La formule n'est pas compliquée. Mais
elle n'est pas facile à mettre en œuvre, ne serait-ce qu'en raison de
l'incapacité de beaucoup à concevoir un pouvoir politique indépendant et
restreint ».
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