La politique de reboisement du gouvernement Martelly
Lamothe en panne de stratégies politiques et économiques ?
MICHEL WILLIAM
1 AOUT 2013
Le reboisement et la
conservation des sols en Haïti sont les frères siamois d’une nation vulnérable mal prise en charge par un état délinquant.
Pour n’avoir pas respecté l’enseignement général sur les bassins versants á
savoir la gestion d’un bassin versant repose sur 3 piliers
fondamentaux: la planification intégrée, la responsabilisation territoriale et
la prise en compte des contraintes paysannes dans l’élaboration de la
politique nationale, notre énergie est dépensée en vain. Le pays compte
trente bassins versants totalisant
2.177.000 has .De cette superficie, 1.749.900 has de terre ayant plus de 20% de pente nécessitent
une intervention urgente de l’Etat haïtien dans un contexte hautement démocratique. Hautement
démocratique signifie la recherche d’un consensus politique entre les trois
grands pouvoirs de l’état, le quatrième pouvoir et l’opposition politique pour
approcher la nébuleuse du reboisement du pays. Compris entre 100.000 et 300.000
gourdes á l’has, le cout des modèles de mise en défense et de reboisement des
terres pratiqué dans les projets á financement étranger n’est pas répétitif. Avec les prix exorbitants
de vente á la république des plantules
forestières et fruitières payés entre vingt et quarante gourdes l’unité, les gouvernements haïtiens n’ont pas opté pour le reboisement ordonné et
planifié du pays .Ils ont plutôt opté
pour un marché de plantules et
d’expérimentation des structures anti érosives couteuses, profitables aux ayants
droit.
Parallèlement, le
pouvoir de Martelly depuis son arrivée aux affaires fait face aux doléances d’une population rougies au blanc par une presse qui projette dans le politique la réalité économique
de la rue et qui exprime le raz de bol
d’une opposition qui ne s’attendait pas du tout au retour d’un régime
politique proche du duvaliérisme. Le
pouvoir de Martelly en s’attaquant á n’importe
quelle priorité des cinq E choisies a d’abord
un problème de perception politique á résoudre.
Pour le résoudre il devra s’appuyer sur l’aile démocratique de
l’opposition humiliée et affaiblie par le pouvoir de Lavalas et INITE au cours
des vingt cinq dernières années. Des ministères comme l’Agriculture, l’Environnement, les Affaires
Sociales, l’Education Nationale et l’Intérieur doivent être gérés par l’OPL, la
fusion la KID, le RDNP et Acaau, comme
preuve de sincérité du mikisme á l’opposition anti duvaliériste que son pouvoir
n’est pas un retour au duvaliérisme révolu. Ce nouveau pouvoir jettera les
bases d’un programme idéologique de reboisement obligatoirement chaud dans les
deux pointes, parce que son exécution aura exigé l’utilisation de la carotte et du
bâton légal. Entendez par l’expression bâton légal une entente politique sur
les institutions á mettre en place, sur les programmes et projets á réaliser et sur un arsenal de lois organiques et du code pénal
révisé á la lumière des technologies du
vingt et unième siècle et des piliers fondamentaux ci-dessus évoqués...
Le pouvoir de Martelly a choisi le slogan « chak ayisyen yon pye bwa ». C’est
bien, mais on n’y a pas trouvé la motivation á la fois
nationaliste et économique des élites urbaines et des paysans qui vivent dans le bassin
versant á reboiser. Encore moins un
désir ardent de participation en masse de la jeunesse des écoles qui bénéficient du PSUGO. Ironiquement
le PSUGO divise plus qu’il n’unit. On ne sent pas la volonté du gouvernement de
forcer le reboisement depuis la collectivité territoriale. Dans les modèles récents de reboisement tous les gouvernements
haïtiens sont en panne de stratégies politiques et
économiques. Aujourd’hui le problème haïtien n’est pas de planter des arbres mais de trouver chaque jour á manger et á entretenir sa famille. Si le reboisement lui
offre cette alternative, sa participation est acquise déjà aux idées du
pouvoir. Si le pouvoir fait du reboisement un programme prioritaire, alors il devra
démontrer qu’il est sérieux et qu’il entend que tout le monde fasse de l’argent y compris le
groupe politique qui manœuvre derrière cette idée. Produire des plantules et les mettre en terre sont une face de la
médaille Le suivi permanent donné aux plantules mises en terre á travers les structures mixtes état /société
civile est l’autre face de la médaille. Il n’y a pas de stratégie ni á l’amont
ni á l’aval. C’est aussi le sérieux du gouvernement et des hommes
d’affaires qui doit prévaloir dans le
choix des politiques énergétiques
publiques comme alternatives á l’utilisation du charbon de bois pour
permettre aux investisseurs de faire de l’argent á moyen et á long terme
et non á très court terme comme
c’est le cas actuel. Quid du consommateur ? »Jodiya, pou
nenpot teknisyen repare yon tib an kwiv nan yon fou /recho a gaz pwopan, pipiti
kob li mande se cinq mil goud» .Yon ti recho 2 plas a gaz pwopan
koute 2.500 goud. Yon bonbonn gaz 22 liv
koute 600 goud. Yon pano solê 250 watt koute tet neg ,paske wap peye 1,75 dola uss, pou chak watt. Pa gen
sekirite.Yap vole yo.Pa gen kredi pou malerez yo achte teknoloji sa yo. Answit malerez sa yo pa
idantifyab nenpot kote yale, pou pemet kredi a
swiv yo tou patou».Et
alors !
