BILAN DE L’ANNÉE
2012
Michel Soukar
19 12 2012
L’année 2012 est marquée
par une série de scandales, de conflits, de crises, de désastres aussi
bien humains que naturels.
I.
PLAN POLITIQUE
Conquis au nom du changement et basé sur un programme axe sur 5 «E» :
Education, Emploi, Environnement, État de Droit et Énergie, le Pouvoir Exécutif
s’est enlisé dans une série d’affaires, de conflits, de scandales et de crises à
répétition, entrainant dans son sillage les deux (2) autres Pouvoirs de
l’Etat : le Législatif et le Judiciaire .
A. POUVOIR EXECUIF
Depuis l’adoption de la Constitution
du 29 mars 1987, le Peuple haïtien soupire après un changement qui tarde à se
concrétiser.
Pour la Vérité et pour l’Histoire,
c’est l’homme d’affaires Daniel Gérard Rouzier qui, désigné Premier Ministre
par le Président Joseph Michel Martelly, avait synthétisé et résumé le
programme du Gouvernement en 4 «E», auxquels est venu se greffer un cinquième. Dans ses interventions publiques, il avait
clairement indiqué qu’il allait s’inspirer des recommandations du rapport de la
Commission sur la Compétitivité, formée sous le Gouvernement de René Préval,
pour étoffer son programme de Gouvernement.
Mais on connait le sort réservé au choix de Monsieur Rouzier.
Parmi les quatre (4) Premiers
Ministres désignés par le Président Joseph Michel Martelly, deux (2) ont
bénéficié des faveurs du Parlement. Il s’agit de Garry Conille et de Laurent
Salvador Lamothe. Durant les quatre (4)
mois passés comme Chef de Gouvernement, Monsieur Conille n’a pas eu le temps de
doter les 5 «E» d’un contenu réel.
1.
Des «E» Vides.
Contrairement au Président Préval qui
avait formé des Commissions pour réfléchir sur des thèmes d’intérêt commun, le
Président Martelly change de méthode. Il
a opté plutôt pour l’organisation de semaines de réflexions sur ces thèmes. C’est ainsi qu’il y a eu consécutivement des
semaines de réflexion sur le Tourisme, la Construction, l’Éducation, le
Logement, l’investissement, etc. Mais
aucun document n’est sorti de ses réflexions.
Sous le Gouvernement dirigé par le Premier Ministre Lamothe, les
réunions se sont accélérées. Il ne se
passait une semaine sans qu’il ne fût organisé un colloque ou un séminaire dans
un des hôtels de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Pourtant,
les «E» sont vides. Les slogans ont pris
le pas sur les programmes :
a) Éducation : le
problème est mal posé. La question de l’adéquation entre l’offre et la demande
scolaire et celle de la qualité de l’enseignement ne sont pas abordées ;
b) Emploi : il n’existe
ni politique ni programme tendant à créer des emplois et à réduire le chômage dans le pays ;
c) Environnement : encore
absence de politique et de programme destinés à réduire la vulnérabilité du
pays dans ce domaine ;
d) État de Droit : la primauté du droit et
l’égalité de tous devant la Loi sont des vœux pieux ;
e) Énergie : c’est la confusion.
Personne ne sait qui du nouveau Ministre délégué a l’Energie, qui de l’ED’H est
chargé de la définition de la politique dans ce domaine crucial.
C’est plutôt la propagande politique qui occupe l’espace médiatique. Cette propagande s’articule autour de slogans
creux comme «Ti Manman Chérie, Aba
Grangou, Katie Pam Poze, Banm Limie Banm Lavi, Ede pep, etc. » Les Conseils de Gouvernement et des Ministres
sont retransmis en direct à la radio et à la télévision. La Télévision Nationale cesse d’être «la
Chaine du Service Public». Elle est devenue
depuis sa fusion avec la Radio Nationale et le changement à la tête de sa
Direction Générale, «tantôt «la vue et l’image du changement», tantôt le son et
la vue de la Nation.» D’autres stations
de Télévision privées lui ont même emboité le pas. Serait-on revenu au temps des «Affaires
publiques» sous Duvalier ?
2. Affaires, Scandales, et Conflits
L’année
2012 débute sur un conflit latent entre les Pouvoirs Législatif et Exécutif. La rentrée
Parlementaire du deuxième lundi de janvier 2012 s’annonçait chaude. Avant son ajournement, la Chambre des Députés
avait promis de se prononcer sur le cas de l’arrestation du Député Anel
Belizaire. Rien n’en fit! Les quatre
cent millions de gourdes, débloqués à l’occasion des fêtes de fin d’année, ont
eu raison de l’affaire Belizaire.
