Gestion sociale de l’eau (2)
Bernard Ethéart
Miami le 11 août 2014
La semaine dernière, j’ai entrepris de parler de l’atelier sur Le
Cadre Légal de l’Irrigation en Haïti, organisé par la Fondation Haïtienne de l’Irrigation
(FONHADI) en décembre de l’année dernière (voir Gestion
sociale de l’eau HEM Vol. 28 # 29 du 06-12/08/2014). Je m’étais attaché à résumer la
présentation du premier intervenant, Jean Robert Jean Noël, qui, après avoir donné quelques chiffres concernant le secteur
de l’irrigation, a présenté les grandes phases de l’histoire de l’irrigation en
Haïti.
Aujourd’hui, je voudrais parler de la présentation du second intervenant,
Cécile Bérut, qui devait aborder le point central de l’atelier : la LOI SUR LE TRANSFERT DE
GESTION DES SYSTEMES IRRIGUÉS.
Pour commencer, elle a abordé les raisons de la mise en place d’une telle
loi. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas d’avoir un peu modifié l’ordre de
présentation.
Les raisons relatives à la mise en place de la loi sur
le transfert de gestion des PI sont les suivantes :
1. Pour
moi, la première raison se trouve dans l’inefficacité de l’ancien système,
L’irrigation est encore régie par le Code rural de 1963 qui définit un mode de
gestion centralisé : l’Etat est « en charge de l’administration
des systèmes d’irrigation », sans participation des usagers qui sont
juste « tenus d'assurer le curage et le sarclage des canaux secondaires
et tertiaires desservant leurs plantations ». L’Etat, par le biais du
MARNDR, assure également la Police des Eaux.
2.
La deuxième raison serait une affaire d’opportunité, si je peux
m’exprimer ainsi. La Constitution de 1987 favorise et reconnait l’importance de
la participation des citoyens à la vie nationale, dans le cas de l’irrigation,
cela implique la participation des usagers dans la gestion des systèmes. Le
décret du 30 septembre 1987 portant organisation et fonctionnement du MARNDR
confirme cette orientation en donnant, dans son article 4, mission
au MARNDR d’ « encourager les usagers des systèmes
d’irrigation à s’organiser en groupements afin de rendre plus rationnelle et
plus efficace l’utilisation de cette ressource ».
3. En
troisième lieu, il convient de faire preuve d’un peu de réalisme. Depuis que l’Etat
est devenu « absentéiste », après 86, mais surtout à partir de 94, de
nombreuses associations d’irrigants se sont mises en place dans la plupart des
périmètres irrigués du pays.
4. Ces
associations d’irrigants attendent de l’Etat la confirmation de leur
légitimité, de leur droit à l’autonomie et la reconnaissance de leurs capacités
de prendre en main la gestion des systèmes d’irrigation.
Il faut donc une loi
5. qui régisse le mode de gestion
des systèmes d’irrigation ;
6. qui
donne aux associations d’usagers
des systèmes d’irrigation un statut propre et la personnalité juridique ;
7. qui
pose les principes et le cadre du
transfert, total ou partiel, de la gestion des infrastructures d’irrigation à
ces associations d’irrigants.
Quelques avancées peuvent être constatées, et aussi Jean Robert Jean
Noël que Cécile Bérut ont cités des dates marquantes :
•
avec la
fin du projet de réhabilitation des périmètres de la plaine de l’Arcahaie (PREPIPPA)
(Année 90-00), le MARNDR a signé un contrat de transfert de gestion avec
l’Association des Irrigants de la Plaine de l’Arcahaie ;
•
par la
suite le MARNDR a aussi signé avec des associations sur des périmètres
réhabilités par le PPI-I, de sorte que une trentaine de systèmes sont gérés officiellement
par des associations d’irrigants ;
• dans
l’Artibonite, le PIA a travaillé sur la gestion par les usagers du système
d’irrigation de la Vallée de l’Artibonite et mis en place d’une fédération
d’associations d’irrigants ;
•
le projet PPI I a élaboré une méthodologie de mise en place des
associations d’irrigants (quatre phases, quatorze étapes et trois niveaux de
contractualisation) ;
•
dès 1998 la firme LGLSA a travaillé à l’élaboration
d’un avant-projet de loi sur
le transfert de
gestion ;
en
2011, cet avant-projet a été soumis à la Primature qui l’a égaré ; en 2012,
il a été réintroduit à la Primature avec un exposé des motifs.
Je terminerai, pour aujourd’hui avec un résumé des
principes de cet avant-projet, tel que présenté par la conférencière :
• D’une gestion centralisée à une gestion locale ;
• Les ressources en eau font
parties du domaine public de l’Etat et
celui-ci, par des structures appropriées, en assure la protection et la
gestion ;
• L’Etat, représenté par le
MARNDR, peut transférer tout ou partie de la gestion d’un système d’irrigation
à une association d’irrigants reconnue (Art 5) ;
• L’Etat reste également Maitre d’ouvrage des
infrastructures d’irrigation mises en place directement ou avec la
participation des usagers (Art 6) ;
• le transfert se réalise par
contrat entre le MARNDR et
l’association d’irrigants ; les termes du contrat sont fixés par la loi ;
(les parties contractantes, description di système, engagements, modalités
d’appui et d’accompagnement, modalités de gestion, mise en place d’un conseil
de surveillance – Art 8) ;
• Un conseil de surveillance est mis en place pour veiller à la bonne
application du contrat ; il se compose de représentants de l’Etat (DDA),
des Collectivités territoriales impliquées ; (section 3 – Art 10 à 13) ;
• Un type d’organisation
nouveau est créé, les associations d’irrigants, avec des statuts spécifiques et
un objectif bien défini qui est d’assurer ou de participer à la gestion des
systèmes d’irrigation ; (Art 14,15, 16,17) ;
• Les principes de constitution et de fonctionnement de ces associations
d’irrigants sont précisés ; ils comportent notamment la mise en place
d’une assemblée générale souveraine et
d’un comité exécutif élu ; (Articles 18-19-20-21-22-23) ;
• Une procédure de reconnaissance par le MARNDR est mise en
place, qui confère aux associations d’irrigants reconnues la personnalité
juridique ;
• Les associations
d’irrigants assurent leur autonomie
financière en collectant de leurs membres des redevances (Art 25) ;
• Les associations d’irrigants
assurent la Police des eaux (Art 26) ;
• Dispositions
transitoires : le MARNDR doit encourager la création d’associations
d’irrigants (Art 27), les AI qui existaient avant la loi
doivent demander la reconnaissance.