jeudi 7 mars 2019

Le capitalisme autoritaire (1)



Le capitalisme autoritaire (1)

Bernard Ethéart

Miami, lundi 4 mars 2019


Le grand sujet de la plupart des bulletins d’information, en cette fin de semaine, c’est l’Algérie. L’Algérie, où les citoyens vont prochainement être appelés à élire un président, l’Algérie, où le président sortant, Abdel Aziz Bouteflika se prépare à solliciter un cinquième mandat consécutif alors qu’on a vraiment l’impression, quand on le regarde à la télé, qu’il n’a pas les capacités nécessaires à assumer la fonction de chef d’État.

La vision de ce zombi en chaise roulante me renvoie 57 ans en arrière. Lors j’étais étudiant en Allemagne et, avec mon ami algérien Abdallah Yousfi, je suivais l’actualité de son pays, qui venait tout juste d’accéder à l’indépendance, et nous suivions le parcours de ce jeune Abdel Aziz Bouteflika (il était à peu près de notre âge – il vient de fêter son 82ème anniversaire, moi ce sera dans trois mois) qui, après avoir été proche de Ahmed Ben Bella, est devenu ministre dans le gouvernement du colonel Ouari Boumedienne, qui venait de renverser Ben Bella.

C’est ce Bouteflika qui veut se présenter pour un cinquième mandat présidentielle provoquant une vague de protestations tant dans le pays que dans l’importante colonie d’Algériens vivant en France. Ce qui est intéressant c’est que personne n’avait vu venir cette réaction, pas même l’armée qui pourtant contrôle étroitement le pays pratiquement depuis l’indépendance.

Les analystes offrent plusieurs explications à cet « aveuglement » ; pour ma part je retiens surtout que cela fait quelque temps que nous voyons apparaitre des mouvements qui sont caractérisés par une forme de « spontanéité » mais qui peuvent provoquer de grands bouleversements. Je citerai, évidemment, les « gilets jaunes » en France, et dans un même souffle, à cause de certaines similarités, nos « Petrochallengers » ; mais il ne faut pas oublier ce qu’on appelle le « printemps arabe », et on peut remonter au mouvement des « indignés » ; et tout récemment nous voyons des jeunes manifester pour l’environnement.

Bon ! C’est bien joli de faire de telles synthèses, encore faut-il trouver ce qui lie les différents évènements que j’ai rassemblés et, puisqu’ils se sont déroulés dans différents pays, il faut que ce lien soit d’ordre mondial. Un ami m’a récemment envoyé un article qui pourrait nous mettre sur la voie. Il s’agit de : « L’essor inquiétant du capitalisme autoritaire », par Olivier Passet, Directeur des synthèses, Xerfi.

Je vous cite tout de suite un passage : « … la démocratie est en recul sur tous les continents, notamment depuis 2010. Alors qu’en l'espace de quarante ans, le nombre des démocraties s'était multiplié dans le monde — passant de 35 à plus de 100— les ingrédients démocratiques reculent. Un tiers de la population mondiale vit dans un pays où la démocratie est en recul, selon une étude qu’ont publiée récemment des chercheurs de l’Université de Göteborg. Y compris et notamment en Europe ».

Je suis d’accord avec vous, dire « qu’en l'espace de quarante ans, le nombre des démocraties s'était multiplié dans le monde — passant de 35 à plus de 100 » est quelque peu exagéré. Certes un certain nombre d’entités politiques ont vu le jour, qui ont « adopté », au moins formellement, les principes démocratiques, mais de là à parler de « démocraties » …

Il faut cependant reconnaitre que « la démocratie » va très mal, aussi bien dans les « nouvelles démocraties » que dans les « démocraties traditionnelles ». Pour Olivier Passet, c’est le « capitalisme autoritaire » qui est responsable de la situation ; d’accord mais la question est de savoir comment il est arrivé à avoir ce pouvoir. Pour y répondre je dois utiliser l’approche hexagonale de la FONHDILAC ; cela fait un bout de temps que je n’en ai pas parlé, c’est le moment d’y revenir.

Dans un document daté d’Avril 2006, Jean-Robert Jean-Noël, lors président de la FONHDILAC, présente ce qu’il appelle « l’approche hexagonale » qui « vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique » (Jean-Robert Jean-Noël : L’Approche hexagonale [version actualisée], Avril 2006). Et il amène tout de suite ce qu’il appelle « les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique ».

Dans les discussions qui ont suivi, nous avons établi que ces six capitaux devaient être classés dans un ordre bien précis, se fondant sur le raisonnement suivant :

1.       au centre de la réflexion il y a l’homme, qui est à la fois l’acteur et le bénéficiaire de tous les processus qui se déroulent au sein de la société ; le capital humain doit donc se trouver en première position ;
2.       mais cet homme n’est pas seul, il fait partie d’un groupe social ; le capital social vient donc en seconde position ;
3.       ce groupe social vit dans un environnement naturel, d’où le capital environnemental ;
4.       cet environnement peut être modifié par des aménagements, d’où le capital infrastructurel ;
5.       ce groupe humain exploite son environnement naturel et modifié par les aménagements dans des activités économiques qui doivent lui permettre de satisfaire ses besoins, d’où le capital économique ;
6.       enfin, pour éviter les dérapages, il est nécessaire que l’ensemble de ces activités connaisse une certaine forme de réglementation, d’où le capital politique (axe de gouvernance).