C’est plutôt le
Sénateur du Nord, Moise Jean-Charles, qui passait à l’action en remettant en
question la nationalité du Président de la République et de certains Ministres
et Secrétaires d’Etat du Gouvernement Martelly-Conille. D’entrée de jeu, le Senat avait décidé de
former une commission d’enquête sur la question. Cette commission avait axé son travail sur
l’analyse des documents de voyage de tous les membres du Pouvoir Exécutif. Cette question de nationalité a créé beaucoup
de tension et de confusion au sein du Pouvoir Exécutif. Le Président de la République et certains
Ministres étaient contre la soumission des documents de voyage à la Commission
Sénatoriale d’enquête. Mais, le Premier Ministre Conille était pour. Jusqu'à présent, on attend le rapport de la
Commission Sénatoriale.
D’autres conflits interpersonnels s’accentuaient au sein du Pouvoir
Exécutif. Le Premier Ministre Garry
Conille affichait ouvertement des différences de vue très marquées avec le Président
de la République sur des points comme l’arrestation du Député Belizaire, la
double nationalité et la publication de la Constitution de 1987 amendée.
M. Conille a rendu visite au Député Belizaire au Pénitencier National le
soir de son arrestation. Il était pour
la communication des passeports des Membres de son Gouvernement à la Commission
d’Enquête Sénatoriale et pour la
publication de la version amendée de la Constitution de 1987.
Le conflit entre le Président et son Premier Ministre avait laissé le
stade de ragots pour se manifester en plein jour. Un incident très grave s’était produit. Le Président de la République débarque en
pleine soirée à la Résidence officielle du Premier Ministre à Musseau, au
moment ou celui-ci offrait un diner en
l’honneur de certains Parlementaires, question peut-être de soigner sa base. La Presse a fait état d’échanges de propos
disgracieux entre le Président de la République et certains Parlementaires
présents ou absents.
Selon
les analystes politiques, le conflit entre le Président de la République et le
Premier Ministre Conille avaient atteint un point de non retour. Ce point de vue était corroboré par l’absence
remarquée du Premier Ministre aux festivités commémoratives du Carnaval national,
organisé aux Cayes. L’annonce de la
démission du Premier Ministre Garry Conille et son acceptation par le Président
de la République ne s’étaient pas fait attendre.
La Presse locale
se faisait déjà l’écho des noms de candidats au poste de Premier Ministre. C’était ceux de Messieurs Laurent Lamothe,
Thierry Mayard-Paul et de Madame Anne-Valérie Timothée Milford. Apres les consultations d’usage avec les
Présidents des deux branches du Parlement, Monsieur Laurent Salvador Lamothe,
Ministre des Affaires Etrangères du Gouvernement Martelly-Conille, était
désigné par le Président de la République pour remplacer le Premier Ministre
Garry Conille, démissionnaire.
Mais une question
fusait de toutes parts : Monsieur Lamothe remplissait-il les conditions
requises à l’Article 157 de la Constitution de 1987 pour être nommé Premier
Ministre ? De sérieux doutes subsistaient sur sa nationalité haïtienne, sa
résidence dans le pays au cours de cinq (5) années consécutives. Seule la condition relative à l’âge était
remplie.
Mais, la question
était posée différemment au sein du Pouvoir Législatif. L’approbation du choix de M. Lamothe était assujettie
à quatre (4) conditions : la soumission des documents de voyage du
Président de la République à la Commission Sénatoriale, la publication de la
version amendée et corrigée de la Constitution de 1987, la participation
directe au Gouvernement et l’octroi de postes aux proches des Sénateurs et des
Députés.
La question de la
nationalité du Président de la République était réglée. Au cours d’une cérémonie, réunissant au
Palais National des Membres du Cabinet Ministériel et des Représentants du
Corps Diplomatique et de Religion pour la Paix, le Président Martelly,
accompagnée de sa femme, étalait ses passeports haïtiens sur une table devant
les cameras de la presse et sous les regards des journalistes présents.
Le clou de la
cérémonie était le témoignage de l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique du
Nord, disant que le Président Michel Martelly n’avait pas la nationalité américaine
et qu’il est Haïtien. Puis, les
Représentants de Religion pour la Paix, une organisation réunissant un Evêque
de l’Eglise Catholique Romaine, un de l’Eglise Apostolique, un Pasteur de
cultes réformés et un Prêtre Vodou, étaient chargés de communiquer les
documents au Sénat.