Quelles sont les
causes justificatives du déboisement ? Quelles sont les politiques
facilitatrices du reboisement ?
Quelles sont les conséquences du
non reboisement ? On ne trouve
aucune réponse á ces questions dans le programme triennal de 116 millions de
plantules du MDE. Comme si le reboisement se ramenait seulement á placer des
commandes de plantules, á les payer, á faire des commissions puis á
les donner pour être plantées!
Cout d’un has de
terrain protégé et reboisé
A date et jusqu'à preuve du contraire, ni
le ministère de l’agriculture, ni le ministère
de l’Environnement ne dispose de cout réel et pratique pour un has
protégé et reboisé. Un has de terre protégé et reboisé en montagne était de quarante mille gourdes á l’has, il y a quelques vingt années. Aujourd’hui
dépendant de la nature des structures mécano
végétatives de défense et de restauration
de sol établies et du type d’essences forestières ou fruitières adaptées á l’écologie, le cout d’un has protégé et reboisé peut varier
de cent mille á trois cent mille
gourdes. Un seul seuil en béton
peut couter jusqu'à 250.000 gdes. Une plantule de bambou est achetée par l’état
entre 50
et 300 gdes, dépendant de la hauteur. Un fruitier coute
entre 30 et 40 gdes l’unité. Une
plantule forestière de vingt cms de hauteur coute entre vingt á trente gourdes. Une
plantule de benzoliv coute dix gourdes á
la pépinière. La plantule de benzoliv est livrable
sur un mois et demi (lajan an fet
vit vit, men li pa rive nan poch mounn kote ki bezwen benzoliv la). En reboisant les terres avec une densité
clairsemée de 40 á 50 arbres á l’ha pour permettre temporairement les
cultures vivrières sarclées et en prévoyant un taux de 10% de rejets (leftover)
il faudrait quatre vingt six millions six cent vingt mille plantules .Imagine-t-on
le montant astronomique que l’état aurait á dépenser
pour produire simplement cette quantité de plantules achetées même aux
prix de la pépinière á 15 gourdes l’unité.
On aura besoin d’un milliard deux cent quatre vingt dix neuf millions de
gourdes (1.299.000.000 ).Quid du cout des seuils en béton, des seuils en murs
secs, des haies vives, du transport, de la plantation, de l’entretien, des pots
de vins ,en plus de la surveillance permanente des plantules ? N’en parlons même pas. Que d’économie on
aura faite par plantules en donnant ces contrats aux écoles de la section
communale? Combien d’argent la république aurait économisé et quelle somme du budget serait allée aux collectivités et dans les écoles en plus du PSUGO ?
Conclusion
Depuis tantôt une
vingtaine d’années le reboisement est
devenu la « nuestra causa » ou celle de la « familia
politica « des ONG internationales et des amis du cercle du pouvoir exécutif.
Le reboisement tel que organisé est un processus de racket programmé dans le
budget des ministères ou des ONG dans le
simple but de faire des commissions lucratives sur chaque plantule commandée.
Ce sont des projets rigolo sauf ceux qui atterrissent maigrement dans le milieu rural après avoir essuyé la
mitraille des kyrielles d’organisations populaires qui relaient les prédateurs
haut placés dans le braquage des fonds alloués au reboisement.
Le pouvoir du
gouvernement de Martelly et celui du parlement ne réalisent pas que les citoyens sont parvenus á identifier les vrais problèmes du reboisement
et qu’ils les enjoignent de mettre fin á la valse
des millions qu’ils ne veulent plus danser. Pour aider le reboisement á trouver sa voie, mentionnons deux mesures
prises dans un autre domaine par la PNH
et qui ont marché très bien. La première était le remorquage des voitures en bon état mal stationnées sur le
trottoir (les voitures en mauvais état
ne l’étaient pas). Le second est le port obligatoire du casque par les motocyclistes. La première mesure fut rapportée parce que les pénalités
payées par les contrevenants n’allaient
pas dans les caisses de l’état. La seconde est légitimement observée parce que les contraventions qui se paient chères sont distribuées par la
police au premier venu qui s’aventure á circuler en moto sans le port du casque dans les rues des
grandes villes. Si la gestion économique de ces deux mesures est questionnable il n’en
reste pas moins vrai que leur application avait porté des fruits. Il faut simplement corriger les déviations
.La même approche est suggérée pour compléter le paquet de mesures motivationnelles
et contraignantes qui conditionnent la réussite d’un projet de reboisement.
