Le capitalisme autoritaire (2)
Bernard Ethéart
Lundi 25 mars 2019
Je vais enfin pouvoir reprendre ma série sur
le « capitalisme autoritaire ». Faut dire qu’elle n’a pas eu de
chance. La première chronique devait sortir dans le # 08, j’ai malheureusement
fait une bêtise en envoyant le mauvais texte à l’éditeur. Elle est donc sortie
dans le # 09, avec chapeau pour m’excuser auprès des lecteurs. La semaine
suivante, l’actualité ayant la priorité, c’est un papier sur le One Planet
Summit, qui venait de se tenir à Nairobi (Kenya), qui
est sorti dans le # 10. J’espère qu’au-jourd’hui aucun imprévu ne viendra troubler la sortie de la seconde chronique.
Pour commencer, je veux rapidement rappeler
comment m’est venue l’idée de cette série. Partant de tous ces mouvements de
protestation dont la presse se fait l’écho, chez nous les « Petrochallengers » en France les
« gilets jaunes », en
Algérie les manifestants qui demandent la fin de l’ère Bouteflika, auxquels
j’ai ajouté « printemps arabe »,
et les « indignés », je me
suis demandé si on pouvait leur trouver un dénominateur commun.
Et voilà qu’un ami m’envoie un article
intitulé : « L’essor inquiétant
du capitalisme autoritaire », par Olivier Passet, Directeur des
synthèses, Xerfi. Je n’y ai pas trouvé la réponse à mon interrogation, mais,
par association d’idées je suis retourné à cette « approche hexagonale » que nous avons développée à la FONHDILAC
et qui identifie les six axes d’intervention qui résument tous les processus en
cours dans une société.
Au risque d’être un peu long, je reprends ces
six axes :
1.
au centre de
la réflexion il y a l’homme, qui est à la fois l’acteur et le bénéficiaire de
tous les processus qui se déroulent au sein de la société ; l’axe humain
doit donc se trouver en première position ;
2.
mais cet homme
n’est pas seul, il fait partie d’un groupe social ; l’axe social vient
donc en seconde position ;
3.
ce groupe
social vit dans un environnement naturel, d’où l’axe environnemental ;
4.
cet
environnement naturel peut être modifié par des aménagements, d’où l’axe infrastructurel ;
5.
ce groupe
humain exploite son environnement naturel et modifié par les aménagements dans
des activités économiques qui doivent lui permettre de satisfaire ces besoins,
d’où l’axe économique ;
6.
enfin, pour
éviter les dérapages, il est nécessaire que l’ensemble de ces activités
connaisse une certaine forme de réglementation, d’où l’axe politique.
Comme je l’ai dit la dernière fois nous avons
développé cette approche à partir d’un document qu’avait trouvé notre président
d’alors, Jean-Robert Jean-Noël, mais, ce document ne parlait que de 5
axes ; l’axe politique n’y figurait pas, c’est Jean-Robert qui l’a ajouté.
Moi-même, en consultant des documents qui traitaient de cette approche, j’ai pu
constater qu’il n’y était jamais question de l’axe (ou du capital) politique.
Pendant longtemps je me suis étonné de cette
absence ; et puis, un beau jour, et je reconnais humblement que c’est
relativement récent, j’ai finalement compris. Reprenons ce que nous avons dit
de l’axe politique : « pour éviter les dérapages, il est nécessaire que
l’ensemble de ces activités connaisse une certaine forme de réglementation,
d’où le capital politique ».
Or il se trouve qu’il y a une catégorie sociale qui refuse toute forme de réglementation,
ce sont « les grands » du monde d’aujourd’hui, ceux dont les actions
sont cotées en bourse, les grands du Dow Jones et du CAC 40.
Je dois faire
attention, car je me lance dans un domaine qui n’est pas ma spécialité. Je
crois cependant que l’on peut affirmer que c’est dans les années 80 que
« les grands de ce monde » se sont lancés « à l’assaut de
l’État ». Les années 80, c’est la période durant laquelle deux personnages
ont été aux commandes : Margaret Thatcher, première ministre en Grande Bretagne
du 4
mai 1979 au 28 novembre
1990,
Ronald Reagan, président des États-Unis du 20 janvier 1981 au 20 janvier 1989.
Le « grand homme » dans cette
affaire fut Margaret Thatcher. Sa
politique économique, fortement influencée par les idées issues du libéralisme économique, se
distingue par d'importantes privatisations,
la baisse des impôts directs,
l’augmentation des impôts indirects, la maîtrise de l'inflation
et du déficit public,
ainsi que par l'affaiblissement des syndicats. Pendant que le
« thatchérisme » s’imposait en Grande Bretagne, de l’autre côté de
l’Atlantique, son pendant nord-américain, le « reaganisme »,
gagnait du terrain. Un des éléments importants de la politique de Reagan était
l'idée que la croissance économique aurait lieu lorsque les niveaux
d'imposition seraient suffisamment faibles pour encourager l'investissement. C’est
ce qu’on a appelé la « théorie du ruissellement »
que Reagan voulait appliquer dans sa fameuse Caribbean Basin Initiative.
Et puisque nous parlons de pays en voie
de développement, il faut rappeler que c’est au nom de ces théories que des
institutions internationales comme et FMI et la Banque Mondiale leur imposaient
les programmes d’ajustement structurel dont on connait les conséquences
désastreuses.
Résultat, nous vivons dans un monde où
les inégalités ont atteint un niveau qui n’est plus supportable avec des
mouvements de protestation qui deviennent de plus en plus violents sans que les
responsable aient même l’idée, voire la volonté de revoir leur copie et on a
envie de reprendre cet avertissement que nous connaissons bien : « Sa
m’ ouè pou ou a, Antwann non Gomye pa ouè l’ ».