La publication
de la version amendée et corrigée de la Constitution de 1987 était chose acquise. Elle devait simplement attendre la
ratification du choix du Premier Ministre et de sa Déclaration de Politique
Générale. Aucun doute ne subsistait non
plus sur la question du partage du pouvoir.
De nombreux Sénateurs étaient pressentis comme Ministres. Quant à la question
d’octroi de postes aux proches de Sénateurs et de Députés, elle était également
réglée.
Pratiquant la
diplomatie d’affaires, le Ministre des Affaires Etrangères Laurent S. Lamothe a
rempli les couloirs des Représentations Diplomatiques et Consulaires à
l’étranger de nouveaux fonctionnaires, proches parents et allies Sénateurs et
de Députés. Ce n’est pas étonnant d’entendre
que des proches parents de députés nommés dans la diplomatie s’adonnent au
trafic de visas. C’est la diplomatie d’affaires!
Comme prévu, la
ratification du choix du Premier Ministre Laurent Salvador Lamothe et celle de
son Énoncé de Politique Générale s’étaient effectuées sans surprise par les
deux (2) branches du Parlement. Au Sénat, cette ratification était facilitée
par la présence et la collaboration des 10 Sénateurs dont le mandat allait arriver
à expiration : Jean Hector Anacasis (ouest), Joseph Lambert (Sud-est), Nenel
Cassy (Nippes), Yvon Bissereth (Sud), Michel Clerié (Grande-Anse), Youri Latortue
(Artibonite), Kely C. Bastien (Nord), Evallieres Beauplan (Nord-d’Ouest), Rodolphe
Joazile (Nord-d’Est) et Edmonde Supplice Beauzile (Centre).
Comme pour créer
de l’Emploi, le Président Martelly et le Premier Ministre Lamothe ont formé un
Cabinet Ministériel pléthorique, composé d’une trentaine de Ministres et de Secrétaires
d’Etat. Par exemples, un Ministère à la
Pauvreté est créé à côté du Ministère des Affaires Sociales, un Ministère à la Condition Paysanne est créé
à côté du Ministère de
l’Agriculture, des ressources Naturelles et du Développement Rural, le Ministère de la Défense est séparé de
celui de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales.
En plus de la
duplication de postes et de fonctions, a-t-on réfléchi au poids du Gouvernement
sur le Budget de la République ?
Quelques temps
plus tard, un conflit de personnalité entre le Premier Ministre Lamothe et le
Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, M. Thierry
Mayard-Paul, a abouti au renvoi de ce dernier et à un replâtrage du Cabinet
Ministériel. Le Premier Ministre
s’attribue le Portefeuille de la Planification et de la Coopération
Externe, le Ministre de la Planification
passe aux Affaires Sociales. Le Ministre
des Affaires Sociales devenait Ministre de l’Intérieur et des Collectivités
Territoriales.
Débouté sur la
question de la nationalité, le Sénateur Moise Jean-Charles contre attaquait sur
l’ensemble de dossiers : la milice rose, la vie chère et la corruption. Sur
la question de l’armée, il était bien servi dans ses dénonciations par la mobilisation
des membres des anciennes Forces Armées d’Haïti (FAd’H) et de jeunes postulants
dans certaines régions du pays, notamment à Port-au-Prince, à Saint-Marc et au
Cap-Haitien.
Ces derniers déambulaient
lourdement armés dans des camionnettes dans plusieurs villes du pays sans être
inquiétés. Au Cap-Haitien, ils ont occupé les locaux désaffectés de l’Organisme
de Développement du Nord (ODN). Ils ont
même reçu la visite de l’ex-chef rebelle Guy Philippe le 18 mai. Ceux de Port-au-Prince ont une fois tenté de
s’introduire au Parlement. Les réponses
du Gouvernement Martelly-Lamothe paraissaient à la fois timides et
contradictoires. Cependant, on apprenait
un bon matin que les ex-FAd’H ainsi que les jeunes postulants avaient abandonné
leurs campements. De gré ou de force ? En fin d’année, des rumeurs circulaient dans
la presse sur la formation d’un groupe de pression au Cayes, dénommé « le
Police ».
Le Sénateur Moise
Jean-Charles abandonnait le Sénat pour prendre la tête de manifestations
populaires contre la vie chère et les malversations se donnant libre cours dans
l’entourage du Président Martelly. Il était
rejoint dans sa croisade non seulement par d’autres Sénateurs mais aussi par deux
(2) jeunes avocats du Barreau de Port-au-Prince, Mes Newton St-Juste et André
Michel.