Je m’arrête là pour aujourd’hui ; nous verrons prochainement comment le fait de ne pas tenir compte de cette approche hexagonale a conduit à la situation que nous déplorons aujourd’hui.


lundi 17 décembre 2018

Le G20 de Buenos Aires





Le G20 de Buenos Aires
Bernard Ethéart


Miami dimanche 16 décembre 2018

La rencontre de la COP 24 à Katowice (Pologne) touche à sa fin ; mais avant d’en parler, je voudrais dire un mot sur la réunion du G20 qui s’est tenue juste une semaine plus tôt à Buenos Aires (Argentine).
Et pour commencer, qu’est-ce que le G20 ?
Pour répondre à cette question, il faut commencer par le commencement et dire un mot du G7, qui a donné naissance au G20.

Le G8 (pour « Groupe des huit »), actuellement connu sous le nom de G7 (« Groupe des sept »), est un groupe de discussion et de partenariat économique de huit pays réputés être les plus grandes puissances économiques du monde : États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon, Russie, cette dernière étant suspendue depuis 2014.

D'abord G5 de façon informelle, puis provisoirement G6 lors de sa création en 1975, et rapidement devenu G7 avec l'intégration du Canada en 1976, le groupe s'est élargi à la Russie en 1997 pour devenir le G8.

À partir de l'annexion de la Crimée par la fédération de Russie, en mars 2014, les pays membres du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon et + Union européenne) ont temporairement suspendu la Russie du groupe économique. Le groupe est donc redevenu G7 (« Groupe des sept »).

En 2015, le G8 comprend 12,2 % de la population mondiale et produit environ 50,2 % du PIB mondial.

Population (2015) 
    PIB (2015)
Millions
%
Milliards $
%
Rang mondial
Monde
7.389
100,0
78.000
100,0
G8
900
12,2
39.141
50,2
États-Unis
322
4,38
18.287
23
1
Japon
126
1,7
4.882
6,3
3
Allemagne
81
1,1
3.909
5
4
France
(2017) 67
0,89
2.935
3,8
5
Royaume-Uni
(2014) 64
0,87
3.003
3,9
6
Italie
60
0,81
2.153
2,8
9
Russie
146
2
2.099
2,7
10
Canada
35
0,47
1,873
2,4
11
Autant pour le G7, qu’en est-il du G20 ?

Le Groupe des vingt (G20) est un groupe composé de dix-neuf pays et de l'Union Européenne dont les ministres, les chefs des banques centrales et les chefs d'État se réunissent annuellement. Il a été créé en marge du G7 du 25 septembre 1999 de Washington, après la succession de crises financières dans les années 1990. Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d'un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays. Le G20 représente 85 % du commerce mondial, les deux tiers de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde).
Ce sont donc les représentants de ces pays qui étaient présents à Buenos Aires et selon certains, c’est d’eux que dépend la « gouvernance mondiale ».

Je cite : « La gouvernance mondiale ne pourra évoluer qu'à travers le G20 :
·       d'une part, le Conseil de sécurité des Nations unies est paralysé par le droit de veto et ses missions pourraient être mieux remplies par le G20 assez représentatif des rapports de force mondiaux;
·       d'autre part, si les États-Unis n'ont plus la force d'imposer seuls leurs vues, ils peuvent malgré tout par le biais de cette instance jouer un rôle positif de catalyseur. »

À part le fait que la « gouvernance mondiale » ne saurait être à la charge de personnes dont la seule légitimité vient du nombre de millions qu’ils représentent, une façon de voir qui rappelle la fameuse question de Staline : « De combien de divisions dispose le Pape ? » le premier compte rendu de la rencontre de Buenos Aires contredit cette façon de voir : « Les États membres du G20 réunis en sommet à Buenos Aires ont diffusé samedi 1er décembre un communiqué commun, qui fait le service minimum sur le commerce et confirme le cavalier seul des États-Unis sur le climat ».

Le G20 n’est pas paralysé par le droit de veto, mais les Etats Unis, loin de jouer un rôle positif de catalyseur, peuvent bloquer toute discussion sérieuse et toute décision sur des sujets si importants qu’ils soient.

Les membres du G20 "signataires de l'accord de Paris" soulignent dans le communiqué que ce dernier est "irréversible" et "s'engagent à sa pleine mise en œuvre", prenant en compte toutefois les "capacités respectives, au vu des diverses situations nationales".

Les dirigeants des principales économies mondiales "notent les problèmes commerciaux actuels" mais s'abstiennent de toute condamnation du protectionnisme dans ce document négocié jusqu'à la dernière seconde et rendu public par l'Argentine, le pays hôte.
Le G20 promet de faire un point sur cette réforme d'une OMC honnie de Donald Trump, mais aussi contestée pour d'autres raisons par Pékin, au cours de son sommet l'an prochain au Japon.

Les États-Unis rappellent quant à eux dans un paragraphe distinct qu'ils ont rejeté l'accord de Paris. Ils disent s'engager en faveur de "la croissance économique, l'accès à l'énergie et la sécurité, en utilisant toutes les technologies et les sources énergétiques disponibles, tout en protégeant l'environnement".
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’insister.


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