Nous n’avons pas,
nous n’aurons jamais assez d’argent pour mener á terme un projet de reboisement dans les 30 bassins versants dont les eaux en
furie dévastent á chaque averse tout sur
leur passage. Au prix magouilleur des contrats de plantules signés entre l’état
et les pépiniéristes il faudra huit
milliards de gourdes pour les produire. Avec une fraction du budget d’investissement demandé de 1 552 142
521 de gourdes pour le MDE ou de 6 409 316 728 de gourdes pour le MARNDR,
combien d’années mettrait chacun de ces ministères pour reboiser les basins versants et pour les
protéger? Dire que les prévisions budgétaires faites par l’état et par la
communauté internationale sont
généralement décaissées en fin d’exercice á hauteur de 60% pour le
gouvernement et de 41% pour l’étranger est
encore un autre sujet d’inquiétudes dans
l’étude et dans la distribution du budget. Et si lá-encore avec ces
huit milliards de gourdes il y
avait une chance sur mille que le reboisement réussisse, les haïtiens n’auraient
qu’á attendre l’arrivée de ce jour pour rendre
grâce á Dieu.
Non ! Non !
Il n’y a aucune chance que le reboisement
du pays réussisse dans ces
conditions. Il faut rejeter ces projets rigolo de 116.millions de plantules et
de construction de master seuil en béton non étudiés dans un plan ordonné de
valorisation des ressources humaines et
de renforcement des institutions étatiques
de proximité qui en conditionnent leurs succès. Si nous voulons que les
projets de reboisement réussissent, commençons
d’abord par rétablir l’autorité de l’état dans les sections communales. Le
reboisement du pays est un must qui
incombe au premier chef au pouvoir décentralisé. Nous ne pouvons pas nous y soustraire. Organisons les pouvoirs
locaux, rendons-les responsables et fonctionnels. Organisons la justice dans
les sections communales. Organisons la police environnementale ou la police communale sous le commandement
de l’autorité civile locale pour punir
les contrevenants. Rendons la production de pépinières obligatoire dans toutes
les écoles ayant bénéficié du PSUGO. Donnons ces contrats de production de
plantules pour que l’argent du reboisement profite aux gens des zones á
reboiser. Etendons ces mesures aux lycées publics et aux collèges privés du secondaire
en milieu rural en échange des services fournis par l’état ou par le privé. Faisons
des pratiques de mise en défense des sols et de reboisement une matière de
base dans les programmes annuels d’examens scolaires. Mettons dans le
curriculum des examens annuels de fin d’études
le reboisement et la défense –restauration
des sols comme des matières de base obligatoires. Rendons les services
d’identification nationale et
d’intelligence nationale fonctionnels pour pouvoir garantir le crédit donné par les
banques commerciales ou par une banque
de développement. Et comme toutes ces innovations
demandent un consensus politique et du
temps pour mettre en place une
gouvernance locale fonctionnelle ,votons
une » loi d’expérimentation », choisissons des bassins versants pilotes dans lesquels ce paquet intégré de gouvernance et de reboisement sera expérimenté
pour servir de lieux d’excursions, de démonstration et de motivation aux groupes des leaders qui ont ces mêmes problèmes
de reboisement chez eux. « Politik se fe tout mounn fe lajan. Martelly dwe
fe lajan rebwazman ale nan môn kote rebwazman ap fet la, poul jwenn
patisipasyon pep la tout bon. Si Mateli
eseye rale bo kotel,tout pati politik, LAVALAS
ak INITE te imilye yo, lap gen yon chans, poul sove pouvwa’l , ak pati
politik sa yo, kap ede’l nan rebwazman
an, pandan ke lap rasire opinyon piblik la, menm si janklod Divalye se
mounn pa li, pouvwa pal la, la, pa yon pouvwa
divalyeris ki depase deja
jodia.»
1er Aout
2013
Références
-Le bluff du
Benzoliv et des 116 millions de plantules de reboisement du MDE
Michel William Nouvelliste juin 2013
-Planter 116 000 000 d’arbres en trois ans
(mai 2013 – mai 2016),
en sommes-nous prêts? Karly Jean Jeune juillet 2013
-Le
« Benzoliv » ou la plante par laquelle le président Martelly peut faire la différence
Forum
internet Michel William 25 Mai 2013
-Morne L'Hôpital, les dés sont jetés
Robenson Geffrard rgeffrard@lenouvelliste.com mercredi
06 juin 2012
-Projet de reboisement d’Haïti Michel William 30 juin 2011
-Vulnérabilité environnementale en Haïti Bassins versants rapport USAID Haïti 20 juin 2010
-La problématique
politique du traitement des basins versants Michel William New York 13 Octobre 2011,
-Un contrat avec Ayiti en 5 points, publié
dans les colonnes du journal Le Novateur #102 f Stuppard Wednesday, October 27,
2010
-Zonage
Foret des pins (selon le vocabulaire
en usage par les habitants de Foret des Pins/Maccaya.) Juin 2009 enquête
d’opinion de Yves André Wainright
-Les actes de l’Atelier national sur les choix
énergétiques MARNDR 21 janvier 2000
-Gestion des Bassins versants, politique sous
sectorielle du MARNDR Agr Paul Verlaine
Jean Baptiste (Les actes de la semaine du developpent Rural 13-17 décembre
1999).