Ces derniers
avaient décidé d’intenter une action en justice contre la Première Dame de la
République et son Fils ainé pour usurpation de titres et détournement de fonds
publics. Ils accusaient la Première Dame et son fils de gérer des fonds
du Trésor pour financer des programmes sociaux sans titre ni qualité. Le Parquet près le Tribunal de Première
Instance de Port-au-Prince avait décidé de classer l’affaire sans suite, en
application du principe de l’opportunité des poursuites.
Cependant, leur
action avait porté le Gouvernement à regrouper ses prétendus programmes sociaux
sous le vocable «Ede Pep». La gestion et l’exécution de «Ede Pep» sont confiées
au Fonds d’Assistance Economique et Sociale (FAES). Cependant, ce n’est pas la Mission du FAES de
gérer ni d’exécuter ce genre de programme.
Le risque de dévoyer la mission de cette institution, créée
conjointement par l’Etat haïtien et les Institutions Financières
internationales, est énorme. Il en est
de même de l’utilisation abusive des fonds du Programme Petro Caribe à des fins
humanitaires. Autant d’éléments qui apportent de l’eau au moulin des
organisations internationales reportant sur la perception de la corruption.
Sur la question
de la corruption, l’environnement politique haïtien s’envenimait, suite aux
révélations d’une journaliste d’investigation de la République Dominicaine du
nom de Nuria Piera. Selon elle, un
Sénateur-investisseur dominicain, Felix Bautista, aurait financé la campagne
électorale de deux candidats finalistes aux élections présidentielles
haïtiennes en mars 2011, Mr Martelly et Mme Manigat. Les réactions des prétendus bénéficiaires
haïtiens étaient trop molles, pour dissiper les doutes entretenus des deux côtés de la frontière.
A la même époque,
le Département d’Etat Américain publiait son Rapport annuel sur la situation
des Droits Humains en Haïti. Ce Rapport
dénonçait la corruption au sein des instances gouvernementales haïtiennes. D’autres rapports venaient amplifier la
situation de la corruption dans le pays.
Cependant, celui de Transparency International a fait état de progrès
dans le classement du pays (165e sur 176 pays) par rapport a l’année
passée.
3. Crises à Répétition
Le Pouvoir
Exécutif semblait oublier que l’année 2012 était une année électorale. En plus du tiers du Senat, il fallait
renouveler les Assemblées locales, les Conseils d’Administration des Sections
Communales et les Conseil Communaux.
L’organisation de ces élections nécessite la mise en place d’un autre Conseil
Electoral, après la débâcle de celui présidé par Gaillot Dorsinvil.
Entre temps,
malgré les protestations des Associations des Maires issus des dernières
élections et des organisations de la société civile, le Ministère de
l’Intérieur et des Collectivités Territoriales Thierry Mayard-Paul amorçait un
mouvement de remplacement des Conseils communaux élus par des Conseils
intérimaires ; question d’accorder des postes aux proches du pouvoir et de
se débarrasser de candidats potentiels encombrants.
En publiant la
version amendée de la Constitution de 1987, le Pouvoir Exécutif affichait clairement
son option pour la formation d’un Conseil Electoral Permanent (CEP). Pour ce faire, il fallait des représentants
des 3 Pouvoirs de l’Etat : Législatif, Exécutif et Judiciaire. Cette décision renforçait la division au sein
du Sénat de la République et de la classe politique haïtienne.
Au niveau du
Législatif, le Senat est amputé de 10 membres, ce qui rend mathématiquement
impossible la désignation des représentants du pouvoir Législatif au CEP
permanent, sans une réduction éventuelle du quorum. La désignation des représentants du Pouvoir
Judiciaire passe par la mise en place du Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire (CSPJ). La formation du CSPJ suppose la nomination des Juges à la
Cour de Cassation.
Sur ce point,
l’Exécutif s’est montré très actif.
L’effectif de la Cour de Cassation est complété. Le Président de la République ne tardait pas
à former et à installer le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Cette installation répondait à un triple
objectif : doter le pouvoir judiciaire d’un organe de gestion ;
renforcer l’indépendance et la séparation des pouvoirs ; promouvoir le
renforcement de l’Etat de Droit. Mais l’objectif immédiat demeurait la
constitution du CEP permanent. Le Conseil Supérieur du pouvoir Judiciaire
(CSPJ) est constitué. Ses Membres
prêtent serment et sont installés, conformément à la loi régissant son
fonctionnement.
Des tensions ne
tardaient pas à s’installer entre le Ministère de la Justice et le CSPJ sur la
nomination récente de magistrats dans le système. Le CSPJ effectuait son premier faux pas.
Quatre (4) membres sur 9 procédaient à la sélection des Représentants de
l’Institution au Conseil Electoral Permanent (CEP). Cette désignation était contestée par de nombreux
secteurs sociaux et politiques du pays.
Malgré les protestations des secteurs des Droits Humains, de la Société
Civile et de la Fédération des Barreaux haïtiens, les noms des personnes
sélectionnées sont transmises à l’Exécutif.
Le Pouvoir Exécutif n’avait pas tardé à designer ses Représentants et à
publier un Arrêté nommant 6 des 9 Membres du Conseil Electoral Permanent (CEP).
Une nouvelle
crise s’installe aussi bien au sein du CSPJ, de la Classe Politique que du
Parlement qui s’abstient de designer ses Représentants. Le Président du CSPJ, Me Anel Alexis Joseph,
est voué aux gémonies. Le Senat adopte
une Résolution réclamant son remplacement ainsi que celui de 2 autres juges, Mes
Kesner Michel Thermezi et Frantzy Philemenont, nommés à la Cour de Cassation,
en dehors des normes légales. Ces pressions semblaient porter fruit. Quelques semaines plus tard, le CSPJ procédait
au choix de 3 nouveaux Représentants au CEP.
L’Exécutif va-t-il rappeler l’Arrêté de nomination des 6 Membres du
CEP ?
Par ailleurs,
devant l’impossibilité de convoquer le Parlement en session extraordinaire,
l’Exécutif avait décidé d’engager des négociations directes avec le Parlement,
bénéficiant encore des bons offices de Religion
pour la Paix. A la première rencontre, chaque
partie avait décidé de désigner 3 membres pour le lancement des discussions
devant aboutir à la mise en place du CEP (permanent, provisoire, de consensus
ou de transition). Qui sait ? De
toute façon, l’année 2012 se terminera sans l’organisation des élections et
renforce la perception d’instabilité des institutions.
4. Instabilité et Insécurité
Le poste de
Commissaire de Gouvernement de Port-au-Prince est devenu celui le plus instable
du pays en 2012. Plus de 4 Commissaires
se sont succédé à la tête du Parquet près le Tribunal de Première Instance de
Port-au-Prince. Me Jean-Renel Senatus,
qui avait pris le pari de combattre la délinquance juvénile dans sa juridiction,
avait été révoqué par le Ministre de la Justice pour insubordination. Le Commissaire congédié n’avait pas manqué de
s’en prendre à la personnalité de son Ministre de Tutelle, Me. Jean Renel
Sanon.
La machine de l’insécurité
n’a pas chômé non plus en 2012. Tout le monde en pâtit. Ses victimes se
recrutent dans toutes les classes sociales. Avocats,
Juges de Paix, Policiers, gens d’affaires, étudiants, simples citoyens sont
tombés. Un des cas le plus retentissant est celui de l’assassinat du policier
Walky Calixte. Les réactions de la population ne s’étaient pas fait
attendre : trafic automobile perturbé, route de carrefour paralysé, arrêt
de travail ou grève au sein de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Le Député Rodriguez Séjour était pointé du
doigt dans cette affaire. Le Député
était interrogé par le Cabinet d’Instruction.
On ne saurait
passer sous silence les cas d’assassinat de Me. Durand Jeanty et de Venel
Joseph. Ce dernier était un ancien Gouverneur de la Banque Centrale de 2001 à
2004. En fin d’année, l’assassinat de l’étudiant
Damael D’Haiti, en pleine fête des bleus à la Faculté de Droit et des Sciences
Economiques de l’Université d’Etat d’Haïti, jetait la communauté estudiantine
de la capitale dans l’émoi.
Le kidnapping
reprenait du service et s’était même intensifié. A Port-au-Prince, deux (2) membres de la
famille de l’homme d’affaires Robert Moscosso étaient enlevés. Une semaine plus tard, on annonce le
démantèlement d’un puissant réseau, dirigé par l’homme d’affaires Clifford
Brandt. Cette nouvelle avait jeté l’émoi
dans la société haïtienne. Les
enquêteurs de la Direction de la Police Judiciaire soupçonnaient la
participation dans le réseau de policiers en service actif et/ou révoqués. Quelques-uns étaient mis en isolement et
d’autres remis à la justice.
A Jacmel, un
enfant de 3 ans était enlevé et son oncle tué par les ravisseurs. Elle a été libérée
contre rançon. A carrefour, une fillette
était enlevée sur la cour de son école. Ces nouvelles ne sont pas de nature à
créer un climat propice à l’investissement dans le pays.
C’est dans de
contexte qu’intervenait le remplacement du Directeur General de la Police
Nationale. En effet, en Août 2012, le
mandat de Monsieur Mario Andresol comme Commandant en Chef de la Police
nationale d’Haïti (PNH) prenait fin. Le
Président de la République ne tardait pas à jeter son dévolu sur l’Inspecteur
General Godson Orelus, dont le choix a été ratifié par le Senat de la
République, conformément à la Constitution.
Suite à son
installation, 79 policiers faisaient l’objet d’une décision de renvoi de la PNH,
Cette mesure faisait suite à l’évaluation (vetting) réalisée en 2008 par la
MINUSTAH sur un groupe de 3300 policiers environ. Inutile de décrire la confusion que cette
décision de révocation avait créé dans le pays, juste quelques jours après le
démantèlement du gang Brandt.
B. POUVOIR LEGISLATIF
Plusieurs
questions divisent les Pouvoirs Législatif et Exécutif. Citons, par exemples, celle du renouvellement du mandat de la
Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), celle de la
publication de la version amendée de la Constitution de 1987, celle de la
formation du Conseil Electoral Permanent (CEP). Cette dernière semble être la
plus épineuse. Depuis l’adoption de la
Constitution de 1987, aucun des deux Pouvoirs ne veut concéder le contrôle de
la formation du CEP permanent à l’autre.
En début d’année,
le Senat et la Chambre des Députés se dotaient de nouveaux Bureaux. Le Sénateur Simon Dieuseul Desras succédait au
Sénateur Jean Rodolphe Joazile comme Président du Sénat et le Député Levaillant
Louis Jeune succédait au Député Sorel Jacinthe à la Présidence de la Chambre
des Députés.
Le bilan du
Parlement au cours de l’année 2012 n’est pas brillant. Très peu de lois ont été votées. A la Chambre des Députés, les groupes
parlementaires se métamorphosent comme des chrysalides. Le groupe Parlementaire pour la Stabilité et
le Progrès (PSP) remplaçait le Groupe Parlementaire pour le Renouveau (GPR). En face, il y a le groupe Parlementaire pour
le Renforcement Institutionnel (PRI). Le
PSP constitue la nouvelle majorité dont le Premier Ministre Lamothe a besoin
pour supporter son Programme de Gouvernement.
La malice populaire soupçonne les membres du PSP d’être à la solde du
Pouvoir Exécutif. Ce que semble leur
reprocher également leurs collègues PRI.
Mais le PRI
semble avoir un prix. Ses membres se
sont donnés en spectacle en organisant un concert de Klaxon dans la cour de la
Primature pour réclamer le décaissement de 10 millions de gourdes prévus dans
le budget de la République pour les communes de leur juridiction.
La situation
n’est pas différente au Sénat de la République.
Amputé de 10 membres dont le mandat a expiré depuis mai, le Sénat
éprouve du mal à organiser une séance.
Les 20 Sénateurs restant sont divisés sur la question de la formation du
Conseil Electoral Permanent (CEP).
Mathématiquement, il est impossible au Sénat de réunir le nombre de voix
nécessaire (20) pour designer les membres du CEP permanent, le Président ne
votant pas.
Des négociations
sont en cours en vue de trouver un consensus sur la composition d’un CEP de
transition devant organiser les élections pour le renouvellement du tiers du Sénat
et des collectivités territoriales. Ces négociations
risquent d’achopper sur le statut des Membres désignés par le Pouvoir
Judiciaire.
C. POUVOIR JUDICIAIRE
La Constitution
de 1987 prévoit l’existence d’un Pouvoir judiciaire indépendant et impartial en
Haïti. Mais, ce n’est pas chose
aisée. Depuis 2007, plusieurs lois ont été votées en vue de la
création et du renforcement de ce Pouvoir. L’existence d’un tel Pouvoir
est indispensable à la création d’un véritable État de Droit.
En 2012, des
efforts ont été déployés en ce sens. Les postes vacants à la Cour de Cassation
ont été comblés. Le Conseil Supérieur du
Pouvoir Judiciaire (CSPJ) a été formé.
Mais, son fonctionnement n’est pas facile. Aucun Ministre de la Justice n’est prêt à se
soustraire de la gestion du Pouvoir Judiciaire.
Des tensions persistent
entre le CSPJ et le Ministère de la Justice sur la question de la nomination
des juges. Cependant, le CSPJ a commis
son plus grand faux pas à l’occasion de la désignation de ses représentants au
Conseil Electoral Permanent (CEP). Ne s’étant
pas entendu sur le choix de ces représentants, 4 des 9 membres du CSPJ ont
laissé la salle pour infirmer le quorum.
Les 4 membres restants ont voté en l’absence de majorité le choix des 3
Membres du Pouvoir Judiciaire au sein du CEP.
Les protestations
ne se sont pas fait attendre. Le CSPJ
est paralysé à sa naissance. La
Fédération des Barreaux et les Organismes de Droits Humains avaient rappelé
leur représentant. Le Président de la
Fédération des Barreaux introduisait une action devant la Haute Cour de Justice
contre Me Anel Alexis Joseph, à la fois Président de la Cour de Cassation et
Président du CSPJ. Parallèlement, le Sénat
adoptait une Résolution, réclamant la destitution du Magistrat ainsi que la
révocation de deux autres juges de la Cour de Cassation, nommés en dehors des
normes constitutionnelles. Autant de
pressions qui ont porté le CSPJ à reconsidérer son choix initial et à procéder à
un second vote.
Mais, le problème
reste entier. Les trois représentants
désignés initialement s’accrochent à leur poste. Deux acteurs risquent de débloquer la
situation : l’aboutissement des négociations entre les Pouvoirs Législatif
et Exécutif et le dernier scandale qui éclabousse Me. Josué Pierre-Louis.
En fin d’année,
Me Josué Pierre-Louis, Président du CEP (Présidentiel, Permanent, Provisoire)
fait l’objet d’une accusation de viol sur la personne de Mademoiselle Marie
Danielle Bernadin, son assistante administrative. Rappelons que Me. Josué Pierre-Louis avait
perdu son portefeuille de Ministre de la Justice au début de l’année 2012,
suite à l’arrestation du Député Anel Belizaire. Est-il sur le point de perdre
son Poste de Président du CEP de 6 Membres à la fin de la même
année ? Son image et sa réputation
sont mises à mal par une dénonciation d’un cas de viol de la part des
institutions de défense des Droits Humains RNDDH et SOFA ?
L’impunité
continuait d’être la marque de fabrique du système judiciaire haïtien. De l’assassinat de Jean Dominique à celui de Guiteau Toussaint,
aucun procès n’a encore été organisé. La situation des droits humains ne s’est
pas améliorée non plus. Les cas de Calixte Valentin et de l’ancien Maire de
Thomonde sont là pour en témoigner. La
situation carcérale est préoccupante. La
détention préventive prolongée persiste.
C’est l’Expert indépendant des
Nations-Unes pour les Droits de l’Homme, Michel Forst qui est venu tirer la
sonnette d’alarme en fin d’année. Pas de
développement économique sans une justice indépendante et impartiale.
II. PLAN ÉCONOMIQUE
Sur
le plan économique, le Bilan de l’Année 2012 n’est pas rose. La sécheresse
qui a sévi de mai à août 2012 a grandement affecté la production agricole
du pays. De plus, le pays a été
sévèrement affecté par deux (2) tempêtes tropicales. Isaac et Sandy ont porté des coups très durs à
l’agriculture haïtienne. Des jardins ont
été dévastés, des têtes de bétail emportées et des vies humaines perdues.
Le Parc Industriel de Caracol a été inauguré. Un millier d’emploi direct y est créé par la
Firme Coréenne SEA. Les travaux d’aménagement de l’aéroport du Cap-Haitien progressent. L’avion transportant le Secrétaire d’Etat
américain, Mme Hilary Clinton et son Mari Bill Clinton y a atterri sans
problème. Mais pour des raisons de
sécurité, l’avion a été se garer en République Dominicaine.
Le gouvernement clame sur tous les toits que le pays est ouvert aux
affaires. Pourtant, l’environnement des Affaires ne s’est pas amélioré. Haïti continue de battre les records de
mauvais classement dans les rapports publiés par les institutions
internationales.
Avec la recrudescence de l’insécurité, les Ambassades des pays amis
continuent de déconseiller le voyage de leurs ressortissants en Haïti. Tous les
efforts de promotion entrepris par le gouvernement sont affectés par le climat
d’insécurité et les manifestations de rues dans plusieurs régions du pays.
Les Fonds du Programme Petro caribe sont une dette à long terme que les
générations futures doivent rembourser. Le
Gouvernement aurait dû les utiliser à des fins plutôt productives. Les infrastructures routières, portuaires et
aéroportuaires sont encore défaillantes. L’électricité, le téléphone et les
nouvelles technologies de l’information et de la communication ne sont pas
encore au point.
Cette année, le Gouvernement a introduit à temps son Projet de Loi des
Finances au Parlement, soit le 30 juin 2012.
Cette Loi 2012-2013 a été voté séparément par chacune des deux branches
du Parlement haïtien. Mais pour devenir
une loi, le document doit être voté dans les mêmes termes par les deux
branches. En application du Décret de
2005 sur la Comptabilité et le Budget et suite à un accord avec le Parlement,
le Gouvernement a publié le document.
Une controverse est née sur la nature du document publié dans le Journal
officiel, Le Moniteur. En tout cas, le
Budget 2012-2013 de 131 milliards de gourdes est en application depuis le 1er
octobre 2012.
Le pays fait face à une échéance critique sur le plan de la lutte contre
le blanchiment d’argent. Le Groupe
d’Action Financière de la Caraïbe (GAFIC) doit évaluer les progrès accomplis
dans ce domaine par l’Etat haïtien. La
loi modifiant celle de 2001 n’est pas encore votée. Le désaccord entre l’Exécutif et le Parlement
sur la formation du Conseil Électoral entrave la tenue de la séance convoquée à
l’extraordinaire.
L’instabilité politique et sociale n’est pas de nature à favoriser
l’investissement direct étranger en Haïti.
Entre temps, les prix des produits de première nécessité augmentent sur
le marché national. Le déficit
commercial se creuse avec les principaux partenaires commerciaux. Le chômage continue d’affecter un fort
pourcentage (60-70%) de la population active du pays. Le pays est sous la menace de l’insécurité
alimentaire.
La Mission du Fonds Monétaire International (FMI) a revu à la baisse les
prévisions de croissance économique pour 2012.
Le pays ne connaitra pas la croissance et le développement économique si
la justice n’est pas indépendante et impartiale. Le pays ne connaitra pas la croissance et le
développement économique si le droit de propriété n’est pas garanti, si la
section communale n’est pas dotée d’une police qui protège la terre, la culture
et l’élevage des paysans.
Comme partout ailleurs dans la Caraïbe, le Tourisme peut être le moteur
de notre développement. Mais, il ne peut
se développer dans un environnement malsain, insalubre, insécurisant et
instable. Le problème est chez nous et
en nous. Nos dirigeants doivent
favoriser la stabilité et la paix sociale en privilégiant le dialogue, le
renforcement des institutions et le respect des échéances électorales.
III. PLAN SOCIAL
Le peuple haïtien, dans sa grande
majorité, vit dans une misère abjecte.
La paupérisation des couches moyennes de la population s’accélère. Cependant, le peuple haïtien a eu droit à
deux grands exercices carnavalesques : le carnaval national, organisé aux
Cayes et le carnaval des fleurs, organisé au Champ de Mars.
Seules l’éducation et le travail sont de nature à redonner sa dignité au
peuple haïtien. Les programmes sociaux
mis en œuvre actuellement par le Gouvernement Martelly-Lamothe sont des palliatifs.
Les personnes déplacées par le séisme du 12 janvier 2010 qui occupaient
l’espace des principales places publiques de Port-au-Prince et de Pétion-Ville
ont été relocalisées dans le cadre du Programme 16/6. Mais le camp de déplacés de Canaan ne cesse
de s’étendre.
Le Gouvernement a déclaré l’Etat d’urgence d’un mois pour venir en aide
aux victimes, après le passage de la tempête tropicale Sandy. Sa durée vient d’être prorogée d’un mois (5 décembre
2012-5 janvier 20013). Le Gouvernement doit
réduire sa taille et utiliser plus rationnellement les ressources du budget
national à des fins de création d’emploi, cesser les voyages tous azimuts, en
grand nombre, aux frais du contribuable, lesquels déplacements ne rapportent
pas grand-chose.
Enfin, les valeurs morales se sont effritées davantage au cours de cette
année. La dépravation des mœurs s’est
accélérée. Il suffit de parcourir les journaux et scruter les informations
circulant sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre.
Souhaitons que le Peuple haïtien se réveille
et se mette debout pour réclamer et
favoriser la moralisation de la Gouvernance politique, économique et sociale du
pays.